Premier parti de gauche, le parti socialiste semble à la dérive. Déroutant pour les socialistes eux-mêmes mais aussi pour ceux qui pensent que la démocratie trouve son équilibre dans un rapport de force entre pouvoirs et contre-pouvoirs.
Alors que le Congrès réuni à Versailles s’apprêtait à introniser Nicolas Sarkozy, un petit groupe de députés et sénateurs, à l’allure de conspirateurs peine à prendre place sur les escaliers qui mènent à la salle du jeu de paume, célèbre dans l’histoire pour avoir été le lieu du serment du même nom pendant la Révolution liant les représentants du Tiers état. Le symbole se voulait puissant pour dénoncer, selon les propos de Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l’Assemblée nationale, « l’égoprésident ». Bon, pourquoi pas, et après ?
Déboussolé par l’activisme du président de la république, qui confine bien souvent à l’hyperactivité, le parti socialiste se trouve pris en étau, entre Nicolas Sarkozy et le morcellement de son aile gauche, sans pouvoir réagir ou si peu, au niveau national s’entend.
Les résultats aux
élections européennes où le parti de Martine Aubry prend la deuxième place de justesse devant les écologistes n’étant qu’une étape dans la longue descente aux enfers du PS. Sans projet, sans leadership, il ne reste au parti socialiste que la force de son appareil, son organisation décentralisée pour le faire encore exister aujourd’hui, peut-être aussi un peu de réflexe pavlovien chez les électeurs.
Entre les annonces prématurées de candidature à la candidature pour les présidentielles, l’impossible accord à trouver avec les autres partis de gauche, si tant est que le mot ait encore une signification, pour organiser des primaires en vue de l’élection présidentielle, les barons régionaux en rébellion contre Solférino,
Martine Aubry qui se demande ce qu’elle est venue faire dans cette galère, les deux mois à venir ne seront pas de trop pour requinquer le PS à condition qu’il se donne les moyens d’assurer sa propre mutation pour devenir un véritable parti social-démocrate comme on en trouve dans les autres démocraties européennes.
Un enjeu essentiel
Pourquoi est-ce un enjeu majeur ? Pour les militants socialistes, cela paraît évident. Pour les autres, non engagés ou engagés ailleurs, cela devrait l’être aussi. En république, l’enjeu essentiel est celui de la maîtrise du pouvoir pendant un temps donné. Un certain nombre d’institutions garantissent le respect d’un certain nombre de règles ou l’application de principes généraux. Il s’agit du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat, de la Justice… Mais elles n’ont pas pour objectif d’établir des contre-propositions, des alternatives ou même de susciter le débat en l’orientant, en le nourrissant. C’est là le rôle de l’opposition. On trouve schématisé ce principe dans l’organisation du parlement anglais où majorité et opposition se font face, s’écoutent parfois, s’invectivent souvent. En France, ce rôle est dévolu au premier parti de l’opposition, ce qui n’est, pour l’heure, ni le cas du Modem, ni celui des Ecologistes. Or force est de constater que les propositions socialistes sont soit absentes soit inaudibles dans le débat public. Rien ou si peu sur le projet de réforme de l’âge minimum de la retraite, rien ou si peu sur la plongée des déficits publics (Etat et Sécurité sociale), paralysie totale sur le front de la réforme de l’organisation territoriale, calme plat sur l’adaptation de notre pays à l’enjeu du changement climatique global, morne plaine sur les questions de bioéthique et par exemple
les mères-porteuses. En cherchant bien, on trouve ici ou là des propositions, parfois concrètes, mais jamais défendues comme un seul homme. Comme si le PS était devenu une armée mexicaine, où chacun serait avide de protéger son pré-carré. De l’existence de la théorie des jeux où chacun préfère assurer une petite mise plutôt que de se partager une plus grosse. Rien. Plus de modèle de pensée, de valeurs différenciantes à défendre, à promouvoir, comme si tout était abandonné à l’idéologie écologiste érigée en mode de pensée moderne. C’est triste, non parce que cela présagerait de la disparition du PS, tant pis, mais parce que cela signifie une démocratie française sans contre-pouvoirs politiques crédibles. Crédibles parce que possédant un projet alternatif rationnel et crédibles parce que possédant les forces suffisantes pour le faire émerger et accepter par la population.
A défaut de retrouver la place qui est aujourd’hui numériquement la sienne, le parti socialiste risque de « rester sur le carreau ». Une expression qui nous vient
du Jeu de paume. Quand on parlait de symbole…