La méthode SarCouézy, une ruse de Buisson ?
La méthode Sarcouézy est un mélange d’innovation, de transgression idéologique et de vieilles ficelles. Néanmoins on peut y discerner la ligne de Patrick Buisson, de la méthode Coué et un cynisme sans égal dans la politique française. En cela elle ressemble aux méthodes des néo-conservateurs américains mis en œuvre par George Bush Junior et son mentor Karl Rove.
Nicolas Sarkozy peut lancer une politique au début de son quinquennat puis la défaire ensuite (Grenelle de l’environnement, bouclier fiscal, encouragement des heures supplémentaires puis du chômage partiel, taxe Carbone, fin de la Françafrique, lois Scellier, l’ouverture). Dans une campagne permanente, une sorte de chorégraphie continue de ses propres gestes, la communication instantanée prime sur le choix d’une politique à long terme. Contournant compétences, responsabilité des acteurs et négociations, il s’appuie sur un entourage restreint vivant en un camp retranché par rapport aux français conviés à suivre ses déclarations tonitruantes à travers une télévision bien souvent domestiquée. Sa force et sa faiblesse est de n’avoir aucune conviction. Il peut pratiquer le contre-pieds quitte à contredire ses soutiens comme son propre discours de la séquence précédente.
Si cette médiatisation et son franc-parler innovent, ses politiques restent foncièrement conservatrices en favorisant les positions des plus forts à travers des ruses et des modalités qui peuvent varier. Ainsi par exemple supprimer le « bouclier fiscal » et réformer l’ISF en le diminuant par deux au moment même où la TVA et augmentée pour tous. Dans cette guerre de mouvement, un conseiller équipé d’une batterie de sondages joue un rôle décisif à la charnière de la droite et de l’extrême droite.
La ligne Buisson
Rappelons les liens profonds de Patrick Buisson avec Jean-Marie Le Pen, avec l’hebdomadaire Minute lui qui a été l’auteur de « OAS, Histoire de la résistance française en Algérie » et qui vient de coéditer plus récemment sur fonds publics un ouvrage « La guerre d’Algérie », avec Ministère de la Défense.
Patrick Buisson opaque conseille Nicolas Sarkozy depuis 2004 et fuit les interviews. A partir de 2007, il facture à l’Elysée sondages et études hors de tout contrôle et de toute transparence. La Cour des comptes indiquait pour l'année 2008 un total pour ses prestations de 1,5 million d’euros. Ce sont d’ailleurs certaines de ces études que refuse de livrer Buisson pourtant condamné par le tribunal administratif sur plainte de Raymond Avrillier.
En mai 2011 l’émission Complément d’Enquête de France 2 présentait la vision de Buisson : « si les français votent en 2012 sur les questions qui leur tiennent à cœur : l’emploi, le logement, la santé, le pouvoir d’achat, …. nous sommes sûrs de perdre ».
« Il faut donc mettre, la société française en état de stress permanent sur des sujets favorables à la droite et au Front National. Ce sont l’immigration et la sécurité. Il faut que cela devienne une marotte et que la gauche en soit exclue ».
On a vu combien Guéant appliquait bien le programme, suivi pour cette élection 2012 de la droitisation de la campagne de Sarkozy. La recherche de boucs émissaires est érigée en une technique de guérilla permanente. Cela lui vaut dans la presse américaine le qualificatif de « ugly » (New York Times 15/03 Mr. Sarkozy on the Low Road).
Plutôt que de défendre un projet, une proposition pour mobiliser les français, le président sortant multiplie donc les attaques contre l’Europe, les immigrés, les assistés, les chômeurs, les corps intermédiaires, les syndicalistes. Bientôt il va s’en prendre à son propre gouvernement.
Par ces attaques, il dégrade toujours plus le débat politique en France, il légitimise au titre du débat l’image et le simplisme. Inspiré des « républicains » américains, il banalise la politique émotionnelle et encourage le populisme d’extrême droite. Comme le dit le New York Times il manque de « dignité présidentielle ». Au lieu de contribuer à un débat de fond projet contre projet, au lieu de donner à la politique ses lettres de noblesse, au lieu de permettre à chacun de trouver sa place dans une communauté nationale qui se projette en avant, il opère ce zapping permanent.
Les enjeux concernant les hauts salaires, sont traités à travers le cas particulier d’une héritière professant des idées de gauche et non pas sur les politiques vis à vis des hauts salaires et autres rémunérations de dirigeants. Celui de la politique énergétique de la France et du nucléaire à travers le cas des personnels d’une centrale et non pas sur la nécessaire montée des énergies renouvelables, de la diversification énergétique. Celui du chômage (+ 1 million de chômeurs en plus en 5 ans) à travers le cas « d’assistés » qui abuseraient des cotisations qu’ils ont versé et non pas sur la négociation de parcours professionnels. Plus que la proposition d’un dessein, la gestion sarkozienne consiste en une suite d’embûches semées chez ses concurrents ou adversaires. Un pilonnage d’arguments de Bayrou ou Hollande déformés et donc réfutés avec facilité.
La réflexion n’a pas de place, l’autocritique est au mieux un défaussement compassionnel, l’analyse de la complexité est interdite.
Buisson explique dans une interview exceptionnelle au Monde comment Sarkozy doit aller à l’électorat du Front National, un électorat populaire victime de la mondialisation. Mais nullement pour l’aider à faire face au rouleau compresseur d’une mondialisation financière sans régulation mais pour … en instrumenter le vote, pour le berner à nouveau en le dressant contre des boucs émissaires tout trouvés, les immigrés, l’Europe.
La méthode Coué
Dans l’adversité de cette campagne où les français ouvrent leurs yeux sur une présidence trompeuse et régressive, Buisson ré-invente la méthode Coué.
Le premier tour occulte l’élection du 6 mai. La grande affaire du passage en tête après l’abandon de tous les autres candidats de droite revigore les troupes déboussolées de la droite. Il serait le signe d’une amélioration de ses chances de victoire au second tour.
« L’espoir change de camp », les troupes de l’UMP se remettent à y croire. Il n’en faut pas beaucoup mais ça marche. Si Hollande est devancé par Sarkozy au 1er tour, cela signifie aussitôt que ce sera de même au second.
- Pourtant en 1974, Mitterrand devance Giscard à 43, 2% contre 32,6% et il perd au second.
- En 1981 Giscard est en première position avec 28,31 %, et Mitterrand deuxième avec 25,84 %. Celui-ci est bien élu le 10 mai.
- En 1995 Jospin recueille 23,3% devant Chirac 20,8% mais perd au second tour.
Comme on le voit, ce n’est pas le score du 1er tour qui garantit la victoire mais la capacité à drainer des réserves de voix au second. Et sur ce point le nombre de déçus du Sarkozysme jurant qu’on ne les reprendrait plus, s’ajoute au nombre de populations malmenés dans tous les corps sociaux (ouvriers, employés, enseignants, chercheurs, infirmières et même policiers, juges …) d’où des sondages de second tour toujours très défavorables à Sarkozy. Ayant réussi à éliminer tous les autres candidats de droite, ce qui explique cette embellie partielle et son espoir pour le 1er tour, il lui faudrait à attirer dans le même mouvement l’essentiel des électeurs de Marine Le Pen et de ceux de François Bayrou pour gagner au second tour. On en reste loin.
Devant la possibilité de l’échec, les confidences du candidat-président se sont faites d’abord sur le mode « même pas mal ». Dans le point "J'ai 56 ans, je fais de la politique depuis 35 ans, j'ai un métier (il est avocat, NDLR), je changerai complètement de vie, vous n'entendrez plus parler de moi si je suis battu". Il gagnerait beaucoup d’argent, aurait une semaine de 3 jours du mardi matin au jeudi soir. Quant à l’UMP, « Je préfère encore le Carmel, au Carmel au moins, il y a de l'espérance ! »
Mais le matamore a compris que ses troupes étaient révulsées par pareil cynisme, il reprend donc la confrontation dans le registre cour de récréation « Sarkozy : “Je vais exploser Hollande”.
Les possibilités de l'autosuggestion sont sans limites. Elles ont été mises en scène sur la gestion de la crise de l’Europe, qui serait désormais « dotée d'un gouvernement économique », sur la fin des paradis fiscaux. La crise financière est terminée et la reprise économique est amorcée, déclare-t-il dans une interview au quotidien régional Ouest France le 27 mars.
Un président irresponsable
C’est hélas le statut du président français dans la 5e république, une exception dans les pays démocratiques. Quel contraste avec l’Allemagne où un président de la république vient de démissionner dans le silence fracassant des médias français pour un prêt à un taux préférentiel.
Sarkozy met en scène un discours incantatoire de la volonté tout en faisant des commentaires comme quelqu’un qui n’a pas de responsabilité.
Il découvrirait une « d’immigration incontrôlée » alors qu’il est en charge de ces questions depuis dix ans. Tous les jours c’est un nouvel étonnement sur ce qu’il disait maitriser et pour lequel il a légiféré à répétition sans résultat.
On attend moins de gesticulations de celui qui parlait de la « république exemplaire » et plus de vérité sur des financements de deux campagnes électorales qu’il a connu de près. Celle de 1995 pour Balladur avec l’affaire Takkiedine, celle de 2007 avec l’affaire Woerth-Bettencourt.
Voulons nous à nouveau 600 milliards de déficit en 5 ans ans ? Voulons nous des affaires étouffées et une justice aux ordres ? Voulons-nous un million de chômeurs de plus ? Voulons-nous une Europe qui s’enferme dans la récession et l’austérité ?
Et si on veut un président différent, pourquoi faudrait-il reprendre celui qui nous disait déjà en 2007 « j’ai changé ». Il faut changer de président !
Enfin il y en 2012 face à Sarkozy avec François Bayrou ou François Hollande une autre approche de la responsabilité politique inspirée plutôt de Mendès-France, un dialogue social restauré, un nouveau contrat démocratique, un respect des partenaires sociaux, des médias et de la justice, la fin de la régression autocratique, une mise en cause de la corruption, une France remotivée.
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