La guerre des Roses
Oui, je sais, ce n’est pas très original comme titre au moment d’évoquer la guerre pour le pouvoir au Parti Socialiste. Mais pour une fois que la presse se met d’accord pour un "slogan" évocateur, autant en profiter.
D’autant plus que cela me permet d’effectuer un bref rappel historique : la guerre des Deux-Roses désigne la guerre civile qui a ensanglanté l’Angleterre à la fin du XVème siècle, et acté la perte définitive du trône par la maison des Plantagenêts (celle de Richard Coeur-de-Lion, par exemple). Pendant que deux factions rivalent s’affrontaient en Angleterre, le roi de France en profita pour récupérer les derniers territoires anglais sur le continent. Alors, au-delà du simple jeu de mot, le nom de cette guerre fratricide qui profite uniquement aux autres larrons de l’histoire (le duc de Bourgogne, également) va comme un gant à la situation chez nos amis socialistes.
Aujourd’hui, donc, le Parti Socialiste a définitivement (?) tourné la page (?). Martine Aubry s’est installée dans le trône de François Hollande, et s’est entourée d’un quatuor de choc pour affronter la politique du gouvernement : François Lamy, son bras droit, histoire d’éviter qu’elle se sente seule en milieu hostile ; Harlem Désir, le bras droit de Bertrand Delanoë mais surtout vice-président du groupe parlementaire socialiste européen au Parlement Européen ; Benoît Hamon, à qui les 18% de son texte à gauche toute ont visiblement attribué une légitimité suffisante pour être porte-parole du deuxième parti de France ; et enfin Arnaud Montebourg, qui est probablement l’homme politique socialiste le plus habile pour slalomer entre les courants et toujours se retrouver bien placé dans le camp du vainqueur. Rappelons qu’il était l’an dernier porte-parole de Ségolène Royal à la Présidentielle avant l’épisode du "principal défaut de Ségolène Royal" (en l’occurence François Hollande). Visiblement, ça ne l’a pas empêché de se retrouver cette fois-ci contre l’ancienne candidate socialiste et dans le camp de... François Hollande. Il est également intéressant de noter que des trois jeunes loups du NPS (Hamon, Montebourg, Peillon), le seul qui ne fait pas partie du G4 est le fidèle lieutenant de Ségolène Royal. Il faut dire qu’à 102 voix près, il serait le seul à en faire partie !
Evidemment, la direction du Parti Socialiste fait une nouvelle fois le grand écart entre l’extrême-gauche et le centre-gauche, et cela sera le camp tant que subsistera le PS en tant que tel, c’est-à-dire sans projet idéologique fixé : on ne peut pas se diviser en deux camps de même taille sur chaque question importante et prétendre peser sur l’avenir du pays. Mais le plus inquiétant, dans cette affaire, c’est le "Texte d’orientation politique 2008-2011" qui représente donc la position théorique du Parti Socialiste. Sur le fond, il n’y a pas grand chose à dire. Que pourrait-il y avoir à dire ? Que pourrait bien proposer le PS pour "répondre à [des] défis sans doute sans précédents dans l’histoire de l’Humanité" (je vous jure, c’est écrit noir sur blanc, ce sont les historiens qui vont être contents) ? Augmenter le SMIC, baisser les loyers, revaloriser les retraites, réaffirmer la primauté du CDI, protéger les salariés contre les entreprises, défendre l’Education Nationale (mais en la réformant, le mot est lancé !), créer une sécurité sociale professionnelle (on saura probablement ce que cela veut dire un jour), et sinon, restaurer le droit à la santé, au logement, à la culture : il faut avouer que dit simplement comme ça, ça donne envie. Qui ne serait pas d’accord avec une "politique de sécurité alliant fermeté et justice" ? Des mots sur neuf pages pour ne pas dire grand chose. On attendra le programme présidentiel du ou de la candidat(e) du PS en 2012 pour en savoir plus... et encore, peut-être que comme en 2007 le/la candidat(e) ne sera pas en adéquation avec son propre programme élaboré par le reste de son parti !
Le plus intéressant, c’est tout d’abord la réaction des royalistes. Julien Dray, dans un premier temps, l’ancien porte-parole du PS (et cofondateur du NPS, au passage, avec la triplette Hamon-Montebourg-Peillon), a carrément traité le texte d’orientation de "nul", soulignant une vision caduque des Etats-Unis ("l’unilatéralisme américain et son discours du choc des civilisations") alors même qu’Obama, chaudement soutenu et récupéré par la gauche française, va s’installer à la Maison Blanche. Derrière, Vincent Peillon en a rajouté une couche sur un texte qui signe une "régression intellectuelle comme on n’en a pas vu depuis des années au parti", avec un commentaire lui aussi sur Obama et la critique des USA, mais surtout un texte "qui ne fait aucune proposition", ce qui est manifeste. Ce qui est clair, c’est que les partisans de Ségolène Royal ne sont pas d’accord sur ce texte, et pour cause, la majorité hétéroclite de Martine Aubry ne repose que sur l’anti-Ségolène.
Ce qui m’amène à une constatation véritablement triste pour le monde politique actuel. On a suffisamment dit que Martine Aubry s’est alliée, aux Municipales de mars dernier, au MoDem à Lille. La voilà aujourd’hui à la tête d’un parti qui a écrit dans son texte d’orientation "que notre stratégie est celle du rassemblement de la gauche et que nous refusons toute alliance avec le MoDem". Entre les deux, il y a eu Ségolène Royal et la nécessité de trouver un moyen de l’empêcher de s’emparer du Parti Socialiste. Comme le disait l’Express à la veille de l’élection du Premier Secrétaire, avant, les différents leaders socialistes cherchaient des points de convergence pour élaborer un programme. Cette fois-ci, ils ont cherché des points de divergence pour se distinguer les uns les autres, et quand ils n’existaient pas, les ont inventés. C’est Benoît Hamon qui doit être heureux.
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON