La pénalisation arbitraire des lanceurs d’alerte
Le Droit d’alerter, en cas de situation de fait illégale portant atteinte à l’intérêt général, n’est pas un principe juridique reconnu. Ce Droit qui aurait dû être un Devoir n’est ni l’un ni l’autre en pratique étant donné que la personne qui divulgue des informations confidentielles, pour le bien commun, est poursuivi par les instances judiciaires pendant que les véritables coupables se muent en partie civile en plus de ne faire l’objet d’aucun procès pénal dans lequel ils seraient amenés à rendre des comptes. En effet, la situation très critique d’un très grand nombre de lanceurs d’alerte après avoir rendu public des situations de fait qui nuisent gravement à l’intérêt général montre au combien tout est inversés. Les coupables se font passer pour des victimes devant une justice aveugle et les agissements courageux et héroïques des personnes qui se mesurent à plus fort qu’eux sont poursuivis pénalement. Le système judiciaire est donc prêt à jeter en prison des honnêtes citoyens et à surprotéger des kleptocrates. Ainsi, les lanceurs d’alertes connaissent rarement un dénouement heureux comme cela a été le cas d’Erin Brockovich à propos du chrome hexavalent, provenant de la société PG&E et ayant atterri dans de l’eau potable à Hinkley.
Voici quelques lanceurs d’alerte qui auraient dû bénéficier de mesures de protections au lieu d’être mis au banc des accusés :
Snowden a dû fuir son pays d’origine suite aux accusations de haute trahison. Il s’est réfugié à Hong Kong puis a immigré en Russie. Il a par ailleurs demandé un droit d’asile à un ambassadeur équatorien. L’administration Obama a révoqué son passeport faisant de lui un apatride. La surveillance de masse a repris son cours au grand damne des citoyens qui s’opposent vainement à ce genre de pratique sans se mobiliser vraiment. En effet, les citoyens finissent par banaliser l’inacceptable même si ils sont les premiers à condamner les faits que Snowden a dénoncé.
Julian Assange, quant à lui, est poursuivi pour espionnage. Le fondateur de wikileaks, s'est réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres.
Raphael Halet et Antoine Deltour, connus pour avoir rendu public les pratiques d’évitement fiscal de beaucoup de firmes transnationales, ont été poursuivis par la justice luxembourgeoise alors qu’aucune multinationale, concernées par ces fuites d'informations, n’a été jugé pour évasion fiscale. Ces deux lanceurs d’alerte ont été condamnés à 18 mois de prison en plus de devoir payer une amende lourde ayant entrainé la confiscation de leurs biens.
Hervé Falciani a, quant à lui, copié, puis dévoilé publiquement l’identité de 130 000 détenteurs de compte en Suisse non déclaré provenant de la banque HSBC. Accusé d’espionnage économique par le tribunal fédéral de Bellinzone, il a été condamné à 5 ans de prison.
Ces affaires nous rappellent que le système est entaché d’une corruption indélébile. Les nouveaux arrivants qui disposent de prérogatives importantes sont facilement achetables car ils finissent toujours par comprendre que plus ils se salissent les mains plus ils s’élèveront professionnellement. Même en sachant que les grands de ce monde ont tous les torts, ils maniganceront pour que la Justice les blanchisse. Quant aux citoyens honnêtes bravant un interdit au nom de l’intérêt général, les puissants, en situation d'irrégularité, les persécuteront sans relâche en leur faisant payer la fuite d’information qui met en péril leur business criminel. Les personnes démasquées par les lanceurs d'alerte instrumentalisent le droit pour qu’il statue à leur avantage. Les normes juridiques qu’ils invoquent, deviennent une arme redoutable. L’usage sournois du droit immunise les puissants pourtant largement condamnables et pénalise des innocents qui ont transgressé légitimement des règles qui n’ont plus aucune valeur le jour où une société ou autre instance étatique représente un danger pour l’intérêt général. Des lois, des accords bilatéraux ou autre diktats sont imposés par des géants ploutocrates pour des géants ploutocrates. Ces derniers écrasent, sans scrupules, des peuples entiers. Outre les faits implacables, les publications des lanceurs d’alertes, certifient qu’on est, entre autre, tantôt des citoyens surveillés, tantôt des consommateurs empoisonnés. Les autorités judiciaire et administratives qui ont le pouvoir de statuer, d’intervenir pour que ces pratiques cessent, se retournent contre le citoyen engagé qui a osé les dénoncer pacifiquement des faits illicites.
La population assiste plus ou moins passivement à la dégradation de ses droits les plus élémentaires. Les puissants de ce monde ne font pas que se croire au dessus des lois. Cet instinct de prédateur se répercute dans leurs actes. Les personnes compétentes et habilitées à juger leur conduite délictueuse ou/et criminelle, refusent de les condamner. Se percevant comme des surhommes, ils méprisent les peuples qu’ils considèrent, traitent comme si ils étaient des sous-hommes. Autrement dit, ils se prennent pour les maîtres du monde. Pendant qu’ils exploitent, manipulent, trompent les populations, les lanceurs d’alertes assurent un devoir de transparence en déclenchant la sonnette d’alarme. Etant donné que les lanceurs d’alerte se mettent au travers de leur chemin, ils sont écartés de la société de différentes façons au motif qu’ils ont refusé de se taire. Parce que les lanceurs d'alerte ont brisé la loi du silence, ils subissent la loi des plus fort mais aussi la loi du talion au sein même des Etats qui se revendiquent Etats de droit.
Une forme de Désobéissance civile, élevée au rang d’héroïsme par la population, est considéré comme de la traitrise par l’organisme, l’institution ou l’industrie dont les pratiques illicites et immorales sont révélées au grand jour. Notre société va tantôt dissuader ce genre d’initiative citoyenne, relevant normalement d’un devoir civique, qui consiste à transgresser une loi au profit d’un principe juridique supérieur à cette dernière. Conditionnés depuis le plus jeune âge à obéir, se conformer, suivre n’importe quelle norme ou règle venant de « plus haut », nous apprenons donc toute notre vie à être docile, à nous soumettre à une autorité sans réfléchir a posteriori si cette dernière est juste, équitable, modérée. Toutes les normes ne se valent pas. Des principes, des lois sont invoqués dans diverses circonstances afin de cautionner l’inadmissible et maintenir en place des états de fait inégalitaire, ségrégationniste ou discriminatoire. Ne pas remettre en cause l’autorité devient, dès lors, un problème le jour où les autorités abusent de leurs pouvoirs. Les rapports de domination tendent les personnes subordonnées à l’autorité à se libérer de toute responsabilité. Ainsi, chaque citoyen qui exécute des ordres immoraux et passibles de sanctions pénales ou bien qui prend connaissance de certaines pratiques illicites doit opérer un choix. Soit il ferme les yeux et est complice de ces malversations soit il se mue en lanceur d’alerte. N’oublions pas que l’expérience Milgram nous montre un pourcentage extrêmement élevé de personnes qui auraient tué un être humain si les chocs électriques avaient vraiment été administrés.
Que vaut le secret défense quand celui couvre des individus qui commettent des actes de barbarie innommables ? Quelle valeur peut bien avoir le secret des affaires quand celui-ci abrite des scélérats qui fraudent outrageusement le fisc ou bien détruisent la santé des consommateurs ?
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