La Ferveur populaire
Grandola Vila morena Terra da fraternidade O poro é quem maïs ordena Dento de ti, o cidade (bis) O pora é quiem maïs ordena Terra de fraternidade Grando Vila morena...
C'est un bouillonnement, c'est chaleureux, c'est plein d'ardeur ; mais qu'est-ce qui réchauffe comme ça ?
Le besoin ; après une longue période de froid ; les autres, ses semblables, après une longue période de solitude ou d'égoïsme ; le courage qui soudain jaillit avec force après une longue période d'endormissement ou même de veulerie ; la conscience de la force du peuple, invincible, après qu'il a été serré, silencieux, obéissant et quelles que furent les formes de l'oppression, la matière des muselières.
Les voix s'élèvent dans la gravité du moment et rien, rien n'est plus beau que le chant du peuple qui se lève. Le ferment d'une juste revendication : en nous la vie, en nous le savoir faire, en nous la culture ancestrale, en nous l'avenir ; rien tout seul, tout, ensemble.
« Quand au début de l'été, le tonnerre, l'énergie électrique, sort de la terre en grondant, et que le premier orage rafraîchit la nature, une longue tension prend fin, la clarté et la joie s'instaurent. De même la musique a le pouvoir de dissiper dans les cœurs la tension, effets des sentiments sombres. L'enthousiasme du cœur s'exprime spontanément dans le chant, la danse, les mouvements rythmiques du corps. Depuis toujours, la vertu exaltante des sons invisibles qui émeuvent et unissent les cœurs des hommes a été ressentie comme une énigme... La musique était regardée comme une chose grave et sainte, devant servir à purifier les sentiments des hommes. Elle était destinée à célébrer les vertus des héros et à lancer ainsi un pont en direction du monde invisible... » ( Yu/ L'enthousiasme ; Yi-King).
Francesca, Sabina, Frieda , nous nous tenons par la main, mais aussi toutes les autres, droites, hardies, et à chaque croisement la foule s'agrandit ; nous sommes dehors, plus rien n'a d'importance que se retrouver ; nous sommes une vague gigantesque qui entraîne avec elle même les plus timorés et qui pousse jusqu'aux derniers retranchements les coupables, les complices, les courtisans, traîtres à leurs origines...
Quand ?
Quand nous voudrons bien. En attendant, on chipote, on fait la fine gueule, on ne trouve pas son chef, on est plein de reproches ; on est des enfants gâtés pour qui le moindre mot un peu juste et un peu rude écorche les oreilles endormies depuis toujours sous l'hypocrisie et l'insipidité, c'est-à-dire l'absence de raison et de jugement chez les belles personnes qui n'ont eu guère à pâtir ; on confond paix et absence de dynamisme d'une société atone et amorphe ; on a peur de la moindre violence comme on a peur de la vie, de ses imprévus, de ses audaces et de ses paris. On cherche plus à s'inscrire qu'à s'inscrire en faux et le peu de vigilance qu'il reste est toute entière tendue dans ce but ; et ceux qui ne sont pas inscrits, ceux qui restent en marge trouvent dignité et justesse à leur non choix.
Trente ans ont suffi ; trente années ont suffi pour détricoter la trame populaire et ne garder de la ferveur que l'hystérie collective devant un match ou une idole ; trente ans ont suffi pour que le peuple se retrouve par affinités associatives, qui du vélo qui de la randonnée qui de la plongée sous-marine... ne fréquenter que ses semblables, pendant si longtemps, n'incite pas à l'écoute, à l'ouverture, cela au contraire confine à l'autosatisfaction dans sa vérité ! L'artifice qui sévit aux États-Unis depuis longtemps, les réunions tupperware, ont gagné ! Aidé, bien aidé par le cinéma et la publicité qui ont littéralement squeezé l'imaginaire et la créativité des gens. La dépolitisation induite par la surinformation anecdotique a fait le reste. Chacun est convaincu de savoir et d'être celui-à-qui-on-ne-la-fait-pas. La boucle est bouclée, le piège est cadenassé.
On peut néanmoins s'interroger sur l'étonnante vivacité des militants d'un parti que la décence m'empêche de nommer socialiste et que je garde, pour une bonne compréhension, sous son appellation non contrôlée de PS, avec néanmoins un tremblement de colère dans la voix. Je ne peux pas croire que des centaines de milliers de personnes, actives ou sympathisantes, puissent comme un seul, changer du tout au tout ; je ne peux pas croire à la malhonnêteté foncière de la plupart d'entre eux ; mais la couardise, la paresse, l'inertie, l'à-quoi-bonisme, oui ; qui que l'on soit, ces qualités-là sont moins exceptionnelles que le courage !
Mélenchon lui même a mis plus de trois ans de trop à « oser » sortir de son parti, avec lequel il avait compris qu'il ne pouvait rien faire ; une poignée de sincères se sont encouragés ; bon sang mais leur exemple prouve qu'ils ne se sont pas fourvoyés ; alors qu'attendent les milliers d'autres ? Qu'attendent-ils pour annoncer leur départ, leur désaffection provoquée par une politique insoutenable, des choix qui ne sont que des traîtrises, des pouvoirs qu'habitent des êtres sans foi, des preuves à chaque instant de l'ignoble veulerie du larbin qui se contente de son petit maroquin ! Que fait le peuple socialiste ? Ne voit-il pas qu'il peut influer sur le cours des choses ? Des milliers, des millions d'électeurs qui fichent le camp, qui boudent, qui tournent le dos ou s'en vont ailleurs, retrousser leurs manches pour construire un avenir à leur mesure, n'auraient-ils pas, dans cette exigence brandie, non violente, le pouvoir de transformation ?
Trouvent-ils plus juste, et sont-ils plus fiers, de rester contre-fortune-faire-bon-coeur, plutôt qu'agir et induire dans ce qui existe de socialiste dans notre pays ?
Sont-ils au marché ? Leur vieux fournisseur n'est plus ce qu'il était mais l'autre, en face, ne leur dit rien qui vaille ?
Un parti aux centaines de milliers de militants passifs, qui jamais ne se fâchent ? Qui jamais n'exigent ? Des o b é i s s a n t s !!
Mon père se retournerait dans sa tombe ; peut-être s'est-il retourné d'ailleurs ! De voir ses petits-enfants soumis, mine de rien, on ne lance pas le débat ; la première critique admise, émise, est le mauvais pas qu'il ne faut pas faire sous peine d'être rejeté, exclu, perdu, seul, sans famille, orphelin, honteux de sa traîtrise : la famille, on la prend comme elle est, on y est fidèle jusqu'à la mort ! Et tant pis pour le monde !
Et pourtant ! Et pourtant le gouvernement est dans une impasse qui fait le contraire de ce qu'il disait même si, déjà, nous étions nombreux à le savoir ; le gouvernement est merdeux ; rien ne va plus et tout le monde sait qu'il n'y a rien de plus dangereux que quelqu'un qui se sent, qui se sait « merdeux ».
Une petite définition pour les oreilles sensibles ? Est merdeux celui qui est pris la main dans le sac, celui qui ne peut plus cacher ses bassesses et ses traîtrises mais qui reste néanmoins en position de pouvoir. Celui qui est à court d'arguments, acculé, et qui, tel l'animal blessé, attaque !
Cahuzac ne sera bientôt plus merdeux ; mais tous les autres, si.
L'heure est pis que grave qui nous fait furieusement penser aux années trente !
Et pendant ce temps, les socialos de base tergiversent, ceux qui ont le cœur à gauche ne trouvent pas chaussure à leur pied, ils cherchent des noises, des poux dans le pelage mais ne font pas sauter les puces jusqu'à l'oreille, expliquent sans arguments en quoi ils ont raison de se situer nulle part, de ne rien faire pour pas se faire avoir !
Nous avons pourtant vu les grecs, les portugais et les espagnols, avec leurs sociaux-démocrates. À moins que, pour une raison que j'ignore parce que personne ne s'est donné la peine de m'expliquer, nous serions plus malins ?
Refuser de voir le danger, de prendre les choses en main, faire le mort, nous conduit de manière certaine dans les abîmes ; à se battre, rien ne nous assure la victoire mais à ne pas le faire nous garantissons notre défaite.
Aujourd'hui, dans l'état actuel des choses, dans ce moment où la grande multitude n'est plus dupe des partis de gouvernements, de cette alternative mortifère, quand on sent que ceci est devenu obsolète tant « ils » se ressemblent, la responsabilité des socialistes du peuple est immense ; ceux qui militent déjà à gauche ne peuvent guère faire plus ; ceux dont les convictions politiques les situent à droite font ce qu'ils ont à faire, et là, au milieu, comme un ectoplasme, une ancienne majorité d'un ancien idéal sautille d'un pied sur l'autre en priant pour que rien ne se passe ! Pour qu'ils soient épargnés ; les enfants gâtés de la gauche caviar, de la gauche bobo mais qui n'ont pas sauté allègrement, avec leurs dirigeants, le pas de l'ultra libéralisme assassin, comme une évidente évolution des choses, sont des lâches tant qu'ils dansent.
Désolés pour eux, nous, nous avons déjà fait le pas ; et nous n'en sommes pas morts et nous en sommes grandis.
Ils marchaient sur un chemin bien balisé, dans les rails de la morale, de l'égalité de la fraternité et peut-être même de la liberté ; ils avaient raison, c'était confortable cette bonne conscience parce qu'elle ne coûtait pas cher ; et puis, patatras, les choses se sont complexifiées ; on ne s'y retrouve plus ; la pensée n'est plus prémâchée. On a perdu son latin. À croire qu'on était arrivé, on a perdu le chemin ; les balises se sont retrouvées dans des sables mouvants ou dans ceux, brûlants du désert ; on croyait savoir marcher mais sans le youpala des idées reçues, les jambes se dérobent ; les plus vieux se distraient, voyagent et causent encore un peu.
Et je ne veux rien dire des plus jeunes que je connais tant leur ardeur imbécile et aveugle me fait mal.
Nos sociétés ne sont plus assez pauvres et depuis assez longtemps pour trouver la ferveur des américains qui se libèrent du joug du nord. Nous sombrons... jusqu'à où ?
Il faut le redire, encore et encore : il n'y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant...
Encore faut-il se lever ; et dire, nous hommes et femmes militantes ou sympathisantes du PS demandons que les trois promesses essentielles soient honorées :
-s'attaquer à l'ennemi : la finance
-renégocier l'Europe
-instaurer une République démocratique dans une Présidence normale.
Après, on verra ; mais si les électeurs de Hollande exigeaient au moins ça, hein ?
Et si le chantage c'est pas beau, il reste une arme efficace, qui ne nous empêche pas d'entonner les chants révolutionnaires...
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