La privatisation de La Poste
Le « Comité contre la privatisation de La Poste » s’est lancé dans une « consultation citoyenne » de grande ampleur. Si l’initiative est novatrice et ne manque pas d’intérêt, si l’objet de cette démarche est grave et mérite effectivement une mobilisation populaire, ses auteurs, ne serait-ce que pour lui donner une plus grande crédibilité, n’auraient pas dû s’affranchir des règles méthodologiques applicables à tout sondage d’opinion.
Comme chacun, j’ai très tôt été bombardé de messages médiatiques m’informant de la "consultation citoyenne" organisée "à l’initiative du Comité contre la privatisation de La Poste". Ne souhaitant pas que ce service public soit privatisé, et redoutant que le gouvernement se lance dans une démarche qui tôt ou tard entraînerait cette privatisation, je m’enquis immédiatement des lieux de vote dans la ville de Perpignan, où je réside.
Avec surprise, j’attendis jusqu’à ce samedi pour trouver un emplacement au centre-ville. Je me suis emparé d’un bulletin de vote et j’ai lu la question à laquelle on me conviait de répondre. Elle était intitulée ainsi :
"Le gouvernement veut changer le statut de La Poste pour la privatiser, êtes-vous d’accord avec ce projet ?"
Les modalités de cette question fermée étaient OUI et NON.
J’ai immédiatement remis mon bulletin sur la table, et je n’ai pas voté, à mon grand regret. Pourquoi ? Parce que la question est biaisée et intellectuellement malhonnête. Je ne voudrais pas, comme sociologue, passer pour un donneur de leçons, mais un sondage, pour être crédible, doit obéir à certaines lois et à certains principes méthodologiques et éthiques.
Lorsqu’on demande au peuple de se prononcer sur un texte ou sur un projet, l’honnêteté exige qu’on reproduise, si ce n’est dans la forme, tout du moins dans un esprit de parfaite rigueur ce texte ou ce projet. Or que contient la formule sur laquelle j’étais appelé à me prononcer ?
1. L’affirmation que le gouvernement voulait changer le statut de La Poste pour la privatiser ;
2. Une question portant sur mon opinion sur cette affirmation.
La rigueur scientifique aurait dû commander de rapporter que le gouvernement, par la voie d’un grand nombre de ses ministres, et avec vigueur, s’était défendu de vouloir privatiser La Poste. Qu’on le croie ou non n’est pas la question. Puisqu’on demande au peuple de voter sur une intention de son gouvernement, reproduisons-la telle que celui-ci a défendu son projet, sans la déformer. Par exemple on aurait pu écrire :
Le gouvernement veut ouvrir davantage le capital de La Poste au secteur privé. Etes-vous d’accord avec ce projet ?
Ou encore :
Le gouvernement veut ouvrir davantage le capital de La Poste au secteur privé. Il se défend de vouloir à terme la privatiser. Soutenez-vous son projet ?
On pourrait multiplier les libellés. Mais celui qui fut utilisé par le "Comité national...", par son caractère partisan, a incontestablement pris la forme d’une question biaisée à laquelle il me fut malheureusement impossible de répondre. J’en suis navré.
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