Une des constantes que l’on peut tirer de l’observation des médias en général, en ce qui concerne leur approche de la politique française, c’est le traitement très différencié qu’ils accordent à Dominique Strauss-Kahn et à Ségolène Royal, et ce depuis plusieurs années. Pourquoi ont-ils, dans leur ensemble, développé une approche quasi inversée de ces deux personnalités politiques et qu’elles peuvent en être les conséquences ?
Commençons par DSK. Depuis environ trois ans les médias dominants ont entamé une campagne qui devait initialement changer son image en le faisant connaître sous un jour plus avantageux, puis habituer le public à le voir comme un présidentiable, avant de le propulser vers l'Elysée (1). Et l'accession de ce dernier au poste de directeur du FMI a aidé les médias impliqués dans cette campagne à donner à DSK une stature présidentielle en élaborant une image axée sur la crédibilité, le sérieux, la compétence et la responsabilité alors que jusque là DSK était perçu par beaucoup comme un dilettante, un opportuniste et un séducteur (2).
Il n’est pas difficile de s’apercevoir que cette campagne de presse s'appuie largement sur les sondages. Après avoir mis en avant les qualités qu’ils ont attribuées à DSK en tant que directeur du FMI, ces médias ont mandaté des instituts de sondages pour poser des questions d’opinions dont les réponses étaient contenues dans les termes leur propre campagne. Et comme la plupart des gens n'avaient pas d'opinion sur DSK - et beaucoup n'en ont probablement pas encore -, les sondeurs, en insistant un peu - et ils insistent toujours en cas de non-réponse (3) - ont obtenu les réponses suggérées par les nombreux articles publiés sur DSK dans ces médias (4).
Ils ont même eu la prudence de mettre en place une opération inverse à l'encontre de Ségolène Royal, en insistant systématiquement sur ses défauts présumés, ce qui a permis aux sondeurs d'obtenir le plus souvent des moins bons résultats pour elle lorsqu'ils posaient les mêmes questions que pour DSK. Ainsi dans cette campagne, elle devenait l’incapable, l’imprévisible et l’ambitieuse irresponsable, tandis que DSK était dépeint en homme raisonnable, compétent, responsable, dont on pouvait attendre qu’il se dévoue à son parti et la France, mais surtout vainqueur potentiel de l’élection présidentielle (4) (alors que les 90 à 80% d’indécis refusent encore de répondre) (5). Quand on connaît leur carrière respective, on se rend compte de la supercherie d’une telle classification.
À noter que la notion de changement était absente – et l’est toujours - de cette campagne lancée initialement par les médias de droite qui soutenaient déjà Sarkozy et qui le soutiennent encore (6).
Le message des médias était donc très clair et il faisait suite à ce que certains n’ont pas hésité à qualifier de lynchage à propos de Ségolène Royal, c’est-à-dire une tentative de démolition systématique de son crédit politique par la plupart des éléphants du PS, dont DSK, et ce dès le soir de sa défaite (7). Progressivement, c’est l’ensemble des médias dominants, y compris ceux de gauche, qui ont appuyé les attaques des éléphants du PS contre S. Royal et notamment après les tricheries du congrès de Reims qui leur ont permit de placer Martine Aubry à la place de S. Royal (8).
Il faut dire propos des médias ce que Maurice Szafran a rappelé récemment, c’est-à-dire combien ils ont « haï » S. Royal dés qu’elle est devenue une figure politique importante, alors qu’elle le devait à un véritable intérêt de la population à l’égard de son engagement (9), intérêt qui est d’ailleurs loin d’avoir disparu puisqu’aujourd’hui elle fait « salle comble » dans toute la France dans le cadre de sa campagne des primaires socialistes (7).
Nous avons bien affaire ici à ce que N. Chomsky appelait La fabrication du consentement et qui s’opère à partir de la collusion des médias et des milieux financiers et industriels qui les possèdent, et se développe grâce à un traitement biaisé de l'information au service des élites politiques et économiques ; et ce pour obtenir ou interdire des choix de la part de la population (10).
Les médias dominants ont donc fournit un long et répété effort pour éliminer politiquement quelqu’un qui propose de véritables changements et qui avait – et a probablement encore- obtenu le soutient d’une partie non négligeable de la population, et imposer à la place quelqu’un qui a donné la garantie aux élites économiques que la politique qu’ils souhaitent voir appliquer le soit (11), mais qui n’avait aucun soutient au sein de la population.
Par Gaël Michel
Notes :