La Dupont-Aignatisation de LR
La question se posait dès avant l’issue des législatives 2022 qui s’annonçaient très serrées pour les macronistes :
Autant on n’imaginait pas ces derniers « collaborer » avec une NUPES prétendant « faire élire Mélenchon Premier Ministre » ni avec un RN « seule vraie opposition à Macron », mais comment allaient réagir Les Républicains ?
D’autant que les législatives ont effectivement privé de majorité absolue les soutiens du Président, et que Les Républicains ont obtenu un groupe charnière de 61 députés capable de tout faire basculer dans un sens ou dans l’autre.
Les indices sur leur comportement collectif ont, il est vrai, été distillés dès le début de cette législature plus incertaine que jamais :
candidats se présentant comme des élus locaux en éludant les enjeux nationaux, surenchère dépensière commune avec les oppositions NUPES RN lors du vote des budgets 2023 (et à rebours du traditionnel « sérieux budgétaire » encore en vigueur dans le programme de Valérie Pécresse), délégitimation permanente d’un président de la République coupable d’absolument tous les maux, commentaires réjouis sur « la minorité présidentielle »... : l’ambiguïté était fondatrice, la réalité de l’opposition aussi démagogue que celle de la NUPES et du RN. Et pourtant aucune des motion de censure présentées à l’Assemblée l’automne 2022, lors des votes des budgets, par la NUPES ou le RN n’a reçu le soutien des Républicains.
Les débats sur une enième réforme des retraites (dont il n’est pas ici l’objet de discuter le bien fondé) ont confirmé le vide qui règne désormais à la tête des LR, qui sont collectivement devenus un canard sans tête.
Les sénateurs emmenés par Bruno Retailleau sont restés dans la ligne traditionnelle en soutenant un recul de l’âge de départ qui figurait au programme de leur candidate, mais… était-ce vraiment une preuve de cohérence, ou l’affirmation de principe d’élus qui ne risquent pas la dissolution, et qui ont, institutionnellement, une responsabilité beaucoup plus limitée que les députés ?
Ces derniers sont en effet apparus extrêmement divisés, malgré une « position de groupe » favorable sous réserves aux propositions du gouvernement, et suffisamment incertains pour déclencher une nouvelle application de l’article 49.3.
Puis, malgré la « ligne majoritaire », lorsque 19 députés sur 61 (un tiers) ont voté la motion de censure portée par le centriste Bertrand Pancher, qui a donc échoué de justesse.
À ce jour, on peut d’ailleurs presque estimer que le rejet des motions de censure est établi jusqu'à la fin de la législature actuelle : malgré l’impopularité du gouvernement, la minorité présidentielle et le caractère très polémique du sujet des retraites, si la censure a échoué ici, on ne voit pas très bien à quelle autre occasion elle pourrait prospérer.
Alors certes le discours est bien rodé. Porté par le très imbu de lui-même Olivier Marleix, il peut même faire illusion un temps :
« Les Républicains ne seront pas la roue de secours du macronisme finissant »
« Le pourrissement de la vie politique est uniquement due à Macron qui a poussé les extrêmes droite et gauche »
« Nous ne voulons pas ajouter le chaos au chaos en faisant tomber le gouvernement »
« Voter la censure présentée par les extrêmes revient à s’allier à eux, et LR est un parti de gouvernement qui ne doit pas faire ce type d’alliance »,
« LR a vocation à gager la prochaine présidentielle. S’allier à la Macronie, c’est se discréditer pour l’avenir »
« Je n’approuve pas les 19 signataires de la motion de censure de LIOT mais je les comprends quand même »
etc etc etc...
Sauf qu’à bien y réfléchir, les arguments avancés sont totalement inopérants :
à 61 députés et moins de 5 % à la présidentielle, LR n’occupe clairement plus la position dominante de l’ancien UMP et de l’ancien RPR, et est de fait un groupe d’appoint, que cela plaise ou pas.
Rien d’original ni de très réfléchi non plus derrière l’accusation portée contre Emmanuel Macron, qui aurait « fait le jeu des extrêmes » pour asseoir son pouvoir : on a déjà dit ça à droite il y a 40 ans de François Mitterrand et du FN. Cela ressemble plus à un vœux pieux et à une incantation : « Vivement le retour du bon vieux temps de l’UMPS ».
Quand au « macronisme finissant », peut-on vraiment penser de façon réaliste que les Philippe, les Darmanin ou les Lemaire (qui sont d’ailleurs tous des anciens de la maison) vont disparaître par enchantement avec le dernier quinquennat de Macron ? Au reste, et d’une façon générale, pourquoi les électeurs qui ont délaissé élection après élection l’ancienne UMP pour le RN ou pour Macron, reviendraient subitement chez les Républicains ?
En réalité, ce ni ni (ni Macron, ni « extrêmes ») revient à « enjamber le présent » pour « se projeter dans l’avenir », c’est-à-dire à passer son temps à préparer les futures élections, qui plus est de manière très peu réaliste.
À la façon d’un Dupont-Aignan ou d’un Asselineau, qui partis de rien, prétendaient devenir majoritaires à eux seuls. Encore cette attitude était somme toute peu nuisible s’agissant de personnages sans élus, donc sans responsabilité réelle.
Mais lorsqu’on appartient à un groupe clé, et qu’on impose au pays une stagnation mortifère en attendant de redevenir majoritaire, qui croit-on convaincre au juste ?
À la faveur de cette situation inédite, et loin de se révéler comme des hommes d’État capables de trancher, les restes des LR s’abîment dans l’ambiguïté et l’indécision, tout en fantasmant le retour de leur splendeur perdue… pour la prochaine élection.
Ils se transforment donc à grande vitesse en un nouveau groupuscule sectaire qui s’imagine (re)devenir majoritaire à lui tout seul, comme leurs prédécesseurs « patriotes » ou droitards qui n’ont toujours pas compris que même le général De Gaulle n’avait jamais été élu seul au premier tour. On pourrait s’en réjouir mais ce n’est pas une bonne nouvelle pour une vie politique qui manque grandement de figures alternatives un peu crédibles. C’est aussi le symbole d’une société qui semble inlassablement et malheureusement se diviser en sectes autocentrées et indifférentes les unes aux autres, l’immigration n’étant qu’une raison parmi bien d’autres.
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