L’implosion du PS devient probable, le changement devient possible
Changement de premier ministre : la dernière cartouche de Hollande
Il y a un mois, le PS prenait une raclée lors des élections municipales : rappelons que 10 villes de plus de 100000 habitants sur 46 et 53 villes entre 30000 et 100000 habitants sont passées à droite et que des bastions de la gauche comme Limoges (depuis 1912) ont été perdues.
Avant les élections, la presse anticipait une défaite du PS mais prévoyait que Hollande attendrait la volée de bois vert européenne avant d’opérer un remaniement ministériel. En réalité l’échec fut à ce point cuisant que Hollande décida de remanier en profondeur son gouvernement.
Sous la 5e république, le changement de 1er ministre est l’ultime solution du président pour conserver le pouvoir jusqu’à la fin de son mandat. Pour cette raison, les présidents précédents n’utilisaient ce remède qu’une seule fois :
- Nicolas Sarkozy : remaniement mineur au bout d’un mois (gouvernement d’ouverture), remaniement mineur le 23 juin 2009 suite aux européennes, remaniement le 14 novembre 2010, il y a eu en tout 3 gouvernements dirigés par François Fillon qui a toujours été reconduit.
- Jacques Chirac (2ème mandat) : 3 gouvernements Raffarin (6 mai 2002 – 31 mai 2005), un gouvernement De Villepin (31 mais 2005 -15 mai 2007)
- Jacques Chirac (1er mandat) : 2 gouvernements Alain Juppé ( 17 mai 1995 – 2 juin 1997), un gouvernement Jospin (2 juin 1997 – 6 mai 2002)
On remarque donc que les remaniements sont fréquents mais que les changements de premier ministre le sont moins pour des raisons évidentes : le premier ministre dirige théoriquement le gouvernement (même si cela est moins évident depuis la présidence Sarkozy) ; or si celui-ci est plus populaire que le président, il peut prendre l’ascendant sur le président. Les relations entre le premier ministre et le président sont un rapport de force et un changement de premier ministre provoque une rupture de l’équilibre de ce rapport : le nouveau premier ministre peut provoquer des remous, voire des ruptures dans la majorité présidentielle. Enfin, un changement récurrent de premier ministre entame la crédibilité du président puisque quand le changement de la plus haute tête du gouvernement ne suffit pas, la légitimité du président est forcément remise en question.
Il n’y aura donc pas de deuxième chance, le gouvernement Valls doit réussir ou entraîner tout le navire socialiste dans son naufrage. Or ce gouvernement ne peut réussir pour la simple raison que la politique ultralibérale et libre-échangiste qu’il prétend poursuivre est déjà un échec cuisant. Cette politique qui mise sur la réduction de la dette et son pendant l’austérité aggravera la récession et le chômage sur lequel François Hollande a récemment misé sa vie politique. Cette politique de flexibilité et de « compétitivité » (de réduction des salaires et du niveau des cotisations sociales) fera baisser la consommation et aggravera les inégalités.
Par ailleurs, des premiers signes de craquement sont déjà présents à seulement un mois du changement de tête. Les écologistes ont claqué la porte du gouvernement dès le lendemain de cette nomination, le Front de Gauche travaille à une union de la gauche alternative et le pacte de responsabilité a provoqué hier l’abstention de 41 députés socialistes, signe avant-coureur d’une déliquescence de la majorité parlementaire.
Hollande, fin tacticien, pourrait tenir encore quelques mois voire une année en lançant des fumigènes à la manière de N. Sarkozy en focalisant par exemple l’attention sur une intervention militaire ou par des mesures fantoche comme un plan cité ou pauvreté. Malheureusement pour lui, un grain de sable semble s’être incrusté dans les rouages de sa stratégie et qui pourrait bien détruire son gouvernement : les élections européennes.
Les élections européennes : la poudrière du bipartisme ?
Les élections européennes auront lieu le 25 mai. Ces élections seront bien plus dangereuses que les élections municipales :
- L’enjeu : les municipales étaient basées sur des enjeux locaux et les candidats PS pouvaient espérer garder leur siège en axant leur campagne sur ces enjeux. Bien sûr, les électeurs ne se sont pas privés de sanctionner le président de la république me direz-vous. Reste que l’identité locale de cette élection a amoindri la débandade annoncée. Or les élections européennes consacrent une véritable ligne de fracture entre partis européistes et anti-UE (immigration, libre-échange, euro, dette, souveraineté nationale). Or le sentiment anti-UE est en passe de devenir majoritaire (42% des Français pensent que l’UE ne bénéficie pas à la France selon une enquête IFOP, 52% des Français souhaitent moins d’Europe selon un autre sondage, et enfin 56% des Français sont pour la suppression de l’euro !). Le Front National, largement focalisé sur ces questions, pourrait réaliser « l’exploit » de devenir le premier parti de France à ces élections, ce qui serait un séisme pour le PS.
- Le mode de scrutin (majoritaire et proportionnel pour les villes de plus de 1000 habitants et majoritaire et plurinominal dans celles de moins de 1000 habitants) a limité la progression du FN grâce au « désistement républicain » et l’implantation des petits partis par son caractère principalement majoritaire. Le scrutin des européennes, proportionnel quasi intégral à un tour élimine l’argument du vote utile et permettrait l’entrée de partis contestataires (UPR, Nouvelle Donne, DLR, démocratie réelle) et le renforcement des autres outsiders (EELV, Front de Gauche).
Somme toute, cette élection se présente comme une déflagration qui pourrait mener pour la première fois le PS en dessous de la barre des 20%. Il perdrait ainsi son hégémonie face aux autres forces de gauche, et être de surcroît dépassé par le FN qui deviendrait le premier parti de France.
Les conséquences d’un tel massacre seraient cataclysmiques :
- Manuel Valls serait directement mis en cause par un tel vote. Cela ne suffit pas pour envisager sa démission. Ceci étant, la fronde des députés pourrait devenir incontrôlable au point de provoquer une dislocation du groupe socialiste à l’Assemblée nationale et précipiter la formation d’une gauche alternative composée de dissidents PS, d’écologistes et de députés Fdg.
- François Hollande serait encore un peu plus délégitimé. Or, rappelons que celui-ci a tiré trop vite sa dernière cartouche du remplacement de premier ministre. Imaginons tout de même qu’il décide de remplacer Valls. Quelle personnalité serait assez crédible et populaire pour assumer une telle fonction jusqu’en 2017 ? Montebourg s’est carbonisé en reniant ses propres idées, Fabius est inexistant, Moscovici n’existe plus, Aubry préfère attendre 2017…De plus, un remplacement aussi rapide pourrait accélérer la décomposition du PS. Enfin, la pression (du FN et l’UMP) pour une dissolution de l’Assemblée nationale s’accentuerait.
Un espoir pour le changement ?
Après un tel revers, deux options s’offriront donc au président : dissoudre l’Assemblée nationale ou ne pas tenir compte du vote européen et laisser passer la tempête. Les deux décisions lui sont largement défavorables et il devra donc choisir celle qui sera la moins douloureuse pour lui.
- Dissoudre l’Assemblée nationale : excluons tout de suite l’argument démocratique selon lequel l’Assemblée nationale n’est plus représentative. Hollande n’a aucune obligation et n’a cure de la démocratie tout comme les précédents « monarques républicains » avant lui. A priori, il n’a donc aucun intérêt à cette dissolution qui se concrétiserait par une cohabitation. Il pourrait pourtant considérer que l’UMP au pouvoir échouerait à redresser la situation à tel enseigne que les électeurs reviendraient à nouveau vers lui en 2017. Cette vision politique marque un manque de lucidité total : il deviendrait encore plus évident que ces deux partis partagent quasiment le même programme et les électeurs se tourneraient vers d’autres solutions (FdG ou FN). D’autre part, en admettant que Hollande est à ce point déconnecté de la réalité, cette stratégie resterait très risquée, ce qui ne correspond pas jusque là au comportement de ce personnage qui préfère manœuvrer subrepticement pour créer des synthèses et qui a manqué à plusieurs reprises de tripes dans ses prises de décisions (clause de conscience sur le mariage homosexuel, retournement de veste sur la finance, austérité pas complètement assumée…)
- Garder son gouvernement et continuer sur la même ligne : cette solution semble la plus satisfaisante, Hollande conserve le pouvoir et sa majorité. De plus, cela correspond beaucoup plus au comportement de Hollande qui s’est claquemuré dans sa tour d’ivoire depuis 2 ans et qui s’entête dans son tropisme ultralibéral. Dans ce cas, il n’aurait pas d’autre option que de choisir clairement son camp et d’accélérer le virage ultralibéral dont les conséquences seraient, outre l’explosion sociale, l’éclatement de la majorité présidentielle et paradoxalement l’obligation de dissoudre l’Assemblée nationale à une échéance incertaine.
Conclusion
Les élections européennes pourraient constituer en définitive le début de la fin pour François Hollande et surtoutpour le parti socialiste. On peut tout de même envisager d’autres conséquences possibles, comme le « Hollandisme révolutionnaire » qu’avait un temps pronostiqué Emmanuel Todd mais qui n’a encore jamais eu lieu. Cette éventualité ne résiste toute fois pas à l’analyse des actes : Hollande a trahi à maintes reprises son électorat et s’est toujours un peu plus enfoncé dans la soumission aux marchés financiers, au MEDEF ou à l’impérialisme américain. La deuxième inconnue partielle est celle du comportement des députés, la suite des évènements reposant pour une large part sur leurs épaules. La fronde s’aggravera mais pourrait être matée par un Bruno Leroux qui a pour le moment été un excellent kapo du pouvoir solférinien. Si cela était le cas, alors il faudrait attendre les élections régionales de 2015 ou une explosion sociale pour faire voler en éclat le pouvoir socialiste
Une ultime question reste en suspend, celle de la recomposition du pouvoir. Car, en cas de dissolution de l’Assemblée nationale, aucun parti ne pourra gouverner seul , que ce soit le FN, l’UMP, le PS ou même le FdG, à part si bien sûr, les masques tombent comme dans les autres pays qui nous ont précédé dans l’austérité (Italie, Grèce) et que l’UMP et le PS gouvernent ensemble dans une « union nationale », ce qui constituerait le chant du cygne de l’européisme et le prémisse d’une nouvelle ère. Si en revanche, ces deux partis ne s’accordaient pas, il y a fort à parier que cela ouvrirait la voie à une crise institutionnelle dont nul ne peut prévoir l’issue.
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