La démarche du MoDem (1) : la cause principale de la bipolarisation
Le bipartisme est-il une donnée intrinsèque, une conséquence mécanique des institutions, ou simplement, le résultat d’un processus politique qui n’est pas forcément définitif ? Première partie sur les causes réelles.
En France, depuis quelques décennies, les majorités qui s’alternent (ou pas) au pouvoir sont composées en grande partie de l’UMP (droite pour beaucoup) ou du PS (gauche pour beaucoup aussi). Les autres partis n’ont pas vocation à définir la politique de la nation, éventuellement à l’accompagner en petits partis alliés, ou à s’y opposer systématiquement lorsqu’ils sont dans les extrêmes.
C’est ce qu’on appelle la bipolarisation du paysage politique, que je préfère nommer improprement le bipartisme, improprement puisque la France reconnaît officiellement plusieurs dizaines de partis politiques.
Cause institutionnelle ?
On a beaucoup parlé de la cause institutionnelle récurrente du bipartisme dans le paysage politique français.
La division entre la gauche et la droite serait forcée par le mode de scrutin majoritaire de l’élection présidentielle et des élections législatives.
Pour l’élection présidentielle, il n’y a pas beaucoup de modes de scrutin différents et il reste évidemment toujours uninominal. En revanche, le nombre de tours peut varier.
Ainsi, le président pourrait être élu au scrutin majoritaire simple, à un seul tour, comme en Zambie par exemple (comme les parlementaires britanniques), ce qui éviterait un second tour d’un bloc contre un autre. Pas très démocratique car, en France, le président de la République ne serait élu que par un tiers de l’électorat.
Ou alors, le président serait élu avec un second tour possible, voire plus. Au second tour, pourraient ne participer que les deux finalistes, ou tous ceux qui auraient atteint un seuil. Le premier cas, celui de la France, favorise évidemment la constitution d’un camp contre un autre, encore qu’à deux reprises, en 1969 et en 2002, ce ne fut pas vraiment exact.
Les élections législatives également sont au scrutin majoritaire et favorisent le bipartisme. Vraiment ? Au second tour, ce ne sont pas forcément les deux finalistes seuls qui peuvent concourir, mais tous ceux qui ont atteint un seuil, 15 % des inscrits, ce qui a conduit parfois (en 1997 notamment) à des triangulaires voire à des quadrangulaires. Gauche, droite, extrême droite et, éventuellement, dissident étaient parfois présents au second tour, encore que les situations locales doivent être appréciées à leur juste valeur, à savoir locale, car, souvent, les dissidences (un notable apprécié localement qui n’a pas d’investiture nationale face à un parachuté, par exemple) n’ont pas beaucoup de signification politique.
Le gaullisme historique fut-il bipolaire ?
Et puis, sous de Gaulle, y avait-il un si grand bipartisme ? Pas vraiment. Au début, en 1958, de Gaulle avait nommé des ministres socialistes (SFIO) et centristes (MRP).
Après le départ de ces ministres, la SFIO et les centristes ont failli s’allier (je l’évoquerai beaucoup plus précisément à une autre occasion). En 1962, le Sénat était fermement opposé au général de Gaulle, Gaston Monnerville, son président, eut des mots très durs contre de Gaulle. En 1968 aussi, le Sénat fut le centre de l’opposition. Son nouveau président, Alain Poher, devint même, un peu par hasard, le leader de l’opposition au moment du référendum d’avril 1969, puis à l’élection présidentielle de juin 1969 en se hissant au second tour contre Georges Pompidou.
Les centristes se sont opposés aux gaullistes jusqu’en 1969 et, même certains, jusqu’en 1974 (la différence entre le CDP et le Centre démocrate). En 1978, la nébuleuse centriste, devenue giscardienne depuis quatre ans, se confédéra en UDF et l’UDF est devenue l’un des deux partis bien ancrés au centre droit aux côtés d’un RPR qui perdait sa spécificité idéologique gaulliste.
Nous connaissons tous la suite, la fusion des deux en UMP a réduit l’UDF à sa partie autonomiste et sa transformation définitive en MoDem alors que les derniers députés UDF créèrent le Nouveau Centre.
Pourquoi les centristes sont-il à droite de l’échiquier politique ?
La principale question est : pourquoi donc les partis confédérés de l’ancienne UDF se sont-ils inféodés au grand frère gaulliste, le RPR, pendant une trentaine d’années, jusqu’à en accepter leur absorption pure et simple ?
La réponse à cette question n’est pas le mode de scrutin ni les institutions, car ils n’avaient pas changé sauf de façon sporadique entre 1986 et 1988.
La réponse tient en une seule date, 1972. En le 26 juin 1972, le Parti socialiste, le Parti communiste français et le Mouvement des radicaux de gauche scellèrent l’union de la gauche. Elle ne dura pas longtemps, jusqu’en 1977.
Mais en théorie. Car, dans les faits, elle dure toujours. Elle est pratiquée dans chaque commune, circonscription, département, région, par le pompeux terme de "discipline républicaine" qui n’est autre qu’un désistement réciproque. Elle a garanti la survie financière et parlementaire des communistes qui ne représentent même plus 2 % de l’électorat, mais qui dirigent encore un groupe de 24 députés à l’Assemblée nationale (15 députés communistes) et de 23 sénateurs au Sénat (21 sénateurs communistes).
Et elle constitua quand même une coalition gouvernementale non seulement entre 1981 et 1984 (sous les gouvernements de Pierre Mauroy), mais encore plus récemment entre 1997 et 2002 (sous le gouvernement de Lionel Jospin). La secrétaire nationale du Parti communiste français, Marie-Georges Buffet, fut ministre, ce qui est sans précédent depuis Maurice Thorez (on le lui reproche d’ailleurs assez).
Dans le second article, nous verrons les conséquences que l’union de la gauche a imposées à toute la classe politique depuis près d’une quarantaine d’années.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (17 septembre 2008)
Pour aller plus loin :
Bayrou contre la bipolarisation (vidéo).
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