La bipolarisation des sondages de second tour : un déni de démocratie ?
Contrairement à une idée reçue la réalisation et la publication de sondages dits "de second tour" mettant en lice d'autres candidats que les favoris ne sont pas illégaux.
Le point sur les règles actuelles.
La bipolarisation des sondages de second tour : un déni de démocratie ?
Dans un récent sondage (source CSA vague n° 15) 63% des personnes qui voteraient au second tour pour François Hollande et 47% de ceux qui voteraient Nicolas Sarkozy le feraient par défaut. La démocratie, notre pays valent mieux qu’un président par défaut.
Dans un sondage d'opinion Ifop présentant des duels avec la question (qui n'est pas une demande d'intention de vote) « Des deux personnalités suivantes, laquelle préférez-vous ? »
Le duel Bayrou-Sarkozy : 61% Bayrou, 37% Sarkozy, 2% ne savent pas.
le duel Bayrou-Hollande : 51% Bayrou, 48% Hollande, 1% ne savent pas.
Au moins un autre candidat que les deux principaux pourrait gagner le second tour. Ne pas tester un candidat qui pourrait gagner à la fois devant Nicolas Sarkozy et François Hollande ne paraît pas justifiable.
Le même raisonnement pourrait être valable pour d’autres candidats (Mélenchon, Le Pen).
Il est urgent que les instituts de sondages, les médias, parfois les candidats eux-mêmes cessent de présenter la prochaine élection comme un choix simpliste entre gauche et droite impliquant dès lors un « vote utile » dès le premier tour pour l’un des deux principaux candidats.
La Commission des Sondages indique ainsi : « En ce qui concerne les hypothèses de second tour, la commission rappelle qu’il serait dans l’idéal préférable d’attendre les résultats définitifs du premier tour pour en publier ».
Telle n’est pas la réalité.
Dès lors la Commission préconise :
« Dans le cas d’une publication dès avant le premier tour d’un sondage de second tour, les instituts, s’ils ne publient qu’une hypothèse de second tour, doivent publier celle qui oppose les deux candidats ou les deux listes qui arrivent en tête du sondage “premier tour”. Cela étant, la commission recommande, lorsque les scores établis pour le premier tour sont suffisamment proches pour que, compte tenu des marges d’incertitude qui les affectent, l’identité des candidats ou des listes qualifiés pour le second tour soit incertaine, que soient testées et publiées plusieurs hypothèses de second tour. Cette pluralité des hypothèses envisagées est en effet de nature à relativiser la portée des résultats “deuxième tour” publiés et à inciter à les interpréter avec toute la prudence nécessaire. »
Cette position indique clairement qu’il est déconseillé de publier, seule, une hypothèse de second tour qui ne serait pas celle qui oppose les deux premiers. En aucun cas elle n’interdit la publication de plusieurs hypothèses. Le passé a déjà prouvé que les « marges d’incertitudes » devraient être évaluées largement. La phrase importante est bien la dernière de la citation.
Il ne s’agit d’ailleurs que d’une recommandation qui n’a aucunement valeur de loi. Un projet de loi proche, et d’ailleurs nettement moins restrictif, a certes été adopté au Sénat mais il a été rejeté par l’Assemblée Nationale.
(Après l'article 4 de la même loi, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art 4-1. - Les hypothèses testées dans un sondage relatif au second tour d'une élection, publié ou diffusé avant le premier tour, doivent tenir compte des données qui résultent d'un sondage de premier tour, obligatoirement publié ou diffusé en même temps. »)
Pour une saine démocratie, rien n’empêche dés lors, bien au contraire, la publication et la diffusion d’autres hypothèses de second tour. (Les citoyens peuvent savoir quelles chances les sondages donneraient aux uns et aux autres par exemple – hypothèses arbitraires – dans le cas d’un second tour Bayrou-Hollande ou Mélenchon-Sarkozy).
Ne publier aujourd’hui que des sondages de second tour Hollande-Sarkozy relève de la prédiction auto-réalisatrice.
Interdire purement et simplement les sondages de second tour avant l’issue du premier serait envisageable. Cela étant contraire aux habitudes la seule autre solution est de laisser la liberté la plus large aux instituts de sondages et aux médias. Rien ne justifie que cet avis arbitraire favorise la bipolarisation du débat. La droite est de plus en plus à droite et la gauche de plus en plus à gauche. Chaque français par peur de voir le camp opposé gagner et, du fait de cette censure ne sachant pas qu’une alternative modérée est possible, dit vouloir voter pour l’un des deux candidats principaux auto-alimentant le cycle sondage-excès-bipolarisation.
L’une des conséquences néfastes est que chaque journaliste pose désormais la plupart de ses questions, y compris aux « petits candidats » dans la perspective des propositions des deux principaux. Viande halal, imposition à 75% … la puissance médiatique des deux favoris, en une boucle infinie, frôle ainsi indirectement l’omniprésence.
Pour tous ceux ne veulent pas être contraints à un choix dichotomique et qui souhaitent voter au premier tour dans l’esprit des institutions de la 5ème République il est nécessaire que les sondages présentent dès maintenant les chances des différents candidats les uns par rapport aux autres en envisageant plus d’options possibles au second tour.
Ce débat devrait être sur la place publique. Il est probable que le premier institut et le premier média qui entreprendraient cette démarche bénéficieraient d’un grand intérêt des électeurs qui, de gauche, de droite ou du centre, sont légitimement en attente de cette information.
Credohumanisme.
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