La logique atypique d’un écologiste pour les européennes : la transition écologique passera par la souveraineté nationale
Que choisir parmi toutes les listes se présentant aux élections européennes si on est partisan de l’écologie politique ? EELV ? Nouvelle Donne ? Décroissance Ile-de-France ? Rien de tout cela : l'Union Populaire Républicaine (UPR). Vous ne connaissez pas l'UPR ou ne comprenez pas la logique ? Je vous explique.
1. La durabilité : un enjeu vital
Si vous n’êtes pas déjà de sensibilité écolo, sachez que la situation est grave : L’Homme exploite les ressources naturelles et services écosystémiques de la planète au-delà de leurs capacités. En d’autres termes, notre système économique n’est pas durable, et donc, par définition, ne durera pas. La question est donc de savoir comment cela va se terminer : des changements systémiques seront-ils opérés à temps ? ou devrons-nous subir un déclin, voire un décrochage incontrôlé, suite à la raréfaction progressive de ressources fondamentales et/ou à l’émission excessive de polluants (tel que le CO2) ? L’enjeu n’en est ni plus ni moins le maintien de la stabilité de nos sociétés et vraisemblablement de la paix civile et mondiale [1].
Personnellement, je suis partisan de ne pas attendre le déclin subi, mais plutôt d’opérer les changements nécessaires avant qu’il ne soit trop tard. Je suis donc un partisan de ce qu’on appelle l’écologie politique, c’est-à-dire de la mise en œuvre de politiques qui prennent en compte les limites de l’environnement qui nous soutient.
2. Une transition écologique nécessite des réformes d’ampleur
Pour mettre en œuvre un programme d’écologie politique, des changements d’ampleur sont nécessaires. Il faut changer notre système énergétique de manière à se soustraire des ressources fossiles qui vont bientôt manquer aux besoins mondiaux et qui émettent des gaz à effet de serre. Il faut réduire notre consommation de ressources naturelles. Ceci doit se traduire par une augmentation de la circularité de l’économie (recyclage, consommation collaborative, réutilisation, réparation, etc.) qui réduira notre impact par unité de PIB, mais aussi par une réduction de la consommation, ce qui se traduira entre autres par des circuits de distribution plus courts (relocalisation de la production), une réorganisation du territoire pour éviter l’étalement urbain, le développement des modes de transport doux, et une éducation populaire remettant en cause le principe de la « société de consommation » et probablement une baisse de la productivité. Enfin, il faut investir massivement dans la création, le maintien et le développement de biens environnementaux, qui peuvent être productifs (forêts, technologies protégeant l’environnement, méthodes d’agriculture raisonnée) ou non-productifs (réserves naturelles).
Jusque là, ce que je décris colle assez bien au programme d’EELV (sauf qu’ils rejettent le principe de la décroissance), de Nouvelle Donne (avec son New Deal vert. Oui parce que Nouvelle Donne, c’est New Deal en Français…) ou de la liste Décroissance Ile-de-France (si-si, ça existe, je vous jure !).
Vous avez compris, ces politiques sont fortement interventionnistes, nécessitant une réorganisation de l’économie, des investissements massifs, des fortes régulations, etc. Les pouvoirs publics y ont donc un rôle central. Ceci est normal, parce qu’on ne peut attendre des entreprises qu’elles s’organisent elles-mêmes pour que la population consomme moins de leurs produits, ou qu’elles fassent du zèle environnemental si les coûts sont supérieurs aux bénéfices.
Ceci explique peut-être en partie pourquoi on attend toujours cette transition écologique, malgré son énorme potentiel en faveur de l’emploi et du bien-être de la population à court, moyen et long terme.
3. L’Union Européenne ou le laissez-fairisme économique gravé dans le marbre
Vous souvenez-vous de la Constitution européenne qui a été rejetée par 55% de la population française en 2005 ? L’Union Européenne (UE), avant d’être les institutions que vous connaissez (ou pas) tel que le Parlement européen que l’on va élire sous peu, c’est un bout de papier. Le traité actuel est le Traité de Lisbonne, qui est en fait deux traités (vous savez, le « mini traité » de Sarkozy) : le Traité sur le Fonctionnement (TFUE) de l’UE et le Traité sur l’UE (TUE). Ces traités fixent le rôle des institutions et leurs interactions. Mais ce qui est (peut-être) moins bien connu est que ces sont empreints d’une idéologie néo-libérale et qu’ils fixent aussi des politiques, qui ne sont particulièrement en faveur de l’environnement… Quelques illustrations :
Les Article 32 et 63 du TFUE interdisant les restrictions aux mouvements de capitaux entre les pays de l’UE et entre les pays de l’UE et les pays tiers encouragent les délocalisations. Voyez cette excellente présentation explicative de François Asselineau :
Non seulement cela est mauvais pour l’emploi en France, mais c’est aussi très mauvais pour l’environnement : La première raison est que les pays où les entreprises délocalisent ont bien souvent des normes environnementales inférieures à l’Europe de l’Ouest, avec un mix énergétique bien plus lourd en carbone (par exemple 70% de l’électricité chinoise provient du charbon). La deuxième est que cela encourage des circuits de distribution très longs, augmentant l’empreinte carbone des produits. La troisième est que cela empêche l’UE de mettre en place des politiques environnementales trop néfastes à la compétitivité des entreprises et des pays, puisque cela ferait fuir toutes les industries. De plus, l’Article 32 fixe une politique douanière en faveur d’une croissance infinie de la production et de la consommation (même si ce n’est pas ce qui se passe en pratique), mécaniquement néfaste pour l’environnement.
Autre exemple : la Politique Agricole Commune (PAC), dont les objectifs sont fixés dans l’Article 39 du TFUE. Il n’y est, de manière étonnante, aucunement question de l’environnement. Par contre, il y est question « d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d'œuvre ». D’où mécanisation, pesticides, OGM, et agriculture intense en énergie. Pas beaucoup de place pour le bio dans les traités…
L'UE impose donc des politiques gravées dans le marbre des traités, qui doivent être suivies par les politiques nationales et communautaires.
4. Des institutions européennes et des procédures décisionnelles gangrénées par les intérêts privés
Les grandes entreprises multinationales en situation d’oligopole qui ont un rôle majeur dans notre système économique actuel, telles que les firmes pétrolières, les constructeurs automobiles ou les fabricants de pesticides, n’ont que peu à gagner dans les changements écologiques que j'ai décrits ci-dessus. Or les multinationales ont un pouvoir d’influence énorme au sein de l’UE.
Par exemples, l’ONG Corporate Europe Observatory note que près de deux tiers des experts de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA), qui émet des avis sur les risques liés à la chaîne alimentaire (en particulier sur les pesticides et les OGM, mais pas seulement), sont en situation de conflit d’intérêt et ne peuvent être considérés indépendants du secteur qu’ils régulent [2].
Par ailleurs, l’ONG ALTER-EU relève qu’un grand nombre de groupes d’experts de la Commission européenne, qui émettent leur avis sur des propositions de loi et qui peuvent même proposer des avant-projets de loi, comptent un nombre très important de sièges représentant des multinationales [3]. Par exemple, près de 80% des parties prenantes nommés l’an dernier représentent les intérêts des multinationales dans les groupes d’experts de la DG Fiscalité et Union Douanière, une DG clé à la Commission.
Ceci sans parler des activités intenses de lobbying, carrément institutionnalisé (la Commission à même mis en place un « registre de transparence », où les lobbyistes peuvent facultativement s’inscrire – et donc qui ne contient que le sommet de l’iceberg), ou du problème des « portes tournantes » : ces parlementaires européens qui sont embauchés comme lobbyistes en fin de mandat, puisqu’il sont extrêmement bien placés pour connaître les méandres institutionnels européens et influencer leur anciens collègues…
Tous ces facteurs expliquent probablement entre autres la décision de la Commission concernant l’autorisation du maïs transgénique Pioneer TC1507, suite au vote du Conseil (ayant voté contre à la majorité non qualifiée) et vote du Parlement européen (ayant voté très majoritairement contre, dans son avis consultatif), comme expliqué par Régis Chamagne :
5. Plus d’Europe ou une autre Europe ?
On entend que l’UE n’est pas démocratique parce que sa construction n’est pas achevée, et qu’il faut « plus d’Europe ». Cependant, il faut garder à l’esprit que la construction européenne a toujours été dans le but de libérer les marchés. Les traités, depuis Rome (1957), se complètent et s’empilent comme des poupées russes, en gardant leur idéologie initiale. Par ailleurs, les tendances actuelles ne donnent aucune indication d’infléchissement de l’idéologie libre-échangiste ou de changements en faveur de plus de démocratie, puisque le traité transatlantique (appelé TTIP ou TAFTA), négocié par la Commission dans le secret le plus total, vise à créer un grand marché avec les USA [4]. Ce traité à pour but d’harmoniser les régulations entre l’UE et les USA pour faciliter les échanges (comprendre : « nivellement par le bas ») et permettra aux entreprises d’attaquer en justice les États si elles considèrent que les lois passées sont contraires à leurs légitimes attentes (comprendre : « coup de grâce à la démocratie »). Les impacts potentiels sur les règlementations environnementales [5] sont très graves et mènent certains scientifiques spécialisés dans l’environnement à s’inquiéter fortement.
Donc il faut CHANGER D’EUROPE ! Ca, évidemment, c’est le refrain que presque tous les partis nous chantent pour ces élections. Cela vaut aussi pour les Verts, but in English, please : « Change Europe, vote Green ».
Pour faire court : faire changer l’UE de direction nécessite de changer les traités. Pour changer les traités, il faut l’unanimité des 28 États. Les partis français n’arrivant même pas à convaincre la population française de leur propre projet européen, il est difficile de les voir convaincre les 27 autres États membres… Voir cette excellente vidéo explicative qui illustre le problème :
Soyons réalistes : l’UE est irréformable. Soit on en est contents et on y reste, soit on n'en est pas contents et on la quitte, mais prôner une « Autre Europe » est une illusion.
6. La seule issue : la sortie unilatérale de l’UE
Comment interdire les OGM lorsque c’est la Commission qui a le dernier mot, guidée par les traités et influencée par les « groupes d’experts », l’Autorité de Sécurité des Aliments et autres lobbies ? Comment mettre en oeuvre une politique environnementale très interventionniste alors que les traités européens rendent cette tâche impossible ? Facile : il suffit de s’en soustraire.
Cela est possible, légalement, grâce à l’Article 50 du TUE, qui indique que tout État peut se retirer unilatéralement de l’UE. Les conditions du retrait sont négociées et si aucun compromis n’est trouvé, les traités cessent de s’appliquer deux ans après notification initiale.
Un seul parti politique propose cela. Ce n’est pas un parti particulièrement écologique, mais c’est le seul qui propose une sortie légale et sereine de l’UE : l’Union Populaire Républicaine. Vous n’en avez jamais entendu parler ? C’est normal, malgré ses 5000 adhérents et sa présence dans les 8 circonscriptions inter-régionales, l’UPR est barrée des grands médias, même après avoir saisi le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) avec ce rapport qui en vaut le détour.
La sortie de l’UE veut dire que les leviers politiques et économiques sont rapatriés à Paris, et que les restrictions imposées par les traités sont levées. Cela veut aussi dire que lorsque les Français votent à gauche, le gouvernement peut mener une politique de gauche, et vice versa. Pour les écologistes, cela veut dire que la voie est libre pour mener des réformes réellement écologiques si le gouvernement le décide.
7. L’UPR : Un programme potentiellement plus vert que les Verts
Vous allez me rétorquer : L’UPR n’est pas un parti écolo !! Peut-être, mais c’est le seul parti qui permet de déverrouiller les restrictions qui sont imposés aux politiques françaises.
Les Verts promettent beaucoup de choses sympas dans leur programme présidentiel. Le problème est que la plupart des mesures proposées ne sont pas applicables : L’interdiction des OGM (dommage, la Commission nous les impose), la réindustrialisation du pays (dommage, la libre circulation des capitaux et l’absence de politique douanière nationale nous en empêchent), le développement de l’agriculture bio (dommage, le but de la PAC va dans le sens opposé), la régulation de la finance (dommage, les DG correspondantes de la Commission sont gangrénées par les lobbies), etc. Le programme des Verts présuppose la réalisation du rêve d’une « Europe écologique » et fédérale [6].
Notez d’ailleurs que le programme de l’UPR, qui est une mise à jour du programme du CNR de 1944, contient aussi ces propositions énumérées ci-dessus [7]. La différence avec les Verts est que leur application ne dépend pas de la Commission, ni des 27 autres États membres, mais uniquement des français. En cela, le programme de l’UPR est plus vert que celui d’EELV !
Je tiens à souligner que la sortie de l’UE n’est bien évidemment pas suffisante à la mise en place d’une économie durable. Une fois sortis de l’Union, énormément de courage politique et d’éducation populaire seront nécessaires pour mettre en place d'une économie réellement durable. Mais une chose est certaine, un virement politique fortement en faveur de l'environnement n’arrivera pas tant qu’on restera dans l’UE.
Notes et références :
[1] Voir absolument les conférences de Jean-Marc Jancovici sur Youtube. Vous pouvez commencer par celle au LH forum, qui est courte. Pour les plus courageux, le cours magistral complet enseigné aux Mines ParisTech. A lire absolument aussi, cet excellent entretien de Gaël Giraud. Et enfin le livre « Les Limites à la Croissance (dans un monde fini) », par Meadows, Meadows et Randers.
[2] Corporate Europe Observatory, “Unhappy Meal. The European Food Safety Authority's independence problem”, October 2013
[3] Pascoe Sabido, ‘A Year of Broken Promises,’ ALTER-EU, Novembre 2013
[4] Il y aussi un traité similaire en négociation avec le Canada au cas ou l’autre échouerait. Appelé CETA, pour Canada-European Trade Agreement.
[5] ‘A Brave New Transatlantic Partnership,’ Seattle to Brussels Network, Octobre 2013
[6] A noter qu’EELV prône aussi ouvertement et inconstitutionnellement le démantèlement de la République Française, à l'intérieur d'une Europe Fédérale. [J’ai réussi à caser le mot anticonstitutionnellement dans une phrase qui ne dit pas qu’anticonstitutionnellement est le mot le plus long de la langue française !!]
[7] Parmi les autres propositions en faveur de l’environnement de l’UPR : le développement des circuits courts pour la nourriture et l’auto-suffisance alimentaire ; et de manière indirecte l’encouragement des organisations type SCOP, le développement de l’actionnariat salarié et le rétablissement des services publics.
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