La France à 13 régions : enfin dans le bon sens ?
C'est un pas décisif. L'adoption au petit jour, hier, par l'Assemblée nationale de la nouvelle carte à 13 régions constitue une avancée historique vers une véritable, ambitieuse, régionalisation de la France. Le début d'une VIe république qui cache son nom... si le contenu n'est pas vidé de sa substance d'ici la fin de l'année.
A la fin de l'année, nous saurons enfin si la France tourne le dos à ses vieilles pratiques centralisatrices et paternalistes pour aborder l'avenir de l'Union européenne dans une position d'égale à égale, forte de territoires puissamment organisés. Exit bientôt le mille-feuille, le doublonnage à tous les étages ? Et exit le pouvoir des départements, peut-être enterrés à l'horizon 2020 ?
Par cinquante-deux voix contre 23, l'Assemblée nationale a tranché sans ambiguïté pour le camp de la réforme en France, déjouant les pronostics d'un enlisement, laissant de côté les habituels clivages gauche-droite, ouvrant des ponts entre les familles politiques et laissant à son impuissance, comme un aveu d'échec voire de caducité, le Sénat tout entier. Quel symbole là encore que cette réforme des territoires qui laisse apparaître les lézardes d'un système tout entier, dépassé, enlisé, à bout de course. La réforme territoriale doit être l'occasion de trouver un nouveau rôle au Sénat. A défaut d'en faire une chambre de représentation des nouvelles super-régions, de le dissoudre...
Ce fut donc une longue nuit, le grand soir, peut-être, que cette avancée historique, probablement amenée à de nouvelles évolutions, parfois inattendues, signe que les lignes bougent enfin dans un pays que l'on croyait sclérosé à jamais.
La carte élyséenne puis celle proposée début juillet ressemblait à un puzzle d'enfant bâclé, mal monté. Les députés ont finalement remis de l'ordre - et du bon sens - dans ce découpage hasardeux. L'abandon d'un centre-ouest mou, protéiforme, de l'Île de France à l'Île d'Oléron, tout d'abord, au profit d'une grande Aquitaine très ambitieuse - autre symbole du retour en grâce du Girondisme - unissant Poitou-Charentes, Limousin et Aquitaine administrative. L'abandon d'une Picardie-Champagne Ardenne sans convergences, au profit d'un Nord-Picardie plus cohérent. La constitution d'un Grand Est qui a cependant le défaut de mettre de côté le particularisme alsacien - à l'évidence la région a été punie d'avoir raté son destin lors du référendum proposant la fusion des deux départements du Bas et du Haut Rhin. Et enfin, l'abandon de toute fusion Bretagne-Pays de la Loire. Au contraire, la carte actuelle, encore instable à l'ouest, laisse la porte ouverte à une future réunification de la Loire-Atlantique en Bretagne. Le rêve aurait viré au cauchemar pour les Bretons si d'aventure une fusion sèche avec les pays de la Loire avait été entérinée mais aussi dans le cas d'une fusion entre le Centre et le Poitou-Charentes... Le statu-quo Bretagne administrative, Pays de la Loire, Centre et l'adoption d'un droit aux départements de changer avant 2016 de région rend possible dans un premier temps la réunification bretonne et la constitution d'un grand Val de Loire unissant le Maine et Loire, la Sarthe voire la Mayenne au Centre. Il n'est pas exclu que la Mayenne préfère rejoindre la Bretagne et que la Vendée se tourne vers le puissant Sud-Ouest et ses plages sablonneuses rectilignes, ses toits en tuile, ses églises romanes. Une grande Gascogne atlantique depuis Noirmoutier jusqu'aux plages de Hendaye.
Au jeu des pronostics, tout reste possible. La fusion Bretagne-Pays de la Loire n'est pas encore évitée, mais on voit mal le Centre faire cavalier seul avec ses petits 2.5 millions d'habitants, coincé entre la puissante Ile de France, la Normandie réunifiée ou un grand Ouest de 6 millions d'habitants, alors que l'identité même du val de Loire et ses châteaux, orgueil national de Saumur à Blois, d'Angers à Chenonceaux, crêve les yeux partout dans le monde. Il en est de même d'une Bretagne réunifiée qui, avec 4.5 millions d'habitants, retrouverait une place à la mesure de sa notoriété à l'international.
Il avait bien été rappelé en préambule qu'à ce stade, il ne serait tenu compte de tel ou tel cas particulier, qu'il s'agissait de fusionner des régions dans leur globalité, de bloc à bloc, et que le temps du sur-mesure départemental viendrait dans un second temps. Il y a donc tout lieu de croire que le remaniement des régions va continuer. Les six prochains mois seront cruciaux comme l'a été cette nuit du 18 juillet pour que, demain, la France se réveille fière et forte de ses territoires, dans un nouveau rapport de force en Europe. La France peut se sortir grandie, demain. Elle peut renaître par ses territoires.
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