La chute de la maison Macron
1/ Un Ovni politique
Un des plus jeunes présidents (39 ans) élu sans coup férir sur les décombres des partis traditionnels, entré en politique « par effraction », Emmanuel Macron avait de quoi surprendre car l’outsider n’était pas prévu à l’arrivée. Il a habilement prospéré sur la chute imprévue du leader de la droite, François Fillon, empêtré dans un scandale d’emplois familiaux présumés fictifs, sur l’incompétence manifeste du représentant de la gauche, Benoît Hamon, « Monsieur 6 % », avec petit pourcentage de suffrages, mais grosses dépenses électorales, identiques à celles du candidat Macron.
Le coup de maître fut de se présenter en homme neuf, quasiment étranger à la confrontation des partis, en dehors du sérail, alors qu’en réalité il était malgré tout un pur produit du système élitiste de la République.
Qu’on en juge : énarque, inspecteur des finances, banquier d’affaires chez Rothschild (comme Pompidou et Emmanuelli), secrétaire général adjoint de la présidence sous Hollande, ministre de l’Economie durant deux années (2014-2016) avant de se retirer afin de fonder le mouvement (et non parti) « En Marche ! » qui va le porter au Zénith, ce n’était donc pas un perdreau de l’année.
Mais le fait de concourir sans parti politique constitué, sans aucune base électorale connue, était en soi une nouveauté et une grande première. Il est à ce jour le seul président qui ait été élu en dehors des partis politiques traditionnels, en ayant contourné avec maestria tous les obstacles.
Ce qui lui permit de se présenter comme un homme neuf, vierge de toute compromission et apte à résoudre les problèmes que n’avaient su appréhender jusqu’ici les politiciens de tous bords. Macron invita donc les électeurs à dépasser les insuffisances inhérentes au système, à contourner le clivage vermoulu gauche-droite et à le suivre sur une ligne de crête centriste où il effectuerait la synthèse hégélienne des contradictions.
2 / « En même temps » ou l’injonction contradictoire permanente
Dès le départ, par son slogan fétiche « en même temps », Macron s’évertuera à réconcilier les contraires, à résoudre les contradictions essentielles, conséquence de son souci du dépassement du clivage droite-gauche jugé dépassé et sclérosé.
Il s’y est cru obligé dans la mesure où après le Waterloo de 2017 qui vit la défaite en rase campagne des partis politiques, il récupéra dans ses rangs les débris des bataillons en déroute, ce qui donna après une majorité parlementaire composite ayant regroupé sous une même bannière des anciens socialistes et républicains conservateurs, un gouvernement de bric et de broc faisant se côtoyer Bruno Le Maire, LR, et Jean-Yves Le Drian, socialiste et ministre de la Défense sous Hollande.
Macron annonce le tempo de la nouvelle partition : « Parce que la République, elle est indivible et en même temps plurielle » (Lyon, 4 février 2017) ; « Je refuse ce dogme que pour bâtir l’égalité, il faudrait renoncer à l’excellence. » (Congrès de Versailles, 3 juillet 2017).
On comprend bien ce qui se passe : Macron se croit obligé de donner des gages, compte tenu de sa majorité parlementaire bigarrée, à la fois à sa gauche et à sa droite. Obligé de donner un coup de barre à la fois progressiste et conservateur. Une « République indivisible » pour l’hémisphère droit, mais « plurielle » (multiculturelle) pour le gauche ; « l’égalité », certes, barre à gauche, mais dans « l’excellence », barre à droite.
En réalité, cette synthèse impossible en politique – car, on ne peut être « en même temps » progressiste et conservateur, gauche et droite ensemble – ce centrisme mou ne peut fonctionner. Comme le disait Mitterrand : « Le centre, c’est ni de gauche, ni de gauche. »
Le « en même temps » n’aboutit qu’à une injonction contradictoire ou une double contrainte, une situation schizophrénique semblable à celle qu’a subie Nicolas Hulot et dont il n’a pu s’extirper que par la démission.
Prenons donc l’exemple caractéristique des mesures écologiques prises par le gouvernement Macron : l’interdiction du glyphosate est actée, mais reportée à trois ans, un sursis pour les agriculteurs, une éternité pour les écologistes.
Le plan biodiversité porte lui aussi l’empreinte du contradictoire : le gouvernement envisage de stopper net l’artificialisation des terres agricoles, mais « en même temps » l’Etat fait appel de la décision de justice annulant la création de la zone EuropaCity (projet francilien prévoyant des parcs de loisirs et de commerces sur 80 hectares de terres agricoles). La presse se demandera : « Macron est-il un écologiste de façade ? »
Et tout est à l’avenant dans beaucoup de domaines : les contradictions sont légion et arborent la marque de fabrique de ce gouvernement.
Mais le macronisme qui n’a jamais existé et va se fracasser contre le réel n’est qu’une phase transitoire de l’actuelle décomposition politique. Les colonnes du temple vont être remises d’aplomb et Macron-Icare pour s’être trop approché du Soleil va être précipité dans le vide.
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