La mésaventure de Manuel Valls
Ce n’est pas pour rien que les gens se revendiquent de gauche ou de droite. Ce positionnement a l’avantage de la clarté. Il permet, dans la durée, de capitaliser collectivement sur les choix opérés et assumés par les majorités de gauche ou de droite. Personne n’est assez dupe pour croire au « ni gauche ni droite ». On est toujours positionné quelque part, même s’il peut arriver de changer… pour ensuite se positionner sur un autre bord politique, même ponctuellement. Si bien que le Centre finit à droite et que l’Extrême droite n’est qu’à droite.

Manuel Valls, porte parole du candidat PS à la présidentielle, a cru innover en revendiquant dans les rangs de gauche les idées portées par la droite. Il a ainsi cultivé une curieuse singularité qui a toujours agacé sérieusement ses camarades socialistes. Il doit aujourd’hui s’en mordre les doigts.
En effet, au moment où le malaise s’installe dans le camp Sarkozy, hanté par la perspective de la défaite, dans le camp Hollande, il y en a un qui broie du noir et peine à exister. Manuel Valls ne peut plus se rendre sur les plateaux de télévision sans qu’on lui rappelle ses propos élogieux et favorables à la fameuse « tva sociale ».
Seul contre tous les six autres prétendants engagés dans les primaires citoyennes, il avait défendu bec et ongles la tva sociale, mécanisme fiscal destiné à « améliorer la compétitivité de nos entreprises » à l’internationale. Quelqu’un aurait dû lui souffler qu’il était trop esseulé sur ce sujet. Mais à quoi cela aurait servi puisque l’homme, qui n’est pas connu pour être une boîte à idées, ne se fait remarquer qu’en faisant vibrer à gauche les idées qu’il pique à droite ? Et ce qui devait arriver arriva.
Les électeurs de gauche lui ont largement préféré François Hollande, Martine Aubry et même Arnaud Montebourg ; tous les trois farouchement opposés au principe de la tva sociale.
Mais l’envie de continuer à exister politiquement était sûrement assez forte pour que le maire d’Evry manœuvre autant qu’il pouvait pour se retrouver dans l’équipe de campagne de François Hollande. Ce dernier lui a confié une mission qui ressemble étrangement à un passage au purgatoire. En effet, le plus à droite des dirigeants socialistes doit assumer la charge de porte-parole d’un candidat de gauche devant rassembler jusqu’à l’extrême-gauche.
Les premiers pas de Manuels Valls ont été franchement pénibles et émaillés de bégaiements pour le moins affligeants. Difficile de faire la différence entre le porte-parole au profil de droite et le candidat de gauche. Il a dû rapidement disparaître de la circulation en espérant mieux revenir plus tard. Rien n’y fait ! Son débat avec François Bayrou a failli tourner au supplice. Il fallait rappeler inlassablement que « ce n’est pas Valls le candidat ». Difficile de savoir comment il tiendra dans la suite d’une campagne qui risque d’être particulièrement âpre et où il pourrait devenir un boulet pour le candidat socialiste.
Et pourtant il aurait pu s’épargner cette mésaventure. En prenant systématiquement position pour la droite, il s’est attiré les foudres des dirigeants de gauche en guise d’avertissement. Mais décidé à cultiver sa « différence », il a poursuivi son positionnement à droite et a même failli se faire exclure du Parti Socialiste.
En effet, lorsqu’en juillet 2009 il milite quasiment pour la disparition du Parti socialiste, Martine Aubry lui propose de rejoindre l’UMP, ce qu’il n’apprécie guère, au lieu de faire amende honorable. Il se rendit dans son pays d’origine, l’Espagne, et fit publier dans le quotidien espagnol El Pais un article intitulé « le Parti Socialiste ne représente plus aucun espoir en France ». Pour l’anecdote, il avait posé la bouche bâillonnée.
Un message lourd de sens.
Ainsi un élu français se rend dans son pays d’origine pour insinuer qu’il serait persécuté en France… On l’a connu mieux inspiré.
En tout cas, lorsque dans un débat, une personne éructe une énormité pareille, le froid s’abat sur la salle. Certains mots rendent le débat impossible. C’est le cas, en l’espèce, de l’insinuation d’une quelconque xénophobie. Dans la même famille des mots de nature à polluer le débat on trouve « racisme, antisémitisme, Shoah, génocide,… » En tout cas, aucune discussion constructive n’est plus possible lorsque les contradicteurs se laissent aller à des excès pareils.
Alors le maire d’Evry s’est octroyé un boulevard pour faire ce qu’il voulait. Il a même été plusieurs fois cité comme possible « prise » de la politique d’ouverture. Il s’est tout permis dans son positionnement toujours à droite jusqu’aux primaires citoyennes.
Maintenant qu’il doit porter la parole d’une gauche qui doit rassembler jusqu’au Front de Gauche, il va devoir en avaler des couleuvres. C’est peut-être de cette façon-là qu’on apprend que ce n’est pas en vain que tant de Français s’accrochent résolument à leur engagement à gauche ou à droite et remplissent les meetings des candidats de gauche et de droite. Par dizaines de milliers.
Boniface MUSAVULI
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