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La Constituante et la Présidentielle

En quelques années, l’évidence d’une crise profonde de la démocratie s’est imposée dans les esprits, puis dans le mouvement social, et aujourd’hui dans le débat politique. De la violation du vote des Français, émis le 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen au passage en force de la « réforme » des retraites, les institutions comme la vie politique révèlent toute leur dérive liberticide.

Facteur aggravant, la Gauche semble elle aussi incapable d’affronter le problème. Pire, elle s’englue dans des stratégies politiciennes aussi opaques qu’inefficaces. Ainsi, la recherche, lors de la présidentielle de 2007, d’un candidat du « non de gauche » a réussi la prouesse d’émietter les très nets 55% exprimés le 29 mai et de créer un candidat à 2%. Ce résultat doit peu au hasard et tout à la logique de nos institutions qui, très personnalisantes, ne sont pas en mesure de traduire un mouvement collectif. Une chance historique a sans doute été manquée à ce moment car la nature profonde du 29-Mai était, au-delà du clivage droite/gauche, de révéler l’incurie du système politique et la crise de la représentation démocratique. L’affirmation de revendications d’intérêt général aurait été plus appropriée que la précipitation à participer aux jeux pipés de la Ve République : dissolution de l’Assemblée nationale, démission du Chef de l’Etat et surtout appel à l’élection d’une Assemblée Constituante au suffrage universel.

La même erreur d’analyse qu’en 2007 affecte ceux des candidats à la présidentielle de 2012 qui revendiquent l’élection d’une Assemblée constituante. Rien n’est en effet plus contradictoire que de participer à un jeu que l’on prétend renverser. Le risque paraît en outre très grand de soumettre la réaffirmation de la souveraineté populaire aux aléas des négociations d’entre deux tours. Tant les institutions que le jeu des partis politiques qu’elles génèrent empêchent l’expression réelle de la souveraineté populaire.

Si la conscience de la dégénérescence de la démocratie constitue toujours un progrès, la détermination des solutions à lui apporter se présente souvent de manière délicate. De toute part, fleurissent les propositions pour revivifier, voire refonder notre République : instauration d’une VIe République, remise en cause du bipartisme, etc.
Ces solutions ne sont pas équivalentes à l’objectif d’une Assemblée constituante. En effet, la destruction de la démocratie n’est pas un problème strictement « institutionnel » auquel il suffirait de donner des solutions techniques (changement de procédure, répartition des pouvoirs, modes de scrutins, etc.). Il s’agit d’un problème éminemment politique, voire philosophique, puisqu’il met en jeu les racines de nos libertés elles-mêmes. C’est la place que la société réserve à l’être humain qui est en cause en même temps que la capacité qu’il détient intrinsèquement, selon les Lumières, de construire et maîtriser son destin, de rendre chaque jour un peu plus concrets les principes de liberté, d’égalité et de fraternité. La dimension culturelle de la démocratie n’a jamais été aussi perceptible que dans nos sociétés ultra technicisées où les nouvelles technologies de la communication remodèlent les rapports sociaux, pratiquement à notre insu.

Toute initiative qui ne prendrait pas en compte ces dimensions de la décomposition de nos libertés manquerait son objectif.

Des révoltes/révolutions arabes au martyr du peuple grec, des mouvements populaires en Amérique latine à la mise en coupe réglée des sociétés européennes par un ultralibéralisme psychopathe avalisé par des élections apparemment « démocratiques », une seule question émerge : la souveraineté populaire est-elle toujours le principe actif de l’exercice de nos libertés ? La réponse est évidemment non : la légitimation des pouvoirs publics par le suffrage universel n’est plus qu’une théorie sans mises en œuvre pratiques. L’usurpation du pouvoir par une Union européenne qui reconnaît elle-même son « déficit démocratique », la généralisation d’un parlementarisme dit « rationalisé » qui s’efface devant des exécutifs d’ailleurs réduits à un rôle de gouvernail sans pilote, la cooptation d’une classe politique enfermée dans un monde irréel, etc. transforment la démocratie en un théâtre d’ombres. En outre, la pression exercée en permanence sur la conscience des électeurs oblitère l’expression libre de leur volonté : sondages, médias, expertocratie, terreur sociale engendrée par le chômage et la destruction des droits sociaux…

Le retour à la souveraineté populaire ne saurait se faire par le biais d’une VIe République négociée dans quelque cénacle et octroyée d’en haut, ni par l’élection d’un homme ou d’une femme « providentiel » qui, par sa seule volonté, débloquerait tout comme par magie.

Seul le peuple peut reprendre ce qu’on lui a volé. C’est pourquoi l’élection d’une Assemblée constituante au suffrage universel se révèle le meilleur outil de la reconquête de sa liberté. Le processus électoral qui y conduit constitue en effet en lui-même un exercice de souveraineté et de repolitisation sur des bases intellectuelles et philosophiques, et non sur des enjeux personnels ou partisans.

Cependant, la reconquête de sa souveraineté par le peuple français se trouve confrontée à deux écueils : d'un côté, le Front national propose une solution xénophobe et raciste qui fait de l’étranger la cause de tous les maux. Inacceptable, cette solution est en outre impraticable ; de l'autre côté, la solution par la refondation de la gauche n'est pas plus réaliste et cohérente. Elle s’appuie d’abord sur une incohérence : le pouvoir collectif du peuple ne saurait dépendre de l’élection d’une seule personne dans le cadre d’un système par ailleurs dénoncé par cette personne. De plus, cette voie fait de la souveraineté populaire un objectif « minoritaire ». La refondation de la démocratie (qu'on appelle en France la République) concerne aussi bien une certaine gauche qu'une certaine droite sauf à rendre incompréhensible la lutte commune des Gaullistes et des communistes dans la résistance.

Il est probable que la refondation de la démocratie entraînera logiquement la refondation de la gauche (de la droite aussi d’ailleurs) : les choses se feront d'ailleurs probablement dans un même mouvement en limitant au passage les effets de personnalisation typique de l'acceptation des règles du jeu institutionnel. La refondation de la gauche, question évidemment essentielle, ne saurait donc devenir un dérivatif à l’objectif fondamental : la réaffirmation de la démocratie, c’est-à-dire le rétablissement de la souveraineté populaire, bien commun à tous les citoyens.

Anne-Cécile Robert
Vice-Présidente de l'Association pour une Constituante :
http://www.pouruneconstituante.fr/


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9 réactions à cet article    


  • beo111 beo111 5 mars 2012 10:00

    Une assemblée constituante élue ? encore un truc pour ne rien changer.


    • 59jeannot 5 mars 2012 11:05

      l’auteur dit :"Elle s’appuie d’abord sur une incohérence : le pouvoir collectif du peuple ne saurait dépendre de l’élection d’une seule personne dans le cadre d’un système par ailleurs dénoncé par cette personne. De plus, cette voie fait de la souveraineté populaire un objectif « minoritaire »"

      D’abord, l’objectif n’est absolument pas minoritaire et a toute sa place dans le programme du front de gauche.

      Seul, le Front de Gauche,par son programme populaire partagé et son candidat Jean Luc Mélenchon,milite pour une 6ème république dans la campagne présidentielle ; si d’autres candidats le proposaient, cela ne nuirait nullement au projet, bien au contraire, mais faut bien qu’il y en est un qui le propose, en quoi est-ce incohérent.
      Le but de cette 6ème république est bien de rendre le pouvoir collectif au peuple, car pour l’instant, nous sommes en pleine monarchie, sous la coupe d’un roitelet.
      Je vous rappelle que Jean Luc Mélenchon, s’il est élu, sera le dernier président de cette 5ème république, pour laisser la place à un régime parlementaire.


      • Soi Même 5 mars 2012 11:20

        C’est magnifique, c’est beau, cela arrive trop tard.
        Car ces réforme sont valable si nos élues sont de bonnes fois, rien qu’à voir le sport pour les 500 signatures enterre définitivement toute votre échafaudage.
         Vous avez l’art de tiré des plan sur la comète et en même temps il n’est pas interdit de rêver, faute de grives il y des merles.


        • eric 5 mars 2012 11:44

          Notre principal problème démocratique ? 57% de PIB dépensé par l’État. 90% de mesures votées. C’est à dire ou ce ne sont pas les élus qui décident, donc le peuple, mais les « partenaires sociaux », en gros le 8% de syndiqués eux même financés par l’État, essentiellement membre des services publics et des grosses entreprises stables à statuts protecteur. Le résultat ? Un immense brassage d’argent au sein de la classe moyenne ou en gros les clientèles de gauche s’en tirent mieux que celles de droite, le tout aux détriment des plus pauvres et avec des frais de fonctionnement les plus élevés de l’OCDE. Redistribuer un euro a un cout de un euro.

          Dés qu’il y a une réforme a faire, cette véritable classe sociale qui à la fin finit par tirer ses revenus plus de son action politique que de son travail, descend avec succès dans la rue. Le résultat des courses est toujours le même. Les autres payent le coût de la réforme, et elle s’en sort les plumes sèches tout en proclamant qu’elle défend les pauvres. Pour la retraite cette catégorie a vu sa situation s’améliorer avec la réforme....

          Des preuves ? 2002 cagnotte fiscale : 11 milliards de ff de baisse d’IR pour cette catégorie. 5 fois le bouclier fiscal. 500 millions pour les pauvres ( politique de la ville). Moins de 100 millions d’euro.
          On a pas besoin d’une nouvelle constitution, on a besoin que nos dépenses publiques servent au pays et aux pauvres et plus à une caste. Pour cela, il faut poursuivre les réformes, et quand ces prédateurs veulent faire régner leur loi dans la rue, organiser des référendum.


          • bernard29 bernard29 5 mars 2012 13:14

            Vous dites ;  « C’est pourquoi l’élection d’une Assemblée constituante au suffrage universel se révèle le meilleur outil de la reconquête de sa liberté. »

            Donc si je m’en tiens à votre phrase, pourquoi ne vous appuyez vous pas sur les idées des candidats pour faire avancer votre proposition.

            Ainsi Mr Bayrou a proposé l’organisation d’un référendum sur des questions « institutionnelles » lors des législatives de juin 2012. C’est une trés bonne initiative. Pourquoi ne pas lui soumettre d’inclure dans son référendum une question ainsi rédigée ;

            - « Etes vous pour la convocation d’une constituante élue au suffrage universel lors de ce mandat présidentiel. ?  »

            Ainsi, votre préoccupation devrait être d’organiser la pression, pour faire aboutir votre revendication. Pour ma part, je veux bien vous y participer.


            • ratapignata ratapignata 5 mars 2012 16:51

              Bj le canard ,

              Ce n’est qu’au 2/3 de votre article que vous attaquez l’essentiel de votre réflexion ; je m’étonne que tant d’arguments bien tournés au demeurant n’apportent rien en substance !

              du style, ce n’est pas ci ,ce n’est pas cela , et surement pas en ces termes ...etc

              Puis au bout d’un temps, vous en venez au fait pour conclure !
              étonnant article ou nous attendions à tout le moins de substancielles conclusions !
              Le sujet est suffisamment lourd d’intérèt pour étre traité de manière plus aboutie ,et si l’étalon nominatif de votre comparaison est Marine , il y a un souci !
              Par ailleur,et si vous pensez pouvoir ou vouloir toucher un public , dit populaire , peut-étre pourriez-vous formuler de plus simple manière le fond de votre pensée !

              Ceci dit , courage , le prochain article sur l’élaboration d’une constituante sera syrement le bon
              en évitant d’y méler les artistes actuels de la politique vous pouvez surement élaborer une réflexion de bien meilleur aloi sur la démocratie directe au lieu de vous empétrer dans vos remarques sur le respect de la pseudo démocratie actuelle qui n’en a que le nom .


              • democradirect democradirect 5 mars 2012 21:10

                D’accord pour une Assemblée constituante, amis à trois conditions (voir ici) :

                - Le projet de Constitution que rédigera l’Assemblée constituante devra être soumis au référendum point par point (et non pas en bloc).

                - Les membres de l’Assemblée constituante doivent être tirés au sort (pas élus).

                - Un véritable droit de référendum d’initiative populaire doit être introduit préalablement selon le principe « le peuple, et uniquement le peuple, doit pouvoir modifier la Constitution ».

                 


                • HELIOS HELIOS 6 mars 2012 03:51

                  ... tant qu’il existera des Ferrari, des Pujadas, des Apathie et autres Duhamel, le peuple ne saura prendre une decision et votera ce qu’on lui suggere de voter

                  S’il y a une et une seule mesure a prendre, pour que la democratie, la vraie, revienne, c’est de remettre de la pluralité vraie et de la completude dans les informations...
                   c’est un gros chantier qui doit passer par diverses facettes, dont une sorte de « no comment » accessible a tous, en integralite, comme un depot legal et une ouverture economiques aux plus petits pour qu’ils soient present sur les medias....

                  Cela n’est pas exclusifs d’autres mesures comme le controle permanent des elus, le non cumul, la proportionelle ou d’autres modes de scrutins etc...


                • Nirnever Nirnever 23 mars 2012 12:54

                  Pour aller un peu plus loin que la philosophie à adopter pour convoquer une constituante et se concentrer sur le fonctionnement que pourrait adopter une véritable démocratie :

                  http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-representativite-et-le-pouvoir-112539

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