L’équation fumeuse d’un dirigeant politique à propos du redoublement scolaire
Une mesure visant à augmenter la main d'oeuvre professorale dans les écoles du territoire serait justifiée par une prise en compte d'un déficit budgétaire annuel du système éducatif, causé par les redoublements scolaires. La fausseté de cette argumentation n'a pas dû échapper aux personnes un tant soit peu rigoureuse ayant eu vent par hasard du débat entre les deux candidats finaux des primaires socialistes.
F.Hollande : "Oui, je mettrai 2,5 milliards pour financer ces 60 000 postes sur le budget de l'éducation à la fin du quinquennat. Oui, le redoublement, c'est bien 2,5 milliards à la fin du quinquennat."
Cette affirmation totalement infondée relève d'une méprise assez grande entre les statistiques et la réalité de la profession éducative, et également, d'un a priori idéologique assez inquiétant de la part d'un candidat dit "socialiste".
En effet, alors que le credo des dits "socialistes" seraient de remettre la politique devant l'économie, cette argumentation sur le redoublement scolaire introduit une considération et donc une mesure budgétaire là où il n'y a pas lieu d'être.
Pour M.Hollande, les redoublements scolaires constituent une perte d'argent pour l'état qui serait évaluée à 2.5 milliards d'euros sur cinq ans. Un certain nombre d'élèves qui redoublent équivaudrait, dans cette logique, à un certain nombre de classes, et donc à un certain nombre de professeurs. De là, un raccourci assez inquiétant pour justifier ces propos : si les élèves ne redoublaient pas, cela ferait des classes et des professeurs en plus, statistiquement.
Cette argumentation est fallacieuse du point de vue de la logique, mais également, moralement ou éthiquement contestable, et ce d'autant plus en ce qu'elle émane d'une personne se préoccupant de questions sociales.
1) Une logique fallacieuse et non scientifique
Il est erroné d'assimiler les redoublements scolaires à une statistique globale budgétaire, car il existe des variables d'échelle à prendre en compte.
D'une part, la démographie de la population fluctue constamment, et ce de manière aussi bien locale que globale. Les fluctuations liées au redoublement et les fluctuations liées à la démographie ne sont pas corrélées, et les deux fluctuations entrent en jeu dans la situation démographique scolaire sur le territoire. Les fluctuations liées au redoublement ne peuvent donc être quantifiées de manière budgétaire, étant donné que celles liées à la démographie sont hors de ce champ budgétaire.
D'autre part, de un à trois élèves qui redoublent dans une classe, en moyenne, n'affectent en rien la situation de masse active du corps enseignant, car ces fluctuations minimes s'effacent statistiquement dans la fluctuation démographique au niveau global du territoire, et il n'y a pas de corrélation entre démographie élevée ou faible à échelle locale et le taux de redoublement par classe, toujours de manière locale.
C'est pourquoi quantifier les redoublements de manière budgétaire est totalement arbitraire, infondé et non scientifique du point de vue économique.
2) Une argumentation éthiquement contestable
Assimiler les enfants "redoublants" à un déficit d'argent public pour l'état consiste à faire porter à ces enfants en difficulté une responsabilité financière et économique dont ils ne sont absolument pas responsables, et ce d'autant plus que ces enfants n'ont pas atteint la majorité et sont à la charge complète de leurs parents et du système éducatif dont ils dépendent.
Ramener le développement des enfants et l'éducation à une question de politique budgétaire est pour le moins le signe d'une pensée très étroite de ce qu'est l'éducation.
Il s'agit ainsi de la part d'un responsable politique de l'évocation d'une double-peine pour ces enfants, qui non seulement ne sont peut-être pas adaptés au système éducatif tel qu'il existe, c'est-à-dire issu d'un système de société basé sur la compétition économique et les divisions nationales et communautaires, modèle de société qui est déjà éthiquement contestable, mais en plus, ces enfants sont accusés de contribuer aux problèmes budgétaires du pays, ce qui est un peu fort en chocolat de la part de responsables (eux) politiques.
3) Un système compétitif de société et de développement suranné
Si le système éducatif uniformisé et basé sur la compétition n'est pas une réussite pour tous les enfants, il s'agit sans doute premièrement de la faute du système éducatif, inculquant un moule d'apprentissage et de pensée sur ces derniers, afin qu'ils se conforment à la société telle qu'elle est, et non pas afin qu'ils se développent tels qu'ils sont, et qui peut les amener à développer d'autres dispositions et approches en contradictions avec les normes et valeurs imposées par la société nationaliste et communautariste, qui une fois de plus sont des normes et valeurs qui divisent, tant à l'échelle relationnelle à l'intérieur de la société, et à l'échelle globale au niveau mondial.
4) Le monde malade des nations et du communautarisme
A force de tout voir sous le filtre budgétaire ou idéologique, les politiques modernes ont manifestement perdu la conscience de ce que si le monde est dans un tel chaos aujourd'hui, c'est bien de la faute des nations et des communautés de nations, et que mettre fin au désordre consiste à mettre fin au nationalisme ou au communautarisme de nations et à tout ce qui divise les êtres humains entre eux, que cela soit les idéologies ou les croyances dogmatiques et culturelles, et de comprendre que les nations, et donc les gouvernements, ne font partie d'aucune solution, mais bien du problème, car les nations, le nationalisme et leurs idéologies dans lesquelles évoluent les politiciens sont véritablement pour une grande part responsables de nombreux maux des êtres humains de part le monde.
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