La nation française risque de disparaître
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1) Une légende veut que les tendances observées aux Etats-Unis se reproduisent en France et en Europe avec un décalage de quelques années, dix sans doute, pendant les Trente glorieuses qui virent le jean se populariser, avec le coca et l’arrivée de premiers Mc Do. Cette légende est en partie vraie et pour une autre partie fantasmée. Ce sont les traits superficiels qui se propagent. La société américaine a commencé à être divisée il y a 20 ans, la tendance s’est renforcée avec le double mandat de GW. Bush et la crise financière, conséquence et non pas cause de la fracture sociale économique. L’élection de Donald Trump a confirmé et amplifié la division. La France n’est pas exemptée de division, on l’a vu avec les gilets jaunes.
2) La division sociale est visible en France depuis au moins une décennie. Mais l’observateur français ayant une propension à se voiler la face et à croire ce qu’il veut voir et non pas ce qui est, ces fractures ont été en partie masquées. Même si elles ont réapparues à l’occasion de la crise des gilets jaunes et plus récemment avec l’attentat près des anciens locaux de Charlie. Par la voix de son président, le pouvoir en place a employé le mot de « séparatisme » et lancé comme de coutume un énième projet de loi pour combattre le séparatisme au sens général tout en visant essentiellement les gens de confession musulmane. Le mot séparatisme est généralement utilisé dans le domaine de l’idéologie. Il est employé de manière illégitime, même s’il désigne une réalité sociale. Mais la fracture ne se résume pas à une seule religion opposée à une nation unie. La France est divisée en couches sociales, en zone géographique, en secteurs économiques, avec des gens protégés, retraités, fonctionnaires, salariés dans les grandes industries, et toute une frange diversifiée de populations exposée, chômeurs, indépendants, SDF, étudiants pauvres, stagiaires, délaissés, déclassés. Il n’y a pas que ça, les Français sont aussi divisés sur des questions de société, la PMA, le féminisme, les ressentiments anticolonialistes, le climat. Sur les plateaux médiatiques, les analystes, politiciens, observateurs et autres intellectuels se déchirent parfois lors de joutes verbalement violentes.
Ici une brève édifiante récupérée sur le Net : Climat : l’avis d’un politique « Lorsqu’on entend des mots comme « négationnistes du climat », « écocide », etc., il faut bien admettre qu’on a basculé du débat scientifique dans une intolérance inquiétante et une forme de pensée totalitaire, au mieux une religion. Il y a les croyants et les hérétiques. »
3) La crise sanitaire n’a fait qu’aggraver la situation et confirmer l’état lamentable de la société française incapable de débattre, affolée par une épidémie maintenant maîtrisée. Les anti-masques jugés comme ennemis de la société, complotistes, fachos. Maintenant qu’un groupe de scientifiques s’est constitué en résistance face au conseil scientifique du régime et aux voix officielles, les médias opposent les alarmistes aux rassuristes, preuve s’il en est d’une nouvelle division, cette fois dans le domaine des professions de santé et de la science. Nous vivons une sorte de guéguerre de tous contre tous qui n’a rien de commun avec la conjoncture décrite par Hobbes au XVIIe siècle. Le principe de la Nation devant unir les Français s’est affaibli, pour ne pas dire qu’il est devenu pratiquement inexistant. La responsabilité de cet effacement est collective, même si cette disparition doit être imputée pour l’essentiel aux élites. La nation française est sur la voie de la disparition. La fracture économique s’amplifie. 20 % des ménages sont à l’origine de 70 % de l’augmentation de l’épargne après le confinement. Il n’y a plus d’équité sociale, plus d’horizon commun, de valeurs partagées et visées. La nation française risque de disparaître au profit d’une société d’un genre nouveau. Les Français se sont aplatis face aux restrictions non justifiée traduisant un abus de pouvoir du régime. La nation disparaîtra si les Français restent divisés, egoïstes et se soumettent à un ordre autoritaire. Elle en a pris le chemin. L'ampleur de la fracture sociale dépasse de loin la crise dans les systèmes de soins liée au Covid. Un régime qui sacrifie une partie de la société ne défend plus la nation, pas plus qu'un peuple qui consent à cette situation. (à suivre, peut-être)
Extrait de mon essai non publié sur le choc des mythes et des Etats-machines. Des lignes faussement prémonitoires en résonance avec la crise du Covid. Il n'y a pas eu de masques jaunes pour contester la politique sanitaire. Les gilets jaunes furent le dernier sursaut de la nation comme peuple avançant vers un destin improbable :
Un autre dispositif mythologique doit être formulé pour fonder l’unité matérielle et spirituelle des hommes appartenant corps et âme à une nation. Le mythe de la nation présenté dans la troisième partie du discours de Renan commence ainsi : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. L’homme, Messieurs, ne s’improvise pas. La nation, comme l’individu, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes ».
Le mythe de la nation s’achève par des lignes que nos penseurs accrédités par le pouvoir considéreraient comme suintant le populisme. Ces lignes ne sont-elles pas prémonitoires, prophétiques, n’annoncent-elles pas un différend entre le pouvoir étatique et le monde périphérique des populations formées de gens de peu. Des gens ayant il y a peu revêtu un gilet jaune pour défier les élites gouvernantes. Je reproduis ces lignes en les offrants à l’appréciation de chacun :
« Tant que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté, elle est légitime, elle a le droit d’exister. Si des doutes s’élèvent sur ses frontières, consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d’avoir un avis dans la question. Voilà qui fera sourire les transcendants de la politique, ces infaillibles qui passent leur vie à se tromper et qui, du haut de leurs principes supérieurs, prennent en pitié notre terre à terre. « Consulter les populations, fi donc ! Quelle naïveté ! Voilà bien ces chétives idées françaises qui prétendent remplacer la diplomatie et la guerre par des moyens d’une simplicité enfantine. » ― Attendons, messieurs ; laissons passer le règne des transcendants ». Les transcendants de la politique, quelle belle formule pour désigner la haute administration qui décide ce qui est bon pour le pays en se réclamant de la légitimité démocratique en comptant sur une Assemblée docile qui obéit à la transcendance jupitérienne.
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