La démagogie du plus fort est toujours la meilleure !
Nous voilà donc dans la dernière ligne droite du premier tour des élections présidentielles. Certes il peut encore y avoir des surprises (probablement mauvaises), mais ce n’est pas tous les jours qu’un allumé s’éteint sous les balles de la police après un petit carnage. L’effet Breivik ou Merah, ça ne peut marcher qu’une fois, après, il faut revenir aux choses sérieuses, la campagne proprement dite. Vue de l’étranger, il est difficile d’avoir tous les détails, les petites phrases, les répliques assassines, mais en consultant les sites des quotidiens français, en regardant sur Yahoo ou sur MSN, on peut tout de même se faire une idée de ce qui se passe en France. Et le constat est navrant, pour ne pas dire pitoyable. Sur 10 candidats, 7 sont de purs démagogues, un essaye d’être honnête et sobre dans son discours sans trop faire de promesses, mais il ne passionne pas les foules, c’est le moins qu’on puisse dire, seuls deux sont sincères mais totalement irréalistes et sur une autre planète, déconnectés de la réalité.
La question n’est donc plus de savoir si l’on veut être gouverné à droite, à gauche ou au centre, mais d’arriver à trouver ce qu’il y a de vrai dans toutes ces promesses, incantations et anathèmes que nous diffusent les candidats à longueur de journée. Qui parmi les candidats nous ment le moins ? Oui, le moins, car ils mentent tous, mais que peut-on trouver de crédible dans cette escalade de promesses et cette surenchère de mesures tape-à-l’œil, clientélistes et populistes ?
Il n’y a pas grand-chose à dire sur Monsieur Cheminade, nous n’insisterons donc pas sur son cas, disons qu’il s’agit d’un petit démagogue, à la taille de ses ambitions. Poutou et Artaud sont probablement sincères dans leurs convictions prolétariennes, mais ils utilisent une rhétorique et une dialectique ouvriériste, trostsko-marxiste d’une époque révolue, prônant un âge d’Or toujours remis aux calendes, car la révolution pour demain, sera toujours pour demain, aujourd’hui il ne se passera pas grand-chose et aujourd’hui va durer jusqu’à la prochaine élection en 2017. L’extrême-gauche n’a pas encore compris que les damnés de la terre ne veulent pas se mettre debout. Ce à quoi ils aspirent, ce sont des places assises, des strapontins à défaut de fauteuil, pas de Grand Soir pour ceux qui se lèvent tôt le matin. Cetelem, le véhicule à crédit, l’écran plat et le téléphone multifonctions ont tué le sentiment révolutionnaire de la classe ouvrière depuis bien longtemps. Besancenot et Laguiller étant des démagogues comiques involontaires, leurs successeurs sont trop insipides pour amuser les foules et recueillir des suffrages.
Restent les quatre grosses pointures qui rivalisent de démagogie, de promesses non tenables, d’indignations feintes, de belles phrases et de slogans. Inutile d’analyser en détail le discours de chacun, il n’y a quasiment rien de vrai dans toutes ces professions de foi, ces tremolos lyriques, ces exploits de tribuns. Sarkozy, Hollande, Mélenchon, Marine le Pen disent tout et leur contraire, ratissent partout où ils peuvent pour prendre des voix. Leurs électeurs potentiels applaudissent, ils seront déçus le lendemain du deuxième tour, quel que soit le résultat. Aucun de ces quatre programmes n’est applicable à plus de 30%. De toute façon, il faudra rembourser la dette, diminuer de train de vie de l’Etat, de l’administration territoriale et aussi des particuliers, tenir compte des règlements européens, de la Bourse, de la concurrence internationale, de l’immigration que l’on ne pourra rayer d’un trait de plume ou d’un coup de baguette magique. On ne peut prendre aux riches de façon inconsidérée, dévaluer ou changer de monnaie par choix unilatéral au sein de l’Europe sans entrainer une inflation colossale et une perte de pouvoir d’achat sur les produits importés, dont le pétrole, abandonner ou simplement diminuer la part du nucléaire sans augmenter la dette. Il est encore plus improbable et irréaliste de légiférer à l’émotion, de faire une loi par fait-divers sur les terroristes, les violeurs, les pédophiles, les maris violents, les accidents de manège forains ou les voleurs de fleurs en pot qu’ils soient Roumains ou non. On ne peut non plus satisfaire en même temps les intérêts contradictoires des patrons, des actionnaires, des fonctionnaires, des handicapés, des homosexuels, des retraités, des syndicats et des lanceurs de nains sans faire le grand-écart ou tomber dans des dépenses inconsidérées ou la paralysie totale pour ne pas mécontenter toutes ces catégories antagonistes. Hélas, celui ou celle qui sera élu le sera sur de fausses promesses impossibles à tenir et à appliquer. L’un des rares moments de sincérité et de spontanéité de Nicolas Sarkozy, c’est quand il a sorti le célèbre « Casse-toi pov’con ! » on ne peut pas dire que ça lui ait réussi. Sinon chacun agite son chiffon rouge fétiche ou promet des pommes qui s’éloigneront de la main du Tantale électeur-cueilleur une fois que l’un d’eux sera élu.
Enfin, il y a le cas Bayrou, l’honnête homme tristounet, sans charisme, le tâcheron sans grande imagination qui n’a pas la force d’un Churchill pour nous promettre du sang, de la sueur et des larmes, et pourtant, c’est ce qui nous pend au nez. Bayrou n’est pas démagogue, du moins pas au niveau abyssal qu’on atteint les 4 autres qui peuvent lui passer devant. C’est probablement par ce qu’il ne promet rien d’extravagant, qu’il ne fait pas rêver, qu’il n’arrive pas à monter dans les sondages. Il a une bonne image dans l’opinion, mais il semble que cela ne se transforme pas en intentions de vote.
L’idéologie verte est ce qu’il y a de pire dans ce pays, un dogmatisme totalitaire qui mènerait la France à la ruine et au flicage encore plus intense des poubelles, des mégots, du stationnement et à l’application d’autres lubies liberticides au nom de la nature et de l’environnement. Reconnaissons cependant qu’Eva Joly est tout ce que l’on veut sauf une démagogue. Elle ne parle pas pour plaire mais pour faire passer un message pédagogique auquel elle doit croire fermement. Peu importe que ce message soit mortifère, les solutions proposées ruineuses et inapplicables, elle défendra son programme bec et ongles contre toute logique. Eva Joly est dans une dérive suicidaire, mais elle ne ment pas, elle se trompe et veut nous mener droit dans le mur avec loyauté et conviction. Cette Robespierre en jupon est sincère, et c’est là son problème. On ne rassemble pas en dénonçant tristement l’apocalypse à venir. Hulot ou Cohn-Bendit et même Borloo auraient su mentir, caresser le Vert dans le sens du poil, nous bercer au doux son du réchauffement climatique pour arriver à un score de 7 à 12%. Son intransigeance la laisse dans le domaine de l’inaudible ; sa promesse sur le cannabis vient de son camp qui lui a soufflé l’idée comme dernière cartouche à tirer pour tenter d’atteindre le seuil des 5% financièrement intéressants et rentables, mais c’est trop tard et ça sonne faux.
Dupont-Aignan, quant à lui, est lui aussi un homme de conviction, entre « Le petit Chose » et Don Quichotte, un homme intelligent et honnête qui croit à ses propositions, refuse l’escalade des promesses mais qui n’obtiendra jamais plus qu’un poste de député ou de Maire si l’UMP et le PS décident de lui ficher la paix. Il est trop vertueux pour être crédible et trop naïf pour être écouté.
Nous avons déjà élus deux menteurs brillants en la personne de Chirac et de Mitterrand, surtout bons en politique étrangère et en diplomatie, domaine toujours absent des élections présidentielles. Et puis nous avons aussi donné mandat à Sarkozy, le démagogue de l’extrême, celui qui a su le mieux se scénariser, se vendre comme une lessive à une ménagère de moins de 50 ans. Si Hollande doit perdre, ce ne sera pas à cause de ses 60.000 postes d’enseignants ni de sa taxe à 75%, mais par ce qu’il est totalement falot et inconsistant. Il ne sait pas mentir avec panache. A ce niveau, DSK aurait été nettement plus brillant pour hypnotiser l’électeur. Si jamais Hollande gagne cette élection, ce sera par rejet viscéral de Sarkozy et qu’il aura su améliorer ses mensonges qualifiés de promesses de campagnes pour les rendre plus attrayants et crédibles. Ségolène Royal a perdu en 2007 alors qu’elle avait un boulevard devant elle. Elle n’a pas su utiliser une démagogie plausible, tout a basculé quand elle a proposé de faire raccompagner les gendarmettes le soir à domicile, lors du fameux débat télévisé. Bayrou a compris à qui il avait à faire et a refusé ses « avances » d’entre deux tours. Il avait cerné le personnage et son abîme de ridicule, il est parti en courant. La démagogie est un art subtil, on ne peut se permettre n’importe quoi ; un vrai démagogue doit être Canada dry, donner l’apparence de la vérité, de la sincérité, de l’intelligence et surtout celle de la compassion et de la compréhension. Se tenir raide et ému (mais pas trop) l’air grave et pénétré devant la chapelle ardente et les cercueils des victimes est un métier difficile qui nécessite de la préparation, de l’entrainement et des répétitions. La compassion, la communion avec la Nation ne s’improvise pas, elle se travaille, comme un bon texte classique à la Comédie Française. Il y avait des maitres jadis en ce genre d’exercice, le petit Mitterrand prenant la main du grand Helmut Kohl, ça c’était du grand art (du spectacle, certes, mais impressionnant). Sarkozy en Jordanie avec le fils de Carla sur les épaules, c’est du Paris-Match !
Nous allons donc voter et élire celui ou celle qui nous aura le plus intoxiqué, attendons-nous à la gueule de bois, dès le lendemain de l’élection. On pourra certes se rattraper, se venger aux législatives ou corriger le tir, mais quel que soit le résultat, nous aurons été cocus. Mitterrand avait eu un peu plus d’un an pour changer radicalement de cap et trahir ses promesses électorales, le nouvel élu de 2012 n’aura guère plus de quelques mois pour se renier complètement, crise économique et contexte international l’obligeant à revenir au galop vers la rigueur budgétaire et le plan d’austérité. Mais il faut mentir et promettre pour être élu. Des personnalités comme Edgar Faure, Raymond Barre, Simone Veil, Jacques Delors, les Rocard et Chevènement d’avant le grand âge n’ont eu que des succès d’estime, pas assez de slogans, de reniements et de promesses pour séduire une majorité. La France a peut-être les dirigeants qu’elle mérite. Car le plus gros mensonge politique de la V° République, on le doit tout de même au Général de Gaulle avec son retentissant « Je vous ai compris » adressé à la foule des Pieds-noirs d’Algérie ! On connait la suite, mais il y a si longtemps que c’est presqu’oublié.
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