L’époque du Covid : l’Occident éteint les lumières, osons les rallumer !

Il arrive que des pays ou des régimes deviennent fous et perdent la Raison. C’est arrivé au moment de la chasse aux sorcières en Europe, avec un apogée en 1580, période du reste marquée par le début des guerres de religion en France. Dans les années 30, l’Allemagne, pays marqué par la guerre de 14 et la crise de 29, est devenu un pays complètement fou. Quelques années après le début de la guerre froide, l’Amérique est devenu folle avec le maccarthysme, folie du régime émergée en 1950 et achevée vers 1955. Puis Elvis enflamma l’Amérique. Notons qu’en 1950, c’est la première guerre réelle inscrite dans la guerre froide, qui commença en Corée. 2020, la guerre déclarée au virus a conduit les pays à prendre des mesures sans précédent, confinement, surveillance sanitaire, policière. la France n'est pas seule. Allons-nous sortir de cette mauvaise passe ? Qui dans le rôle d’Elvis pour nous embarquer vers une nouvelle destination ? Les nations et les peuples ont-ils perdu la raison comme lors de ces trois épisodes rapidement évoqués, 1580, 1930, 1950 ?
1) Mon dernier papier sur le couvre-feu suscita quelques commentaires dignes d’intérêt. Je retiendrai deux critiques importantes. La première concerne l’art de décider, pour autant que ce soit encore un art. Il est effectivement délicat de remettre en cause des décisions politiques sans se demander ce que l’on aurait fait à la place des décideurs. Qu’aurions-nous fait en 40 ? Telle est la question lancée à l’encontre de celui qui prétend avoir une âme de résistant. Une décision ne se prend pas en étant déconnecté du réel et des conséquences qui en résultent. Ce déplacement de position permet de préciser l’analyse des ressorts décisionnels dans l’appareil de commandement sanitaire. Dont on peut dire qu’il est déterminé à stopper un virus devenu moins agressif tout en circulant, alors que des signaux d’alerte sont émis par les hôpitaux. Je pense maintenant que « l’appareil du régime » est lui aussi gouverné par une crainte diffuse, celle d’être accusé par les médias et une partie des Français de ne pas en avoir fait assez. Le gouvernement a été traversé par la peur de la peur, la crainte d’être face à des gens apeurés, sans oublier le système de soin dont le personnel est lui aussi dans une atmosphère de crainte face à un afflux de malades qui ne ferait que croître. Cette crainte du régime le conduit à prendre des décisions dommageables pour le pays. Ce qui traduit un manque d’empathie intellectuelle et morale. Le système de santé et l’appareil d’Etat ne se mettent pas à la place de la société qui est fracassée par les mesures sanitaires plus que par le virus. On peut aussi faire le reproche inverse. Quelle est la position morale la plus juste ? Comme le dit si bien l’adage ; chacun voit midi à sa porte ; les décideurs cherchent alors midi à quatorze heures et le philosophe, visant une neutralité toute helvétique, cherche désespérément à remettre les pendules à l’heure en utilisant les lames tranchantes de son couteau-suisse pensant. Et l’heure de la crise a bien sonné, sauf que les facteurs expliquant cette crise sont multiples, que cette crise est enclavée et entrelacée avec une crise plus étendue concernant l’Occident et la civilisation. Une crise bien difficile à cerner dans sa complexité mais que le Covid a permis de confirmer en la dévoilant. De manière globale, les citoyens du monde occidental n’ont plus confiance en l’avenir et ces craintes diffuses pourraient générer des sortes de « défaillances » dans le cours des sociétés et des régimes. La France n’est pas la seule concernée comme le précise la note suivante.
2) Un second commentaire fit remarquer que de nombreux pays ont pris des mesures aussi drastiques sinon plus qu’en France. L’opinion commune se dit alors que si les autres le font, c’est que nos gouvernants ne peuvent pas se tromper. C’est d’ailleurs avec cette intention signifiante que cette remarque fut proposée, non sans une délectation de l’intéressé croyant recadrer l’auteur avec un argument d’autorité. Auquel on opposera un autre argument ; si les autres pays font pareil, c’est qu’ils sont eux aussi en crise ; Canada, Australie, Belgique, Espagne ; Italie et même Allemagne et Royaume-Uni sans oublier la Russie, nation qui doit être incluse dans la civilisation occidentale. Ces nations ne sont-elles pas en crise, sociale et surtout politique, au moins en Europe. Le Royaume-Uni et son Brexit, la Belgique, l’Italie et l’Espagne en peine de majorité, la France gouvernée par un apprenti autocrate. Seules exceptions pour l’instant en Occident, les pays scandinaves. Les pays islamiques doté d’un Etat fonctionnel ont réagi la plupart avec des mesures de même sévérité. Le cas de l’Asie nous interroge. Des mesures ont été prises mais l’épidémie a étrangement suivi un autre chemin en Extrême-Orient, dans des pays apparemment épargnés par la crise de civilisation mais dont la culture ne peut pas être transposée chez nous. Les pays d’Amérique latine ont viré en suivant les mêmes vents sécuritaires que l’Europe et pour être complet, les pays africains se sont singularisés parce qu’ils ne disposent pas des appareils d’Etat permettant une réaction sanitaire appuyée. Pour finir, l’Inde est aussi un cas à part, traversée par une crise singulière propre à la culture et l’histoire de cette grande nation.
3) Comment en est-on arrivé là, surtout en Occident ? Comme une impression sur un soleil couchant, celle d’avoir raté une marche, ou alors d’être redescendu d’une marche ; ces deux explications pouvant se compléter. En descendant d’une marche, il faut en franchir deux pour passer à la suivante. Quoique, parler de marche est un doux euphémisme. Il faudrait plutôt évoquer un étage. Nous Occidentaux, qui pensions être arrivés au sommet de la civilisation, étions en réalité descendus d’un étage depuis Kant et les Lumières. Peut-on dire qu’il n’y a pas la lumière à tous les étages chez nos contemporains ? Qui du reste semblent avoir oublié la devise des Lumières selon Kant, sapere aude, aie l’audace de savoir ! Aie le courage, l’audace, d’avoir du goût, du jugement, de te servir de ton propre entendement ! Sapere signifie à l’origine avoir du goût, du discernement permettant d’apprécier les choses selon leur saveur, leur valeur. Ce substantif a pris chez Kant un autre sens. Sapere, c’est savoir apprécier une situation et la juger, bref, une signification fort utile en temps de crise puisque pour les Grecs classiques, krisis signifie juger une situation en vue de prendre une bonne décision. Quelle que soit sa nature, une crise est toujours une instabilité causée par deux forces qui s’opposent et qui risquent de créer une fracture, un effondrement, une explosion. La force émotionnelle conduit l’homme vers les bas instincts, la force morale permet à l’homme de rester debout, de ne pas se laisser entraîner par ses tristes passions, se laisser mener par la partie de l’âme se comportant comme un cheval fou aurait dit Platon. La peur irraisonnée mine les nations, effondre les civilisations.
4) Ce n’est plus seulement la France qui a peur mais le monde, du moins une partie. Nous qui avons cru être maîtres de la nature avec Bacon et Descartes, sommes devenus démunis face à une menace invisible, un virion de quelque 100 nanomètres. Nous avons été informés que nous sommes en guerre contre un virus, mais aussi en guerre contre le réchauffement climatique. Drôle de guerre que celle consistant à affronter une menace invisible dont on ne connaît ni le lieu, ni le moment où elle s’abat sur nous. La menace des intempéries, de la canicule, qui vient sans prévenir, un été, ou alors ne vient pas. Et la menace des virus, devenue maintenant permanente sauf miracle de l’esprit. Sans oublier d’autres craintes diffuses. Quel contraste avec 1970 ! Que le monde a changé en 50 ans ! On dirait que les sociétés ont régressé vers les XVIe et XVIIe siècles, lorsque les autorités princières chassaient les sorcières avec l’appui d’une partie du Clergé pratiquant les savoirs théologiques comme Lyssenko le fit avec les savoirs scientifiques. Ce sont des dominicains qui ont rédigé le traité contre les sorcières (voir note plus bas), manuel permettant de détecter le mal sur la base de signes et témoignage. C’était l’équivalent d’un test PCR pour identifier si un patient était contaminé par le démon. Auquel cas, une réponse inflammatoire pouvait être déclenchée et la sorcière placée sur le feu du bûcher.
En cet étrange XXIe siècle qui n’est pas devenu aussi spirituel que l’aurait souhaité Malraux, les nouveaux don Quichotte de la science combattant les moulins à vents déréglés par le climat et le coronavirus. C’est terrible car si nous avons régressé vers le XVIIe siècle, il nous faudrait alors refaire le chemin vers les Lumières et reprendre en main les clés de notre maturité intellectuelle pour parler comme Kant. Ne plus êtres en état de minorité, ne pas rester comme des enfants face aux savoirs scientistes et aux injonctions autoritaristes. Cela peut prendre du temps, ou aller assez vite. La voie est déjà tracée. Heidegger aurait évoqué une décision ; mais entre quoi et quoi ? Comment définir un état de maturité qui convient à notre époque. L’audace de savoir et la Raison ou le courage d’être libre ? Ce courage d’être liberté aurait peut-être un lien avec la notion de puissance chez Nietzsche. Acte final, la Puissance de la Raison pour conférer une Raison à la Puissance. Savoir se diriger, savoir se conduire et conduire sa vie, être un homme construit par l’educere. L’éducation nationale devrait avoir comme but de former des citoyens capables de conduire leur vie et non pas des élèves apprenant devant obéir et passer des tests pour voir s’ils ont bien appris les leçons.
(La Puissance, Antigone, alliée à la Raison, celle qui résonne de Vérité, que Platon connaissait. La lumière de la Grèce antique qui, si elles ne suffisent pas, se conjuguent avec la grâce divine conduisant vers le salut et le Bien rédempteur. On en revient toujours aux valeurs sûres, Athènes et Jérusalem. Du triplet liberté vérité et bien au mystère de la trinité. L’Homme berger de l’Etre ? Pas tout à fait, sauf à comprendre l’Etre comme trinitaire. L’homme animé par la Liberté, l’homme berger de la Vérité, l’homme accueillant la grâce. A bon entendeur !).
Présentation du Malleus maleficarum (Marteau des sorcières)
« Les éléments théoriques de ces croyances sont élaborés par des intellectuels et théologiens et relayés massivement grâce aux nouvelles techniques de l'imprimerie. Une série de bulles pontificales établissent la légitimité des poursuites juridiques pour instruire des procès, et des manuscrits puis des livres imprimés, véritables manuels d'inquisition comme le Malleus Maleficarum en relaient les fondements théoriques et théologiques. Ces aspects sont également repris dans une iconographie qui fonde la façon dont les sorcières seront décrites dans l'art et la culture occidentale par la suite. » (Wikipédia)
« La seconde partie explique comment procéder à la capture, instruire le procès, organiser la détention et l’élimination des sorcières. Cette partie traite aussi de la confiance qu’on peut accorder ou non aux déclarations des témoins, dont les accusations sont souvent proférées par envie ou désir de vengeance ; les auteurs affirment toutefois que les indiscrétions et la rumeur publique sont suffisantes pour conduire une personne devant les tribunaux et qu’une défense trop véhémente d’un avocat prouve que celui-ci est ensorcelé. Le manuel donne des indications sur la manière d’éviter aux autorités d’être sujettes à la sorcellerie et rassurent le lecteur sur le fait que les juges, en tant que représentants de Dieu, sont immunisés contre le pouvoir des sorcières. Une grande partie est consacrée à l’illustration des signes, dont la glossolalie, la voyance et la psychokinèse et les « marques du diable » (pattes de crapaud au blanc de l'œil, taches sur la peau, zones insensibles, maigreur…). Elle est consacrée aussi aux techniques d’extorsion des confessions, des preuves (notamment la pesée et l'ordalie par l'eau glacée) et à la pratique de la torture durant les interrogatoires : il est en particulier recommandé d’utiliser le fer rougi au feu pour le rasage du corps en son entier des accusées, afin de trouver la fameuse « marque du Diable », qui prouverait leur supposée culpabilité. » (Wikipédia)
Ilustration musicale, ELP, Jerusalem
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