La cancre du gouvernement
Christine Boutin a vu son projet entièrement retoqué par les sénateurs. Sa copie a été corrigée de fond en comble. Pas un article de son projet de loi - qui en comporte 33 - qui n’ait été vivement critiqué et modifié par les sénateurs. Zéro pointé pour la ministre de la non-politique du Logement ! Malgré tout, elle se déclare sereine. Son éviction du gouvernement n’est pas évoquée. Sans doute ne lui a-t-on pas encore trouvé le parachute doré qui lui convient ?

Lundi 20 octobre, le Sénat a baffé Christine Boutin, la "ministre du Logement" (guillemets nécessaires...) en supprimant, à une imposante majorité, son article qui modifiait, au point de vider de son efficacité, l’article 55 de la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) qui impose un quota de 20 % de logements sociaux aux communes de plus de 3 500 habitants (environ 730 communes concernées). La mesure Boutin prévoyait d’assimiler à du logement social certaines habitations vendues - et non louées - à des familles modestes.
La cancre du gouvernement voulait, en effet, comptabiliser l’accession sociale à la propriété dans ce quota. A noter qu’elle s’était pourtant prémunie préalablement des critiques par la commande d’un sondage qui donnait une majorité écrasante de Français favorables à cette mesure. Mais les sénateurs n’ont pas été dupes de cette pression qui n’a rien de populaire. Ils savent que l’on peut manipuler facilement les sondés selon la façon dont on pose la question et lorsque l’on s’adresse à des personnes qui méconnaissent totalement tous les enjeux de la question qu’on leur présente.
Christine Boutin a fait un tabac au Sénat en mobilisant à peu près tout le monde contre son projet, voire contre elle... La ministre a eu toute l’opposition et les centristes contre elle, mais aussi l’UMP ! En effet, les amendements de suppression ont été déposés par le rapporteur UMP de la commission des affaires économiques, Dominique Braye. Ce dernier n’avait pas pris la ministre par surprise puisqu’il avait annoncé la couleur depuis un moment en déclarant que la commission des affaires économiques du Sénat "ne manque pas de s’interroger sur de nombreux aspects de ce programme, en ce qui concerne tant sa mise en œuvre, sa gouvernance et son exécution que son financement", avant même la fin des discussions de la commission. Le sénateur des Yvelines a, en réalité, sauvé le projet du gouvernement en prenant les devants, car la coalition en colère de la gauche, des centristes et de quelques membres de l’UMP, risquait de le faire capoter en prenant de l’ampleur.
Les sénateurs ont donc adopté cinq amendements identiques de suppression de l’article 17 du texte, qui visait à modifier l’article 55 de la loi SRU. Par 314 voix contre 21 ! C’est dire la popularité de Mme Boutin qui est capable de faire la quasi-unanimité contre elle au Sénat comme avec les associations !
Les sénateurs ont en revanche renforcé les possibilités d’expulsion en votant la réduction de trois à un an le délai de sursis maximum qui peut être accordé pour une expulsion. Rassuré par ce qui n’est pas une concession à Mme Boutin, celle-ci a déclaré : "Nous devons tenir compte d’une réalité, être un propriétaire ne veut pas dire être celui qui a plein d’argent, et vous avez des petits propriétaires qui sont complètement désarmés parce que leur loyer n’était plus payé depuis plusieurs mois". Certes.
Au total, la commission du Sénat a adopté 120 amendements au projet de Mme Boutin, soit une réécriture de la quasi-totalité des articles. La ministre qui disait s’attendre à une "bataille difficile", ressort "sereine". Comme quoi on peut être très incompétent et ne rien craindre pour son poste. La non-politique du logement peut donc continuer à produire ses méfaits, mais sous le regard averti des sénateurs.
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