L’offensive Villepin
Le procès de l’affaire Clearstream à peine débuté, Dominique de Villepin joue déjà le coup d’après en lançant coup sur coup son site personnel, le Club Villepin, et sa communauté virtuelle, Villepincom. Si l’on ajoute à cela une accélération du nombre d’interviews pédagogiques délivrés aux médias, tout dans l’attitude du meilleur ennemi de Nicolas Sarkozy tend à montrer une détermination peu commune.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour autant ce n’est pas gagné d’avance : le procès Clearstream s’annonce depuis plusieurs semaines déjà comme un déballage monumental, mêlant entre autres et dans le désordre le plus complet un Président de la République actuel (Sarkozy), un ancien Premier ministre (Villepin), un ancien journaliste (Denis Robert), un ancien directeur des RG (Yves Bertrand) - dont la propension à narrer dans les médias le contenu du moindre de ses rendez-vous supposés confidentiels amène à se réjouir qu’il ait fait carrière dans les renseignements, et non dans la médecine spécialisée -, quelques hommes politiques (DSK, Chevènement, Madelin, Hortefeux, etc.) et un joyeux duo d’intrigants mythomanes difficiles à comprendre (Gergorin et Lahoud).
Le problème pour Villepin, c’est que de ce capharnaüm médiatique n’émergent le plus souvent que deux noms, celui de Nicolas Sarkozy et le sien. Leur adversité étant depuis longtemps de notoriété commune, l’affaire Clearstream est perçue comme un élément supplémentaire de leur duel, désormais à mort (politique). "Villepin a tiré toutes les ficelles, il voulait en 2004 empêcher Sarkozy de se présenter aux présidentielles", disent les sarkozystes. "Quoi qu’il se soit passé, Villepin n’y est pour rien, et Sarkozy, qui savait tout depuis le début, a abusé de la situation pour se débarrasser de Villepin", répondent les villepinistes. Quant à leur mentor, il tente le tout pour le tout afin de sortir le débat de cette ornière politique, condition sine qua none selon lui à l’apparition d’une vérité :
"Dans la mesure où on veut ramener cette affaire à une rivalité entre Nicolas Sarkozy et moi, on voit bien qu’on veut en faire un procès politique. Je refuse. [...] Ce que nous vivons, c’est une série télévisée : à chaque fois que la vérité s’approche, eh bien il y a un nouvel épisode du feuilleton. Eh bien écoutez, soyons patients : dans quelques jours, nous connaîtrons la vérité et elle réservera, j’en suis sûr, quelques surprises."
La première des surprises, c’est donc déjà le timing des lancements médiatiques évoqués en introduction : une attitude prudente aurait consisté en l’attente du dénouement du procès, afin d’en expliquer sur un site ouvert à cette occasion les conclusions, et d’éventuellement embrayer sur une transition politique et électorale. Cela serait sans compter sans le caractère pugnace du Coq Oiseau (Galouzeau) : la meilleure des défenses, c’est l’attaque, semble proclamer à la France entière le sourire de Villepin qui orne désormais la page d’accueil de son Club.
Quelques jours auparavant, Brigitte Girardin - la Présidente du Club en question - avait prévenu par mail les internautes bienveillants de l’imminence de l’événement, et de son ambition :
"A la fois lieu d’information, de propositions et de rendez-vous, le site vous informera quotidiennement sur les actualités du club et celles de Dominique de Villepin qui vous apportera régulièrement son concours à travers ses réflexions et propositions. [...] Avec le lancement du site officiel du Club, nous vous annonçons la naissance du site communautaire « Villepincom », qui est un réseau social autour de Dominique de Villepin entièrement ouvert à tous. [...] Grâce au site, nous allons rapidement devenir des milliers. A travers sa création, c’est une communauté nouvelle, engagée, courageuse, fière, car forte de convictions partagées, qui se rassemble pour œuvrer à la construction de la France de demain."
Mais c’est sur la page d’accueil du Club que l’on trouve la définition de sa raison d’être, sous la forme d’une profession de foi collective, organisée autour d’une idéologie se résumant à l’héritage du Gaullisme tel que l’intègre la vision politique de Dominique de Villepin :
"A l’heure où la France connait une crise économique et sociale inédite, nous avons la conviction que la personne et l’action de Dominique de Villepin doivent être soutenues dans un esprit d’engagement et de rassemblement inhérent au Gaullisme. Dominique de Villepin incarne à la fois une vision internationale et une certaine idée de la France et de ses institutions."
Surprise : si De Gaulle est là et bien là (mention est faite du "Gaullisme", mais aussi d’une "certaine idée de la France"), à aucun moment il n’est fait référence à Jacques Chirac, à son héritage politique ou à continuité quelconque le concernant. Tout au plus est-il cité dans la partie "bio", lorsque Villepin évoque "[s]on action politique aux côtés de Jacques Chirac". Cet état de fait révèle un tournant crucial dans la vie politique de Villepin : le fils préféré ose enfin s’affranchir de ce père si encombrant, pour qui l’expression "action politique" était un oxymore. La rupture sarkozyste, Villepin l’a lui aussi intégrée, certes vis-à-vis de Sarkozy lui-même - il parle alors d’"alternative" - mais aussi vis-à-vis de Jacques Chirac. L’éternel "bras droit" est devenu ambidextre. Ce "cher Dominique" s’appelle désormais Villepin. Et quand il écrit lui-même sa bio sur son site personnel, c’est par le mot "demain" qu’il la conclut.
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