La liberté de travailler jusqu’à 70 ans ?
Le choix de prolonger le travail jusqu’à 70 ans une liberté de dupe.
La liberté est un mythe car le choix est, de qui nous voulons dépendre, et historiquement nous avons dit ne plus vouloir être les sujets d’un individu de droit divin.
En posant le principe de la propriété privée, le droit de posséder n’emporte pas celui de disposer suivant son gré du personnel que l’on emploie (le fait du prince), c’est ainsi que le Code civil fixe en 1804 la notion de louage de sa force de travail.
Ainsi lorsque chacun recherche et trouve un emploi, il loue sa force de travail.
Or, depuis le début des années de forts taux de chômage, le concept a changé : l’on se vend, même dans les centres de l’ANPE on y apprend à se vendre.
La différence sémantique est de taille et montre l’évolution de la perception de la relation sociale qui s’est petit à petit établie, créant un avantage certain pour les employeurs.
De sorte que, dans une société acquise à la loi du marché, cela ne choque plus personne.
Il faut donc bien convenir que, quand l’on se trouve dans la nécessité de se vendre, l’on n’est plus tout à fait libre, même l’on réalise un retour en arrière.
Notre histoire humaine se caractérise par cette fabuleuse capacité des hommes de subvenir à leurs besoins au-delà du nécessaire pour s’octroyer une existence prospère, qui nous paraît plus agréable que celle du monde animalier. Ceci nous a conduits à pratiquer la contrainte volontaire pour exiger que chacun d’entre nous participe à la production de richesse sous des formes d’organisations et d’auto-exploitation variable.
Il semblait donc que les progrès de l’après-guerre allaient sortir définitivement les hommes de la contrainte du travail, du moins la réduire, grâce à la prospérité qui découlait de son savoir-faire, avec le débat pour s’en attribuer la paternité.
Cette relation de l’homme au travail diversement vécue, suivant si l’on s’y épanouit ou si on la subit, comble notre existence, est source de projet, offre une autonomie de subsistance, et permet par sa qualité d’exécution de jouir de l’existence. En un mot, nous avons développé une société hédoniste qui dépend étroitement de notre savoir et savoir-faire.
Mais encore fallait-il trouver le temps de vivre cet hédonisme, c’est ce qui s’est réalisé avec la réduction du temps de travail, les congés payés et l’âge de la retraite.
La mise en place de ces paramètres a répondu à un certain nombre d’exigences tant techniques que sociologiques, et sans entrée dans les détails de leurs cheminements, il était admis que chacun attendait l’instant où, effectivement nanti d’une ressource stable, il pouvait jouir de la liberté de ne plus être contraint de participer à l’effort collectif de production, quel que soit le charme qu’il pouvait trouver au travail.
Ainsi comme le singe sous son arbre qui le nourrit jusqu’à la mort, le retraité vivait enfin libre.
Si la mise à la retraite rencontre psychologiquement des difficultés, c’est une incapacité à prendre en compte sociologiquement cette nouvelle période de l’existence comme troisième tranche de vie due au prolongement de son espérance, que le désir de rester au travail.
Et voilà qu’aujourd’hui l’on nous dit que la liberté c’est de choisir de travailler jusqu’à 70 ans.
Pourquoi ?
Aujourd’hui où le pays, pour ne pas parler des autres, a accumulé de la richesse, du savoir, de la technologie qui n’oblige plus ses membres à consacrer toute leur existence au labeur, on nous explique qu’il va nous falloir travailler plus, tous les jours de la semaine et plus longtemps. Cela parce que les puissants sont allés investir dans les nouveaux pays ouverts au capitalisme et que la production dans ces pays a un meilleur rapport de profit compte tenu que leurs salariés ne bénéficient pas de tous les avantages sociaux qui sont les nôtres.
Il faut nous attendre soit à nous mettre à leur niveau de compétitivité ou à demander à leur gouvernement de prendre des mesures pour qu’ils redistribuent la richesse qu’ils créaient.
Alors l’on peut accepter les mesures de déréglementation que prend ce gouvernement depuis le début comme il les présente, une lutte contre le chômage, la liberté de gagner plus en travaillant plus, la liberté de travailler plus longtemps, etc.
Dans les faits, il s’agit d’une préparation du terrain pour l’ajustement vers le bas de notre niveau social afin de répondre à la loi du marché, d’abord par la « moyennisation » européenne (action entreprise depuis longtemps dont l’initiation a commencé dans la perspective de l’Europe à 25), et par la mise en place de structures d’allongement de la durée du travail, afin que la réduction des salaires qui va se poursuivre par la concurrence des nouveaux pays capitalistes, trouve un terrain favorable qui ne soit pas source de conflit.
Cela correspond bien à la vision « entrepreneuriale » qu’a notre président, ce n’est pas gênant, sauf qu’il s’est bien gardé de dire s’il voyait dans le capitalisme entrepreneurial une éventuelle augmentation des salaires. Je suis encore surpris qu’il n’ait pas profité de l’opportunité pour réduire le salaire minimum en expliquant que la liberté était de discuter de gré à gré avec son employeur.
Ainsi depuis le début de la déréglementation du travail, c’est au nom de la liberté que l’on demande aux citoyens de se préparer à une régression (augmentation de la pauvreté) présenté comme une modernité.
A force de dévoyer la liberté pour mettre les plus faibles à la disposition des plus forts en confondant la liberté avec la prospérité que donne la contrainte de devoir travailler, nous allons nous aliéner un peu plus aux oligarchies possédantes qui un jour nous expliqueront bien qu’être libre c’est travailler sans se faire payer.
Cela porte un nom !
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