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La future privatisation déniée de La Poste : un processus (in)évitable ?

A la lecture de la presse, ou à l’écoute des journaux télévisés, il n’est pas rare d’entendre que le secteur public n’est plus capable dans ce monde, de s’occuper de l’économie, et qu’il est plus judicieux de laisser le privé s’en occuper. C’est toujours dit simplement, sans expliquer le moindre enjeu, la moindre conséquence, ni la différence qu’il existe en gestion publique ou gestion privée.
 
Quand les entreprises sont détenues pour une grande part de leur capital par l’État, les salariés et fonctionnaires sont, de fait, moins exposés à la précarisation grandissante du marché du travail : ils sont plus à l’abri d’une direction qui licencie à tours de bras pour augmenter les marges, d’une nouvelle « équipe directionnelle » qui bouleverse d’un coup de crayon la politique managériale de l’entreprise (visant comme d’habitude à privilégier le facteur capital au facteur travail). A la base de la logique du service public, si l’on réfléchit un petit peu, travailler vise donc non pas à appliquer bêtement les ordres d’un patron, mais (indirectement) d’œuvrer à ce que fonctionne une collectivité, une communauté. Le travail est rémunéré selon un montant conventionné par l’Etat, le salarié rend des services pour l’intérêt général (j’insiste, dans les textes de droit…car celui-ci est une fiction, un mythe aujourd’hui), et donc non pour enrichir une caste de requins en costars qui ne connaissent que le dialecte privé du profit sur un marché financier, de l’intérêt privé et non collectif. C’est un raisonnement basique, soit, car la plupart des entreprises publiques fonctionnent aujourd’hui comme des entreprises privées, et sont cotées en bourse au CAC40… Aussi, une entreprise privée, de taille individuelle ou transnationale, doit faire des profits, et ne peut pas se permettre de commercialiser des biens et des services en dessous d’un certain prix, ne doit donc pas vendre à pertes pour avoir un bilan bénéficiaire au 31 décembre. A l’inverse, et c’est là que l’on voit toute la différence et l’intérêt d’une réelle gouvernance publique, le service public peut se permettre d’être temporairement déficitaire, et peut retrouver son équilibre budgétaire par d’autres moyens que la pure consommation des ménages. C’est-à-dire par des systèmes de taxe sur les sphères spéculatives, taxer le capital (et non instaurer un impôt pour les personnes indemnisées en invalidité !!) pour fournir une santé publique, une réelle éducation, des transports publics nationaux, etc. Donc cela permettrait de vendre des biens et des services à des prix moins prohibitifs, plus accessibles. Pour exemple, la mairie de Toulouse met cette année en place un système d’abonnement aux transports à dix euros par mois pour les 4-25 ans, au lieu de vingt-deux auparavant. Gérée à plus de 60% par le secteur public, on voit bien que la Tisseo, société d’économie mixte qui assure le réseau urbain toulousain a gardé l’essence du service public. Ce qui me semble rare. Bref, il me semble bien d’ailleurs que sous la Troisième République, (bien que je ne sois pas particulièrement admirateur de cette époque), le législateur s’est attaché à ce que l’État s’occupe de la gestion des services clés de l’économie, avec un réengagement massif de l’État, pour qu’une plus grande partie de la population ait accès aux infrastructures et notamment pour ne pas avoir à revivre le cauchemar d’un jeudi noir de 1929…Il me semble aussi, que la Quatrième République de 1946 s’est attelée à prolonger les « volontés » du Conseil National de la Résistance (CNR), c’est-à-dire à faire en sorte que l’État soit le garant de tout ce qui apporte une vie décente pour toutes et tous (conserver les acquis tirés des luttes sociales, du Front Populaire de 1936 par exemple, ceux de 1945 portant création de la Sécurité Sociale, etc.). Hélas, tous ces acquis sociaux sont aujourd’hui perçus par la caste dirigeante comme étant l’héritage d’une tradition révolutionnaire et socialiste avec laquelle il faut rompre. Le péril rouge à la manière de Mc Carthy reviendrait-il, là où limiter l’initiative privée ne serait qu’une question de bon sens, à défaut d’avoir une société complètement auto organisée ? Noam Chomsky, célèbre linguiste et militant anarcho-socialiste aux États-Unis, a comparé l’État à une cage : Il est nécessaire de conserver l’État, cette cage qui nous protège des intérêts privés serviles des sociétés multinationales. D’ailleurs, il n’y a que dans une cage qu’un être humain peut plonger dans l’océan pour observer des requins blancs sans s’exposer au moindre danger… En ouvrant le capital des entreprises publiques, l’État lui-même devient une entreprise, avec pour patron le président de la république, qui gère son intérêt privé. Autrement dit, c’est là que la démocratie bascule dans la tyrannie (au sens des penseurs grecs, où la tyrannie n’est que le pouvoir d’un seul qui conserve ses intérêts personnels). Oligarchie, tyrannie ou dictature, quel que soit le mot que l’on colle sur la mort d’une démocratie, dans tous les cas, l’État devient vulnérable aux prédateurs économiques qui rodent autour tels des vautours, et là… inutile d’expliquer le danger que cela comporte pour la population au niveau de la santé, de l’éducation, des transports, du travail, de l’alimentation générale etc.

La grève, un contre pouvoir ?

Autre avantage qu’une entreprise comme La Poste soit entièrement publique, c’est que les salariés, quand ils s’attendent à une éventuelle réforme, (sur les conditions de travail, sur l’allongement des annuités, le traitement des fonctionnaires), peuvent s’organiser en assemblées générales et faire grève pour tenter d’infléchir, faire reculer la décision d’un gouvernement. Ainsi, tant que La Poste restera publique, donc tant que l’État en sera actionnaire à hauteur de 100%, les salariés seront globalement relativement protégés. Protégés, dans le sens où les organisations syndicales et les salariés possèdent encore un peu de poids dans les rapports de force. Protégés, car la grève qu’ils peuvent mener est un moyen de lutter contre les éventuelles dérives.

Mais dès qu’une privatisation pointe le bout de son nez, c’est aussi la porte ouverte à l’entrée de n’importe quel investisseur privé, extérieur à l’entreprise, mais dont les intérêts privés convergent. Une filiale de n’importe quelle marque qui produit des yaourts, du caoutchouc ou n’importe quel produit s’attribue un portefeuille de titres alors qu’elle est complètement extérieure à l’entreprise concernée. C’est ça, le but de l’actionnariat moderne : satisfaire les intérêts privés des groupes actionnaires alors qu’une gestion équitable des ressources humaines voudrait logiquement que le salariat soit le premier représentant de l’entreprise, c’est-à-dire qu’il n’y ait d’actionnaires que les personnels internes de l’entreprise, toutes parts égales par ailleurs. Que le patron ne soit pas plus supérieur à ses salariés de par son simple statut, et au moins, le salarié ne serait pas exploité pour que la direction tire de son travail une plus-value à fournir à l’actionnariat, puisque lui seul recevrait les réels fruits de son travail. Que tout ce qui touche à l’entreprise, le statut juridique, les salaires, le temps de travail, les questions concernant l’embauche et l’investissement, ne soit discuté qu’entre les salariés et la direction, dans un environnement fermé, sans interférences avec l’extérieur, les soldats de la guerre économique (concurrence, compétition, rentabilité). Enfin bref, à défaut d’abolir ce modèle d’entreprise où les profits sont issus de l’actionnariat, pourquoi ne pas s’organiser en coopératives de travail ? Bien entendu, cet écrit combat la prochaine privatisation du service postal public français, il n’est donc pas question de proposer que La Poste ne devienne une coopérative, mais de s’insurger contre cette carence notoire de négociation collective ne débouchant inévitablement qu’à des tensions : « nos » dirigeants affables, Estrosi, Lagarde et compagnie, se targuent de dire qu’ils assurent le dialogue social entre les différents « partenaires », et en même temps, appliquent sans appel leur politique autoritaire fidèle au marché en faisant fit des réels besoins de la population, de la société civile. Ou plutôt, ils satisfont à leurs devoirs populistes en libéralisant à outrance l’économie…et servir les lobbies européens.

 De plus, La Poste, ce n’est pas qu’un repaire de feignants, où un fonctionnaire sur trois est payé à ne rien faire. Comme tout corps de métier, il y a des contraintes, et des tensions. Cet argument du facteur nantis, matraqué par la toile médiatique depuis globalement deux ans paraissait bien faible de la part d’une classe politique nouvellement formée pour faire avaler la pilule à un électorat trompé, et pourtant, on dirait que la mayonnaise à plutôt bien pris.

Dans le système actuel, on comprend bien que si une entreprise est détenue à plus de 50-60% par des personnes (physiques ou morales) privées, le poids et le pouvoir de contestation des salariés est réduit en cas de réforme structurelle. Admettons que je sois riche à coup de milliards, et que je lance une OPA sur une entreprise telle que La Poste nouvellement libéralisée, que le conseil des actionnaires dont je suis le président, décide à l’AG que les salariés devront accepter un salaire moindre, des vacances plus courtes, voir même des plans sociaux plus récurrents pour faire face à la concurrence européenne du marché postal. Quelle est ainsi la marge de manœuvre des ouvriers, autrefois fonctionnaires ? Aucune. Le rapport de force est donc inégal. Le facteur français qui fera grève le mardi ou le jeudi sera sanctionné, voire licencié, sanction qu’il ne subit pas en tant que fonctionnaire. De plus, de fait qu’il y ait le droit de grève, que la sécurité de l’emploi étatique apporte, cela freine grandement le pouvoir comme déjà dit : les facteurs, les gaziers, électriciens d’EDF, pêcheurs, agriculteurs et routiers, sont ceux qui fournissent de l’eau au moulin dans l’économie, ils appartiennent au postes clés. Ce sont donc les plus à-même d’organiser une véritable grève générale, et de bloquer une économie toute entière. Et faire tomber un gouvernement si cette dernière est efficace et non réprimée. Car c’est la société civile qui s’organise, par des procédés de désobéissance civile, par des actions concrètes et fédérées, ce qu’on ne peut pas faire si l’on doit pointer tous les jours pour engraisser un actionnariat privé. Bloquer les routes, les usines, boycotter les paiements aux gros sous traitants, et stopper la distribution des courriers « officiels ». C’est bien cela que les multinationales munies de leurs vassale classe politique au pouvoir voudraient abolir : cette partie infime de pouvoir de contestation que le peuple dispose encore un peu. On imagine bien mal les salariés de France Télécom couper les réseaux et s’organiser autour de piquets de grève pour bloquer la téléphonie française en cas de montée fulgurante du nombre de suicides occasionnés par un management tyrannique des ressources humaines…

Mais il est cependant possible de lutter individuellement contre les vagues successives de libéralisation qu’un gouvernement méprisant opère sans écouter la moindre palabre venant de la population qu’il est censé représenter. C’est jeter un caillou à la mer, me direz-vous, pisser dans un violon, se battre contre le vent et mener un combat perdu d’avance. Mais pas si ce type d’actions concrètes vaguement énoncées plus haut se généralisaient. Boycotter le vote électoral pour les grandes échéances me paraît, une fois de plus, être un combat légitime donnant un sentiment de ne pas cautionner à toute cette mascarade démocratique fumante.

Samuel Métairie.


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12 réactions à cet article    



    • Marc Bruxman 29 septembre 2009 16:29

      Mais la vrai question c’est : A t’on encore besoin de la poste à l’heure d’internet. Et en fait la réponse pour les lettres est non.

      Pour les colis le marché est déja ouvert à la concurrence, DHL et UPS font cela très bien.

      Pour les lettres il n’y a bien que les recommandés qui le justifient encore. Mais créer un recommandé électronique n’est qu’une question de volonté.

      Alors franchement autant trouver des actionnaires suffisamment pigeon pour racheter la poste plutôt que de laisser le contribuable payer le coût de la mise au rebut !


      • lechoux 29 septembre 2009 16:45

        Affameurs de pauvres, complices du séquestre des salaires par la banque postale chaque fin ou début de mois qui est sur un week end, 4 jours pour créditer un virement, 8 jours pour créditer un chèque, séquestre des allocations familliales, du RMI, des pré-retraites, les employés de la Poste sont bien assez cher payés pour mentir à longueur de journée.

        OUI A LA PRIVATISATION !!


        • Samuel Moleaud 29 septembre 2009 17:03

          C’est votre opinion, cependant ces pbs n’ont rien à voir avec la gestion publique d’un service public (dsl pour le gros mot)... Et ce sera pire une fois privatisée : oh oui les services seront peut-être plus rapides, plus efficaces, et le client ne verra que du petit bonheur dans son appréciation à court terme. Sauf que derrière la vitrine du guichet, le même client ne verra pas le gel des salaires, la hausse des prix, la course au rentable... Et la fuites des capitaux publics vers le privé, alors que notre chère blogosphère médiatique se lamente que l’Etat français soit à 140 milliards d’euros de déficit public ? C’est pas en privatisant à outrance que F. Fillon et E. Woerth pourront retrouver leur cher équilibre budgétaire.
          Mais non, vous avez raison, oui à la privatisation de EDF, de GDF pour qu’elle fusionne avec Suez, de La Poste, de la SNCF, et pourquoi pas de l’Armée tiens tant qu’on y est, tellement Bush qui l’a fait il était gentil tellement que ben moi je vais faire pareil !!
          Non en fait, je n’ai rien compris : un service public, ça va, c’est quand il y en a plusieurs que ça pose problème, c’est ça ?
          ...


          • Lucrezia 29 septembre 2009 18:04

            Les Français ne savent pas ce qu’ils veulent : Entrer dans l’Europe mais pourtant ne pas appliquer une règle de mise en concurrence absolue imposant à tous les états de privatiser les administrations des Postes et Communications ....


            • Bardamu 30 septembre 2009 13:04

              @Lucrezia ;

              Qui vous a dit que les Français approuvaient l’Europe ?
              Ils ont plutôt prouver le contraire, non !
              Ah, miracle de la « pensée ventriloque » ! 


            • JacquesLaMauragne JacquesLaMauragne 11 octobre 2009 10:34

              Où avez-vous trouvé que l’Europe impose à tous les Etats la privatisation des administrations des Postes ????
              Donnez donc des références précises au lieu d’asséner des contre-vérités.

              jf.


            • Samuel Moleaud 11 octobre 2009 11:47

              @ Jacques La Mauragne : Je dirais que c’est le principe sous jacent des institutions européennes.. Biensur, des directives n’imposent pas en droit interne à libéraliser directement le capital des entreprises publiques... Mais c’est l’idée générale de Bruxelles, d’ouvrir les entreprises à la concurrence, pour se cacher derrière plusieurs choses
              1 Le mythe selon lequel le privé gère mieux que le public
              2 Le mythe selon lequel la concurrence existe, et permet de faire baisser les tarifs
              3 L’idée d’hégémonie économique pour faire de l’UE une puissance mondiale, sorte d’institution fédéraliste avec pour gouvernance des multinationales et non des responsables politiques.

              Sur le papier, l’UE assure et garantit la liberté.... Les vérités et contre-vérités dépendent de la subjectivité de chacun et de là où on les lit... smiley


            • Panzerfaust 30 septembre 2009 08:47

              La privatisation, même rampante, de la poste, franchement je n y croit absolument pas. Il faudrait que les mentalités évoluent beaucoup en France. Et même si cela était, les privatisations qui ont eu lieu jusqu à présent, ne sont pas allées à l essentiel, à savoir la suppression de la garantie de l emploi chez les salariés concernés (GDF, FT, …). Résultat : le contribuable français doit continuer de trainer ces employés comme des boulets, le client lui reste tout aussi vulnérable au grèves de ces salariés intouchables, comme avant les privatisations.


              • zelectron zelectron 30 septembre 2009 10:43

                Ce ne sont pas les facteurs qui font les déficits de certains bureaux de campagne : c’est le receveur, son ou ses adjoints, sa (ou ses) secrétaire(s)-canapé...


                • Bardamu 30 septembre 2009 11:29

                  Après LA POSTE, resteront l’Ecole et l’Hôpital.

                  Venin libéral que cela, d’un LéVIATHAN abhorrant tout ce qui relève du COLLECTIF, de la mise en jeu des SOLIDARITéS, aux seuls profit et triomphe d’un individualisme dont ne jouissent que quelques éLITES.

                  Nous touchons le FOND !

                  Les responsables d’une CRISE sans précédent depuis 1929, PERSISTENT. 


                  • french_car 30 septembre 2009 12:05

                    Après les suicides à France Telecom viendront ceux de la Poste ...

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