L’honneur perdu de Nicolas Sarkozy
« Nicolas Sarkozy se conformera évidemment à la sanction prononcée qui est désormais définitive. Parallèlement, il saisira dans les semaines à venir la Cour européenne, comme il est désormais en droit de le faire, pour obtenir la garantie des droits que les juges français lui ont déniée. » (Me Patrice Spinosi, avocat de Nicolas Sarkozy, communiqué à l'AFP le 18 décembre 2024).
Tempête historique pour un ancien Président de la République. À la suite de son audience le 6 novembre 2024 où elle a examiné les vingt arguments soulevés par la défense, la Cour de Cassation a confirmé ce mercredi 18 décembre 2024 à 14 heures la condamnation en appel le 17 mai 2023 de l'ancien Président Nicolas Sarkozy à trois ans de prison dont un an ferme et trois ans d'inéligibilité pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire Paul Bismuth. La peine est immédiatement exécutoire puisqu'il s'agit de la condamnation définitive de l'ancien Président de la République.
C'est la première fois qu'un ancien Président de la République est condamné définitivement à une peine de prison ferme. Avant lui, Jacques Chirac, dans l'affaire des emplois fictifs de Paris, avait été condamné à une peine de prison avec sursis, ce qui avait fait de lui le premier ancien Président de la République à avoir été condamné tout court. C'est la preuve que la justice est rendue de la même manière pour tout le monde, que l'on soit puissant ou pas, contredisant la célèbre formule de La Fontaine. C'est aussi un signal de sévérité sur le verdict qui sera rendu pour Marine Le Pen et ses proches du RN.
Dans la courant de l'année 2025, la Cour de Cassation se prononcera aussi sur la condamnation de Nicolas Sarkozy le 14 février 2024 à un an de prison dont six mois ferme par la cour d'appel de Paris dans l'affaire Bygmalion.
Concrètement, dans quelques jours, Nicolas Sarkozy sera amené à porter un bracelet électronique à son domicile avec des horaires aménagés (restreints) de sortie, notamment pour poursuivre son travail à son bureau rue de Miromesnil à Paris où il rencontre (encore) beaucoup de personnalités politiques, ainsi qu'à l'étranger pour des conférences, etc. et aussi pour comparaître devant le tribunal de Paris pour une autre affaire (dont le procès commence le 6 janvier 2025 pour quatre mois), celle des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
C'est à partir de cette dernière affaire qu'il a été mis sous écoute pour ses communications avec un téléphone où il se faisait passer pour Paul Bismuth. Un « pacte de corruption » aurait ainsi été découvert par le juge : il aurait souhaité, en 2014, influer sur un recours dans l'affaire Bettencourt (pour laquelle on ne lui a rien reproché, il voulait seulement récupérer ses agendas), en échange de quoi il aurait promis d'aider (de donner un « coup de pouce » à) un haut magistrat de la Cour de Cassation, Gilbert Azibert, pour un poste honorifique à Monaco qu'il n'a pas obtenu. Ces écoutes ont ainsi constitué une nouvelle affaire pour corruption et trafic d'influence. Son interlocuteur au téléphone était son avocat Thierry Herzog et toute la défense de Nicolas Sarkozy dans l'affaire Bismuth consistait à faire prévaloir les droits de la défense à ne pas être écoutée dans les conversations entre l'avocat et son client.
Maître Patrice Spinosi, l'avocat de l'ancien chef de l'État, va saisir la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), mais cette saisie n'est pas suspensive de la peine définitive. Il s'agit ici de faire condamner la France car sa justice ne respecte pas les droits de la défense. En effet, le juge n'a pas à écouter les conversations entre un avocat et son client. C'est une bataille juridique qui peut durer longtemps et qui n'aura certainement pas d'influence sur l'exécution de la peine. La base du recours est une décision ancienne de la CEDH, l'arrêt du 16 juin 2016, qui précise : « Nicolas Sarkozy ne peut pas être pénalement condamné sur le fondement d’échanges qu’il a eus avec son avocat. ».
C'est ce que dit le communiqué de presse de l'avocat : « La Cour de Cassation vient de rendre une décision contraire à la jurisprudence de la CEDH sur les droits de la défense et le secret professionnel. Pour la première fois en France, une personne est pénalement condamnée sur le seul fondement de propos qui ont été surpris alors qu'il s'entretenait avec son avocat. Au-delà du cas personnel de Nicolas Sarkozy, c'est un sujet d'inquiétude pour les libertés de tous. (…) C'est un triste jour, celui où un ancien Président de la République est tenu d'engager une action devant des juges européens pour faire condamner un État aux destinées duquel il a présidé. ».
En outre, son avocat pourrait solliciter une demande de libération conditionnelle en raison de son âge (il a presque 70 ans) auprès du juge d'application des peines relevant de son domicile.
Pour Nicolas Sarkozy, au-delà de l'inconfort de l'exécution de la peine, la décision de la Cour de Cassation ce mercredi constitue un véritable choc de déshonneur,un choc également historique dans les annales judiciaires, d'autant plus qu'il avait placé cette décision sur le plan de son honneur et de son intégrité qu'il voulait retrouver.
Toujours assez influent dans la vie politique, et même de retour d'influence avec la nomination de Michel Barnier à Matignon parce qu'il prônait depuis juin 2022 un gouvernement avec le bloc central et LR, même s'il n'a pu éviter la nomination de François Bayrou qu'il déteste depuis 2007 à cause de ses positions antisarkozystes, Nicolas Sarkozy subit l'indignité d'être condamné pour corruption et pas pour de quelconques affaires financières vaguement assumées, assez fréquentes dans la classe politique. C'est son intégrité qui est directement touchée et Nicolas Sarkozy aura du mal à user de son statut d'ancien Président de la République ou d'homme politique expérimenté pour donner des leçons de politiques à ses prochains visiteurs. Acharnement, vous avez dit ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (18 décembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L'honneur perdu de Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy réagit à la dissolution dans le JDD (15 juin 2024).
Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
Discours du Président Nicolas Sarkozy le 16 décembre 2008 au Parlement Européen de Strasbourg (texte intégral).
Discours du Président Nicolas Sarkozy le 10 juillet 2008 au Parlement Européen de Strasbourg (texte intégral).
Sale temps pour Nicolas Sarkozy !
La justice harcèle-t-elle la classe politique ?
Carla Bruni.
La sagesse de Nicolas Sarkozy.
Pour qui votera Nicolas Sarkozy au premier tour ?
Bygmalion : Éric Zemmour soutient Nicolas Sarkozy.
Injustice pour Nicolas Sarkozy ?
Sarko et ses frères...
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