La France : de gauche à droite ou de droite à gauche ?
Ou comment la France s’est ancrée à gauche depuis vingt-cinq ans et pourquoi la gauche est-elle aujourd’hui complètement désorientée.
A l’issue de l’élection présidentielle et de la large victoire de Nicolas Sarkozy, on a souvent entendu le diagnostic disant que la France avait basculé à droite, que les valeurs conservatrices avaient pris pour longtemps le dessus. Même Ségolène Royal, candidate de la gauche modérée, mettait en avant les notions de famille, d’ordre, de patrie pour séduire l’électorat.
Pourtant, au-delà des apparences et des discours, il me semble qu’au contraire la France s’est très largement « gauchisée » depuis vingt-cinq ans et qu’elle arrive maintenant à un pic.
L’arrivée des socialistes au pouvoir a entraîné la mise en œuvre progressive de toute une série de mesures de gauche qui ont profondément imprégéné la société française. Dès 1981 : suppression de la peine de mort, semaine de 40 heures, 5e semaine de congés payés, etc. Autant de décisions qui ne seront pas remises en cause par l’alternance de 1986 et le retour de la droite.
Le mouvement de réforme reprend de 1998 à 1993 sous le second septennat de F. Mitterrand avec par exemple l’instauration du RMI et de l’impôt sur la fortune. La droite revenue au pouvoir en 1993 ne conteste réellement ces mesures pourtant chargées très symboliquement.
Le même processus est à l’œuvre pendant le gouvernement Jospin de 1997 à 2002 avec la mise en place de la couverture maladie universelle, du PACS, des 35 heures... Et le retour de l’UMP au pouvoir en 2002 n’entraîne pas non plus de remise en cause de ces mesures, même si dans son discours elle les a fortement contestées.
Tout se passe comme si la droite, sans véritables états d’âme, entérinait les mesures sociales prises quelques temps avant par la gauche et les intégrait dans ses valeurs et dans sa vision du monde.
Depuis vingt-cinq ans, la droite s’est donc largement « gauchisée » et a avalé sans trop de difficultés les réformes en profondeur décidées par la gauche. Pas à cause d’une évolution idéologique inattendue, mais simplement par pragmatisme. Elle a en effet bien compris que la société française attendait ces mesures et que les remettre en cause aurait été suicidaire pour elle. Elle s’en est même habilement servie pour gagner les élections présidentielles en 1995 avec J. Chirac invoquant la « fracture sociale » et en 2007 avec N. Sarkozy n’hésitant pas à faire des références appuyées à Jaurès et à Blum.
Cette victoire sans appel de la gauche au bout de vingt-cinq ans de pouvoir est-elle pour autant une bonne nouvelle pour cette dernière ?
Elle me paraît au contraire particulièrement néfaste et destructrice. Elle signifie en effet que la gauche arrive au bout de son mandat.
La mission qui lui avait été confiée en 1981 de faire évoluer la société française, notamment à partir des valeurs qui avaient émergé en Mai-68, a atteint son terme.
La gauche a progressivement mis en œuvre toutes les mesures pour lesquelles elle était programmée (ouverture de la société, redistribution des plus aisés vers les moins favorisés, assistance aux plus démunis) et se retrouve confrontée à une impasse :
- le niveau de redistribution a aujourd’hui atteint un maximum et les catégories populaires traditionnellement à la base de l’électorat du PS commencent à contester le montant des aides sociales données aux inactifs élevé, notamment au regard du salaire minimum ;
- l’ouverture de la société en termes de mœurs est aujourd’hui largement aboutie ;
- le danger représenté par l’extrême droite qui pouvait mobiliser la gauche est durablement écarté.
Il n’y a donc plus d’objectifs pour la gauche, plus d’horizon vers lequel tendre qui permette de mobiliser un électorat et un parti.
La gauche meurt d’avoir accompli sa mission, tel un insecte qui après avoir vécu une vie intense, disparaît, ayant perdu son utilité.
Il lui reste donc à réfléchir en profondeur pour proposer à la société française de nouvelles perspectives d’évolution, de progrès pour les trente prochaines années... ou à attendre un nouveau Mai-68.
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