La belle hypocrisie de l’Assemblée nationale sur le lobbying
L’annonce à grand renfort de trompettes du retrait de la lobbyiste de Servier de la liste des représentants d’intérêts accrédités à l’Assemble nationale pourrait nous amener à penser que, enfin, nos députés se préoccupent de contrôler les activités des lobbyistes. Pourtant, ce constat ne résiste pas à une analyse autre que superficielle.

Que cela soit clair, l’objectif n’est pas de juger de la décision en elle-même. Il est fort possible que les activités de la représentante de Servier auprès des parlementaires aient dépassé les limites déontologiques. En tout cas, je ne dispose pas d’éléments pouvant peser dans ce débat. Par contre ce qui est intéressant c’est de s’intéresser à cette fameuse liste des représentants d’intérêts. Cela est d’autant plus facile que sa consultation est libre, en suivant ce lien : liste des représentants d'intérêts à l'Assemblée nationale . Son principe a été adopté par le bureau de l’Assemblée nationale le 2 juillet 2009 et fait suite à des travaux menés par les députés ces dernières années pour mieux encadrer le rôle des lobbys dans la production législative.
La liste des représentants d’intérêts incite les lobbyistes représentants des sociétés, des associations professionnelles, à s’enregistrer auprès de l’Assemblée nationale. En échange de cette procédure, ils disposent d’un badge nominatif par entreprise qui leur permet d’accéder, sous certaines conditions, à l’Assemblée nationale. Si cet objectif de transparence est louable, il est malheureusement quelque peu hypocrite. Car rien n’interdit à un lobbyiste, non inscrit sur cette liste, de rencontrer un député dans son bureau, dans un restaurant … Contrairement à ce qui se pratique dans d’autres pays, les députés n’ont pas à faire état de leurs contacts avec des représentants d’intérêts.
Si l’on revient à la décision concernant Corinne Moizan et Servier on s’aperçoit que ce laboratoire avait fait le choix de s’enregistrer sur la liste, et donc de jouer le jeu de la transparence. Il suffit de consulter la liste des représentants d’intérêts pour se rendre compte que plus de deux ans après la mise en place de ce système, les représentants d’intérêts des sociétés pharmaceutiques ne se sont pas pressés pour s’enregistrer. En fait à l’exception de la société Solvay, et d’AstraZeneca (représenté par l’intermédiaire d’une société de conseil en lobbying) aucun laboratoire n’a fait enregistrer ses représentants d’intérêts.
Et c’est bien là toute l’hypocrisie de la décision prise la semaine dernière par Bernard Accoyer à la demande de Marc Le Fur. Tout le monde sait que les sociétés pharmaceutiques font un important lobbying en direction des parlementaires (pour mémoire, le laboratoire anglo-saxon GSK finance un club de parlementaires qui débattent des questions de santé, le club Hippocrate). Et d’une certaine manière, en sanctionnant Servier qui avait fait le choix de la transparence on envoie un mauvais signal aux lobbyistes : pour vivre heureux vivez cachés. Mais peut-être que l’objectif de cette décision est simplement de nous faire croire, à grand renfort de communication, que l’Assemblée nationale est vigilante quant aux activités des lobbyistes. Dormez bien braves gens …
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