La démocratie française en guenille, la menace d’une crise institutionnelle
A la rentrée 2012 « l’élection » du nouveau patron du PS s’apparentait à une nomination émanant de l’ancienne première secrétaire, Jean Jack Queyranne, personnalité éminente du Parti évoquait alors une succession « à la nord-coréenne » ou digne de l'URSS. Le PS qui avait fait avec les primaires deux pas en avant exceptionnels et reconnus comme tels, y compris par l’opposition, refaisait alors un pas en arrière, voyant donc madame Aubry désigner son successeur. Après la grande ouverture des Primaires, le PS se refermait sur lui-même. Comme souvent lorsqu’il fut au pouvoir, le statut de parti godillot devait lui être bientôt attribué. Mettre à la tête d’un Parti de gouvernement une personnalité jusque là considérée comme de second plan traduisait cette logique. Le parti sera sage et condamné au sous titrage de l’action gouvernementale. Les militants perdent leur pouvoir de choisir, temporairement acquis pour la présidentielle. Pour l'attribution de la tête du PS ils se voyaient ainsi réduits à valider un processus de cooptation participant de la « culture » interne du PS en matière d’accession aux responsabilités. L’ex Première secrétaire imposa sa volonté. Depuis Mai 2012, le Président Hollande décide, le gouvernement et le PS exécutent.
Démocratie ?
Inutile d’insister sur le fameux congrès de Reims qui aura marqué un summum de haine fratricide entre camarades et la gestion démocratique la plus aléatoire qui soit. A Reims, les militants s’étaient d’abord prononcés sur les différentes motions, puis à nouveau une semaine plus tard, par deux fois, pour départager dans un climat de détestation jamais connu auparavant (au grand jour) entre les candidats et courants de Hamon, Royal et Aubry. Comme il est toujours possible ici bas qu’il y ait finalement un mal pour un bien, les trucages massifs constitutifs du congrès de Reims permettront l’annonce des Primaires pour la future présidentielle, celle de 2012. Démocratie ? Chacun y croyait.
Ces jours-ci le parallèle avec la tragédie de l'Ump s'impose.
Au PS, pour les statuts comme pour le reste, tout a toujours été question de circonstance et d’arrangements entre « amis » qui en découlent. Les règles s'adapteraient en fonction du contexte. Elles seraient très générales pour que les interprétations variables restent possibles le moment venu. La cooptation ferait loi en matière de succession. François Mitterrand président avait adoubé Lionel Jospin à la tête du PS. Jospin Premier ministre avait choisi Hollande. A croire que l’étatisme dirigiste qui a fondé la formation initiale de nombreux leaders du PS, tous les ex Trotskistes embourgeoisés, laisse des traces incurables. La « direction » du Parti s’illustra toujours dans toute l’ampleur du terme. La chamaillerie rituelle en temps d’opposition ne traduisait qu’un rapport de force au sein du cartel inamovible des maîtres du Parti, décidant de tous et de tout. Les personnalités indépendantes et libres de leurs paroles n’auraient aucune chance d’accéder à la tête du Parti.
Démocratie ? Elle serait pour le moins à renouveler, et de Gauche à Droite.
Ainsi, monsieur Mélenchon, n’étant pas souvent sans s’apparenter à la principale « vedette » assurément charismatique, premièrement médiatique du Front du Gauche, n’hésita pas à déclarer que "Ayrault est un petit politicien de province sans imagination", et ce, sans se soucier un instant du respect minimal du à un Premier Ministre. La cohésion nationale et la permanence des institutions deviendraient secondaires, le respect aussi. La politique aurait-elle désormais le droit de se limiter à un simple concours pour la meilleure formule ou le meilleur numéro de cirque médiatique ?
Chacun se souvient des « éloges » dont le Président actuel fut l’objet de la part de certains de ses ministres actuels, qu’il s’agisse de Fabius, Montebourg ou Valls. Il n’était par exemple "qu’une fraise des bois » selon le ministre actuel des affaires étrangères. Le surnom de « Flamby » sortait pareillement de la cuisine interne de Solférino. La crise actuelle de l’Ump n’a vraiment rien à envier aux coulisses du PS, tel qu’il était durant les Primaires ou la dernière campagne présidentielle. Gardons que pour le moment les noms d’oiseaux ne participent pas (encore ?) de la cage bouillonnante de l’Ump. La presse étrangère ne manque pas de commenter. La démocratie française attirerait beaucoup de spectateurs. Du spectacle démocratique ?
Le journal El Pais estimait ainsi que les militants pro-Fillon se seraient néanmoins montrés "plus modérés et plus élégants" que leurs "adversaires" de Parti ? L’élégance, notion plutôt appliquée à monsieur Fillon, pourrait donc participer d’une élection. Ainsi, le New York Times affirmait-il pareillement que François Fillon fût un "élégant premier ministre sous la présidence de Nicolas Sarkozy" restant depuis "calme et poli" selon le même article. Monsieur Copé recevait aussi sa part d’appréciations favorables. Enfin le journal allemand Der Spiegel retiendra surtout de cette élection interne de l'Ump « les fraudes et les récriminations réciproques » qui l'ont entachée. Le journal concluait sur "un spectacle entre farce et fiasco (…) qui a tourné au désastre". Cela ne concernerait-il que l’Ump ? Non, bien sûr.
Pour peu que l’on analyse les résultats de la dernière présidentielle et des législatives suivantes, voyant notamment 40 à 44 % des électeurs choisissant de s’abstenir, difficile de ne pas admettre que la démocratie française traverse une phase pour le moins critique. Gageons qu’elle ne tombe pas aussi bas que la bassesse comportementale et verbale de certains élus « de premier plan ». Outre la « qualité » toute relative du débat, certains y verront la confrontation vivace attestant d’une bonne dynamique démocratique. La participation des Verts au Gouvernement actuel semble en tout cas caractériser un vice plus profond.
Le difficile pari de la ministre Duflot serait donc d’être présent à la fois au Gouvernement et dans la contestation. Se valoriser au mieux dans son action ministérielle sans porter atteinte à ses plus hautes ambitions politiques pour le futur ? Voilà qui peut faire douter qu’il resta encore des vocations, politiques.
Chaque jour davantage, la présence des Verts au gouvernement marquerait-elle par un record d’équilibrisme et d’opportunisme politiques ?
Au détriment de leurs convictions initiales, deux ministres, Cécile Duflot et Pascal Canfin, savourent donc au plus haut point le plaisir des palais, et du fait d’être membres du gouvernement. Comment ne pas constater la distance qui sépare l’engagement passé des deux ministres et leur positionnement ministériel, chose confirmée par les critiques du sénateur Vert Jean-Vincent Placé ou par le député Noël Mamère ? Comment ignorer les réactions de ceux qui, dans le camp écologiste, s’indignent vertement à l’idée que le chef de l’Etat ait reporté dans une conférence de presse récente la possibilité du vote étranger en France ? Comment ignorer les manifestations qui ont opposé les forces de l’ordre à des élus ou sympathisants Verts entendant empêcher la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, projet si cher au cœur du Premier ministre ?
Les exemples sont nombreux s’agissant de la course aux places au détriment des convictions, et ce, sur tout l’échiquier. Querelle des chefs par ambition hiérarchique au mépris des militants, élections « plus ou moins » arrangées sur tous les bords, décalage absolu entre convictions et carriérisme, dégradation du niveau même du débat politique…alors ?
Oui, la participation contre toute logique des Verts au Gouvernement dresse en soi un état des lieux significatif. La politique ne relèverait-elle plus premièrement d’une question d’idées et de projets, mais de plus en plus et seulement d’un métier, comme un autre ? L’objectif unique serait-il de parvenir aux fonctions les plus hautes ? Les uns choisissant un camp pour le trouver à moment donné potentiellement plus « rentable » en matière d’élévation hiérarchique et de rapidité d’accession au pouvoir ? Autant ne pas le croire. La France reste un grand pays.
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