La Honte de soi, pire que la Haine de soi !
Le tout-début du 21° siècle a vu surgir une problématique originale opposant le méchant Système aux gentils Dissidents : une sorte de réplique inattendue, dans nos pays libéraux-libertaires, de ce que fut la dissidence soviétique au siècle dernier. Toutefois, au risque de fâcher les super-héros de la Dissidence, il faut rappeler que le néo-manichéisme est rarement une bonne philosophie. Le contraire d’une sottise peut aussi être une sottise. Et c’est ce qui arrive en ce moment avec le dernier vice à la mode : la HONTE de soi, qui peu à peu, remplace la HAINE de soi…
I — La haine de soi
Pour des lecteurs peu avertis, il convient de rappeler tout d’abord ce qu’a été et ce qu’est encore la Haine de soi. La haine de soi désigne le discours occidental officiel, matraqué sans relâche sur les médias systémiques et dans les établissement scolaires. Ce discours, omniprésent, omnipotent, jamais pénalisé, toujours encouragé, mâché et remâché par des micro-penseurs généralement classés à gauche (mais sans exclusive) consiste à présenter le Blanc occidental comme un affreux suprémaciste, colonialiste, esclavagiste, raciste, nationaliste, machiste, patriarcal, antisémite, islamophobe, moisi, replié sur soi, etc.
En gros, la haine de soi est le vice idéologique consistant à faire de l’Occidental un hyper-criminel aux forfaits imprescriptibles, dont l’aryen nazi ne serait finalement qu’une régionalisation caricaturale.
Dans ce grand barnum de l’ethno-masochisme occidental, tout y passe évidemment : les Croisades, l’Inquisition, la conquête ibérique de l’Amérique latine, le nazisme, le fascisme, la colonisation de l’Afrique et de l’Asie, j’en passe et des meilleures. Les peuples non-occidentaux sont présentés, quant à eux, soit comme des peuples intégralement victimes de l’ogre occidental, soit comme de gentils peuples éloignés, tout pleins de sagesse, extérieurs à toute cette orgie de violence et de sang perpétrés par les affreux Occidentaux.
Du coup, il ne resterait à l’Occidental moyen qu’une seul issue : expier ses crimes par une repentance continuelle, ce qui – traduit en langage pratique – donne l’injonction suivante : bosse, allonge tes impôts, ferme ta gueule, supporte la délinquance et l’insécurité, cotise à la sécu tout en payant plein pot tes soins à l’hosto, et accessoirement vote Macron pour faire barrage au fâââsciiisme.
Cette haine de soi, fort heureusement, a été çà et là dénoncée par des penseurs un peu indépendants d’esprit, souvent classés à droite (mais sans exclusive). Il faut savoir malgré tout que cette dénonciation de la haine de soi a ses limites et que d’autres militants, plus radicaux, risquent tous les jours le tribunal ou la prison, sans compter les perquisitions ou les gardes à vue, lorsque leur dénonciation de la haine de soi commence à s’intéresser de près à ceux qui bénéficient du discours systémique, et aussi à ceux qui l’orchestrent.
Dans la haine de soi, il y a d’ailleurs un trait extraordinaire, orwellien : la haine (de soi) serait, selon les idéologues systémiques, une sorte de rempart contre la haine (tout court). Ne cherchez pas à comprendre.
Mais voilà. C’est là que le bât blesse. La haine de soi a encore de très longs et très beaux jours devant elle, parce qu’elle a rencontré ce qu’elle pouvait trouver de mieux, à savoir une sœur-ennemie : la honte de soi.
II — La honte de soi
Ce n’est probablement pas la première fois dans l’Histoire que la Dissidence et le Système se mettent à danser un tango sensuel et grotesque. Ce n’est probablement pas la première fois qu’on enjoint les hommes à se « déconnecter de la matrice » sans rien créer d’autre qu’une contre-matrice ridicule, dérisoire, insipide, dangereuse, et qui, au final, produit les mêmes effets que l’autre.
Alors, traçons le portrait de l’homme-masse dissident, qui fait souvent le kéké sur YouTube. Pas joli à voir, tout aussi répugnant que l’homme-masse systématique, son meilleur ennemi.
Cet homme-masse est souvent jeune ou très jeune. Il s’imagine qu’une conférence ou un sketch « dissidents » suffisent à résumer – et à juger – 2500 ans de culture occidentale.
L’école officielle dénigre le Moyen Âge et survalorise les Lumières ? Eh bien : le Moyen Âge était un paradis et la Modernité un gigantesque complot luciférien ! Descartes et Galilée ? Des satanistes rosicruciens possédés, qui ont mis l’Occident à genoux ! L’Église catholique actuelle ? Un repaire de franc-maçons sionistes et pédophiles ; mais, par contre, à l’époque de saint Thomas d’Aquin, les crimes sexuels n’existaient pas, c’est bien connu !
Certes, il y avait déjà les gnostiques et les talmudistes qui complotaient contre le Christ, mais, allez savoir pourquoi, ils étaient moins dangereux. Ah, oui ! Parce que – comme le disait Mgr Delassus – ni Guillaume d’Occam, ni Galilée, ni Descartes, ni Rousseau, ni Karl Marx, ni Freud n’avaient livré l’Occident à l’emprise de Lucifer, CQFD.
Et puis, au passage, la Terre est plate et elle a été créée il y a deux mille ans par des petits hommes verts, comme l’a magistralement montré M. Untel sur internet. Et M. Untel est un grand homme anti-moderne, un vrai chrétien, « le seul qui instruit les Français » (une formule récurrente des trolls complotistes en admiration devant leurs gourous). Et si M. Untel est un catho islamophile ? Aucun souci, puisqu’il sait distinguer le vrai islam de l’islamo-sionisme, etc. etc.
Bref : la honte de soi, c’est cette croisade anti-Modernité sans précédent orchestrée par les milieux complotistes : la culture occidentale s’arrête à saint Thomas d’Aquin, le reste est un gigantesque complot des philosophes et des savants, il faut revenir à la bonne vieille époque chrétienne chimiquement pure du Moyen Âge…
Et, en attendant, nos complotistes « dissidents » se comportent comme de véritables geeks technophiles et technophages, vivant, comme leurs « ennemis » systémiques, et comme tout le monde, dans une véritable débauche de moyens matériels issus des découvertes mathématiques, physiques, chimiques et biologiques de la Modernité.
La honte de soi est un médiévisme de pacotille à faire frémir les vrais spécialistes du Moyen Âge.
Cela n’aurait aucune importance si cette honte de soi n’engendrait pas exactement les mêmes effets idéologiques que son opposé systémique, la haine de soi.
Notamment : faire de l’Occidental un être pervers et possédé, survaloriser les civilisations exotiques sous prétexte qu’elles seraient « sacrales » (le bien) et non pas « cartésiennes » (le mal), et surtout s’exposer à des contradictions insurmontables et ridicules. Du côté système, les bobos no-border gauchistes qui s’enferment dans des ghettos pour riches où ils cultivent leur entre-soi ; du côté dissidence, une autre espèce de bobocratie d’ultra-droite qui cultive un entre-soi de geeks rivés aux nouvelles technologies tout en revendiquant le retour aux « bonnes vieilles valeurs ».
La femme-masse de cette nouvelle bobocratie « dissidente », c’est d’ailleurs la célèbre « tradasse ».
https://www.ndf.fr/histoire-de-comprendre/04-05-2019/la-tradasse-sociologie-dun-phenomene-video/
On en pensera ce qu’on voudra ; mais il s’agit là d’un face à face pitoyable et lamentable qui donne parfois l’impression que l’ultra-droite underground est devenue la nouvelle extrême-gauche.
Ainsi, pour ceux qui s’intéressent aux Lumières avec impartialité, je conseille la remarquable conférence de Philippe Forget sur la chaîne du Cercle Aristote. Aérons-nous l’esprit !
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