L’énorme chèque en blanc de Nicolas Sarkozy au FESF
Effrayé par la publicité accordée au fait que la France s’est engagée à hauteur de 15 milliards d’euros supplémentaires pour le nouveau plan grec, le gouvernement tente de monter une ligne de défense assez habile mais malhonnête qui consiste à minorer l’engagement budgétaire de notre pays.
Une énième aide aux institutions financières
Pour présenter le nouveau plan d’aide aux créanciers de la Grèce aux Français, le gouvernement s’appuie sur un axe de communication assez habile. Le premier consiste à parler d’un plan d’aide à la Grèce. En effet, cela est plus positif que de parler de la réalité, à savoir un plan d’aide aux créanciers de la Grèce, à nouveau les institutions financières. Car sans plan d’aide, la Grèce ferait défaut et ce sont donc les créanciers qui se retrouveraient en difficulté…
En fait, il y a deux moyens de sortir la Grèce de son impasse. D’une part, le mécanisme actuel qui consiste à donner de l’argent à Athènes pour qu’elle honore ses créances. Dans ce cas, les institutions financières sont à peu près épargnées (pas totalement, grâce à l’action de l’Allemagne) et c’est la Grèce qui subit l’austérité et la mise sous tutelle. L’option du défaut aboutirait à l’inverse puisque ce sont les banques qui auraient alors besoin d’aide. Il est intéressant de constater que la solution choisie favorise outrageusement le système financier par rapport aux Etats et aux peuples…
Quand les Etats font du hors bilan
Le mécanisme européen d’aide est particulièrement intéressant également car il repose sur les mêmes mécanismes qui nous ont amené à la crise financière de 2008. En effet, pour éviter d’avoir à emprunter 440 milliards pour prêter aux pays en difficulté, les Etats européens ont mis en place un Fonds Européen de Stabilisation Financière. Ce fonds ne disposera que de 80 milliards d’euros en capital mais des garanties étatiques lui permettront d’en prêter 5,5 fois plus.
En clair, les Etats européens font comme les banques, à savoir qu’ils utilisent l’effet de levier en transformant 80 milliards en 440 et, mieux, arrivent à sortir cela de leur budget, un peu comme quand les banques font du hors-bilan, en déplaçant des éléments comptables en dehors de leur bilan. François Baroin est d’une malhonnêteté crasse quand il dit que ce n’est pas la France qui prête mais le FESF. Car le fonds européen n’est pas un tiers indépendant, ce fonds, c’est aussi nous.
Bref, alors que nous affrontons une crise des dettes souveraines, nous ajoutons un nouvel étage de dette ! Il est étonnant que si peu de monde s’en soit ému. Mieux, comme l’admet le ministre, ces engagements auront bien une conséquence comptable pour notre pays puisque la part de la France sera bien intégrée à notre dette publique. En outre, la France devra bien avancer sa quote-part du capital (les 80 milliards), soit un peu plus de 16 milliards (que nous devrons emprunter).
Le montant de la facture
Mais il y a une autre subtilité que j’ai découverte en étudiant les documents européens officiels. Pour prêter 440 milliards, le FESF demandait non seulement 80 milliards de capital, mais également une garantie (caution) des Etats à hauteur de 120% des prêts accordés (au cas où il y ait des défauts). En clair, si le FESF donne 440 milliards de prêts, la France est engagée non pas à hauteur de 89 milliards (sa quote-part théorique), mais à hauteur de 107 milliards.
Pire, au printemps 2011, lors de la finalisation de la mise en place du FESF, les marchés financiers ont obtenu que la garantie soit montée à 165% ! En effet, si la Grèce venait à faire défaut mais qu’un des pays qui s’étaient portés garants du FESF venait lui aussi à faire défaut (l’Italie par exemple), alors il serait possible de se retourner sur les autres pays à hauteur de 165% de leur quote-part. En clair, d’un seul coup, notre engagement est passé de 107 à 147 milliards !
Bref, comme la France couvre chaque prêt à hauteur de 165%, on peut dire aujourd’hui que le nouveau plan grec nous engage à hauteur de 25 milliards (15 milliards x 165%) ! En fait, même si mon papier de la fin de la semaine dernière était inexact sur les mécanismes, malheureusement, le montant des engagements de notre pays était sous-estimé puisqu’à date, la France va devoir verser 16 milliards et s’est déjà portée garante à hauteur d’environ 90 milliards en plus.
Et le gouvernement peut bien avancer que nous serrons rembourser, comme le faisaient les banques qui émettaient les prêts subprimes, la majorité des économistes estiment que la Grèce ne remboursera jamais la totalité des prêts (le marché anticipe déjà un défaut de près de 50%). Autant dire que ces garanties ont malheureusement toutes les chances d’être activées et que nous devrons assumer une forte perte (qu’une comptabilité rigoureuse devrait déjà prendre en compte).
Bref, loin de la fable communiquée par le gouvernement, la France s’est lourdement engagée dans les plans d’aide aux créanciers. Certes, la majorité des sommes n’est pas exigible de suite, mais une partie l’est et nous allons sans doute perdre une grande partie de l’autre, qui nous sera alors réclamée…
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