L’Union Nationale ou l’appel de l’oligarchie au coming out de François Hollande
Les manifs anti-mariage, la ligne Buisson à l'Ump et les jérémiades actuelles des élus PS, presque de gauche, montraient que la société semblait se cliver de plus en plus, quand, patatras, un sondage place l'Union Nationale comme solution quasi unanimement invoquée par les Français. Sans prendre ce sondage trop au sérieux, que signifie cet appel à François Hollande à faire son coming-out, officialisant son tropisme à l'extrême centre GoldmanSacho-compatible ?
Au moment où s'élève la voix de la gauche du PS pour réclamer un "virage à gauche" et une "confrontation" avec la droite allemande et qu'en même temps défilent ensemble députés UMP et FN, le JDD publie les résultats d'une enquete en ligne à laquelle 78% des répondants se disent favorables à ce que "François Hollande mette en place un gouvernement d'union nationale, composé de personnalités issues des différents partis politiques de gauche et de droite représentés au Parlement, ainsi que de personnalités issues de la société civile".
La moitié des répondants se disent même convaincus qu'un tel gouvernement serait plus efficace pour lutter contre le chômage. On s'étonne d'ailleurs que certains réclament l'Union Nationale tout en ne lui reconnaissant pas une meilleure efficacité. On s'étonne encore plus de ce plebiscite pour la fin des clivages Droite-Gauche, car le plus droitiers des rares gouvernements de gauche que la France ait connu ne trouverait grâce que pour à peine un quart des "sondés" dans d'autres enquêtes.
Car, en effet, si François Hollande n'a pas voulu débaucher des personnalités du Modem ou de l'UMP pour former son gouvernement, il n'empêche que la ligne politique appliquée rejoint celle des mandatures précédentes. Les visages et le style ont changé, la "boîte à outil" elle, n'a pas changé, à quelques nuances près. Autrement dit, le "gouvernement d'Union Nationale" réclamé par les sondés du JDD correspondrait à une clarification de la situation actuelle, à savoir que la majorité parlementaire pour la politique menée repose sur un arc allant du PS à l'UMP. En somme, le message du JDD serait : cessez de faire semblant de vous opposer, assumez !
D'où la légitimité à interroger la capacité d'un tel gouvernement à lutter contre le chômage alors même que les politiques menées sous Raffarin, Villepin, Fillon ou Ayrault ont prouvé leur inefficacité et que tout ce petit monde s'entend sur le fond, à savoir qu'ils ont raison malgré le peuple (cf Congrès de 2007 pourle traité de Lisbonne), qu'on diminue le Chômage en facilitant les licenciements, qu'on réduit la dette en cajolant les marchés et qu'on traite les déficits par des coupes drastiques dans ce qui faisait contre-poids à la tendance récessive. Le tout en utilisant tout ce que la Vè République permet comme muselage des débats parlementaires.
Par contre, en accédant à la demande des internautes ayant joué le jeu de la question posée, en faisant ce grand coming out de l'Union Nationale, François Hollande aurait une occasion de servir la France : plus besoin de campagnes populistes et démagogiques comme nous en avons connu avec ce souci de se démarquer de "l'adversaire", plus besoin de campagne tout court d'ailleurs puisque 78% des sondés sont d'accord : Union Nationale sous la bannière de l'austérité !
De deux choses l'une, ou bien le biais sociologique qui conduit à faire l'effort de répondre à un sondage politique en ligne, nous impose de modérer cet appel quasi unanime à la poursuite du sadomasochisme gouvernemental, ou bien les répondants sont en fait de fins calculateurs, pariant sur l'effondrement définitif de toute crédibilité aux porteurs du prêt-à-penser néolibéral. De sorte que, enfin mis dans le même sac, plus personne ne soit tenté de prolonger l'aventure oui-ouiste.
Si ce n'est pas cela, c'est que la décomposition du corps politique est telle que des citoyens sondés, face à l'alternance de façade, réclament l'abscence de toute alternative. La peur du changement suscite en quelque sorte une volonté d'accélérer l'effondrement. L'Union Nationale des partisans du cadre actuel des traités européens ne pouvant conduire qu'à l'échec, les médias reprenant en choeur l'appel accélèrent de fait la prophétie mélenchonienne du "à la fin cela finira Front contre Front" avec la certitude que le temps imparti sera utilisé pour diaboliser l'un en parachevant la dédiabolisation de l'autre...
Peut-être s'agit-il d'ailleurs derrière ce sondage et sa reprise médiatique de rappeler à François Hollande à qui il doit son élection et tous les efforts déployés pour rendre flanby "présidentiable"...un cas d'école cela dit...encensement général puis les discussions faussement outrées sur ses propositions visant à faire" de gauche".
Car la même séquence médiatique nous offre sur un plateau la croyance là encore quasi unanime qu'une "explosion sociale" serait imminente. Autrement dit, la riposte des amis de Holande à la rebellion feutrée de son aile gauche et l'appel de Mélenchon à une cohabitation, c'est l'Union Nationale, un schéma "à l'allemande" déjà observé en Grèce ou en Italie, sur fond d'agitation de réactionnaires et autres groupuscules d'extrême droite.
C'est dire si l'heure est grâve, pour que l'intelligentsia démophobe appelle à sauver ce qui peut encore l'être en appelant son pantin à afficher au grand jour l'alliance de fait qui soutient le programme néolibéral. L'ANI n'est pas encore passé qu'ils le pressent déjà de saborder un peu plus les retraites et la sécurité sociale. Cette séquence venant après une série de prises de position pour le moins inquiétantes contre l'austérité...Si on ne peut plus se servir d'une crise autoentretenue pour dépouiller les gens, où va-t-on ?
D'où l'idée que la seule posture crédible qui reste au Président est de transformer un peu plus son gouvernement en une clique de mercenaires grassement payés pour appliquer la politique de la Troika. Après tout les "gens" ont assez peur des "extrêmes" pour accepter "l'Union Nationale", la douceur de notre civilisation faisant qu'il n'y a plus besoin d'assassiner les ennemis de la Finance, il suffit de les ridiculiser et de montrer combien ils sont malpolis. Les "gens" ont du temps pour répondre à des sondages, pas pour lire les programmes.
L'oligarchie se maintiendra tant que le peuple fera l'autruche de peur de choisir son camp, comme dit Madame Parisot : je vois que de plus en plus de commentateurs évoquent un scénario type années 30 pour notre pays et pour l’Europe, je l’ai moi-même écrit dans un livre, que j’ai publié en septembre 2011, et qui s’appelle « Un piège bleu marine ». Le piège ayant bien fonctionné pour éviter un 21 avril à l'envers en 2012, il convient désormais de le convoquer pour accéler les "réformes" et pourquoi pas par un gouvernement d'Union Nationale. Sereinement, le "sénario type années 30" se poursuit.
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