La résistible montée de Jean-François Copé ou la fin programmée de l’UMP

La vague bleu Marine est un fait qui oriente ou détermine, comme pour un champ magnétique, l’ensemble du monde politique hexagonal. Mais un tel phénomène sociologique et politique est-il réellement appelé à durer ?
En 2004, le FN était présent dans 1850 cantons et a obtenu 1 490 315 voix soit 12,13% des suffrages et 12,79% là où il était présent. Grâce à ce résultat, il avait été en mesure de se maintenir dans 276 cantons : 4 quadrangulaires, 215 triangulaires, 41 duels et 16 duels droite/FN.
En 2011, le FN était présent dans 1450 cantons seulement et à obtenu 1 379 902 voix soit près de 15,2% des suffrages et 19,5% ou il était présent. Le FN s'est maintenu dans 403 cantons : 0 quadrangulaires, 5 triangulaires, 394 duels (266 gauche/FN et 128 droite/FN). Au second tour, la moyenne exprimée "dans" les cantons ou on « pouvait » voter FN (soit 403 cantons) avoisine 36%. Si l'on ne prend que ces 403 cantons, les candidats FN y ont totalisé 620000 voix aux premier tour, et 915000 au second, soit 50% de progression, avec une augmentation moyenne identique selon que opposé à un candidat « de droite » ou « de gauche »*.
Si l’on se réfère aux sondages qui ont précédé et suivi les deux tours des élections cantonales, une conclusion brutale s’impose : a priori M. Sarkozy est politiquement perdu. Le dernier sondage CSA est d’ailleurs clair à ce sujet en indiquant que 72% des électeurs croient que Sarkozy ne sera pas réélu ! Mais s’il cherche, ce qui serait son derniers recours possible et envisageable, une alliance ou un compromis avec le Front national, le parti de la majorité présidentielle, l’UMP, devrait en toute logique éclater, d’autant que le sondage précédemment évoqués indique que 56% des sympathisants UMP sont à ce jour hostiles à tout rapprochement avec le FN.
Certains ralliant alors le Nouveau Centre conduit alors par Jean-Louis Borloo ; d’autre plus nombreux se rassemblant derrière Jean-François Copé, l’homme fort de ce mouvement hétérogène qu’est essentiellement l’UMP, à savoir une simple coalition d’intérêts à court terme. Une faiblesse rédhibitoire dès lors qu’un vent de panique commencera à souffler et que s’enclenchera le sauve-qui-peut précédent le démantèlement d’une structure fourre tout, un assemblage disparate d’égoïsmes et de carriérismes habillés de tous les oripeaux de la pensée unique et de la bien pensance républicaine.
Jean-François Copé qui a su jusqu’ici cacher son jeu aux yeux du grand public, est et restera en principe immuablement opposé au Front national, non par principe mais plutôt de façon « ontologique ». Il s’agit en effet pour M. Copé d’un rejet « viscéral » manifeste lorsqu’il ostracise le Front, autrement dit le désigne comme paria politique en le déclarant « hors du champ républicain ». Une haine absolue qui étonnamment ne surprend personne, surtout pas les professionnels médiatiques de l’indignation vertueuse. Ici ce ne sont plus des adversaires qui s’affrontent mais des ennemis dont la vision du monde n’est cependant pas, paradoxalement, si éloignée que ça comme le débat sur l’Islam et la laïcité peut le montrer. Débat qui par ailleurs a été l’occasion de révéler la profonde fracture existante au sein la majorité.
Les positions relatives au Front national viennent à point pour nous éclairer sur l’actuelle cartographie politique majoritaire. Fillon, Premier ministre oblige, peu avare de petites phrases le distanciant de son patron, appelle à « voter contre le FN ». Traduit en clair, cela signifie qu’il fera élire Strauss-Kahn, confortant ce que par dérision l’on nomme aujourd’hui l’UMPS tant les hommes semblent interchangeables dans le cloaque gauche-droite. Jean-Louis Borloo, fausse droite et vrai faux cul, affiche le même choix avec cet avantage de pouvoir tomber à gauche ou à droite selon les circonstances. Le président Sarkozy se prononce lui pour le Ni-Ni, ni Front républicain, ni alliance avec le Front, une position relevant de la sophistique, évidemment intenable au regard de l’effondrement sa cote de popularité.
Enfin, le secrétaire général de l’UMP, Copé qui en principe se préparait pour 2017 mais qui les circonstances aidant (la dévaluation accélérée de Nagy-Bocsa) sera peut-être, pour ne pas dire certainement, contraint de sortir du bois. Redoutablement intelligent, animal à sang-froid, François Copé ne fera aucune concession, surtout à la droite nationale. Une intransigeance sans appel qui est celle d’une sorte de likoudiste à la française et qui se trouve être est la dimension première d’une ambition sans limites.
Il n’en demeura pas moins que la “fracture” de l’UMP est désormais quasi irréversible et qu’en toute logique elle se trouve condamnée à s’aggraver au cours de mois qui viennent ! Certes François Copé fera certainement tout pour masquer le plus longtemps possible un fossé qui va s’élargissant afin de conserver à son parti un semblant d’unité, au moins de façade. Reste cependant à savoir jusqu’où il pourra maintenir le grand écart ?
Pendant ce temps, la Présidence connaît revers sur revers, à l’intérieur avec sa défaite cuisante aux cantonales, à l’extérieur avec un conflit libyen menacé d’enlisement (sauf intervention terrestre, non prévue mais possible afin de curer l’abcès au plus vite) à propos duquel les rodomontades de l’Élysée et du Quai d’Orsay ont fait long feu. Paris, aujourd’hui implicitement désavoué, s’était voulu le promoteur d’une « croisade » (dixit M. Guéant ci-devant ministre de l’Intérieur), et se retrouve maintenant à la traîne dans une affaire récupérée par les États-Unis - qui en étaient les véritables commanditaires – et transférée à l’Alliance Atlantique et ce, sans aucun égard pour l’image de marque élyséenne. Vient à présent se surajouter la crise ivoirienne et l’intervention désormais impossible à cacher de la force Licorne au profit exclusif du camp Ouattara. Une ingérence dont il faut attendre un discrédit aggravé pour la présence et l’influence françaises sur le Continent africain.
L’invasion américaine de l’Irak en 2003, sous prétexte d’un menace imminente par des armes de destruction massive à l’arrivée totalement imaginaire, avait permis à G.W. Bush de retrouver un semblant d’aura auprès de l’opinion américaine. Pour M. Sarkozy démocrate grandiloquent et agité du bocal en Afrique, l’illusion aura duré à peine une courte semaine et sans impact positif, au contraire, sur une consultation électorale psychologiquement importante à un an de l’échéance présidentielle.
M. Sarkozy est non seulement nul dans la gestion des affaires franco-françaises mais il montre une véritable incapacité à définir et adopter une politique cohérente face aux crises multiples auxquelles nous devons aujourd’hui faire face. Gardons également à l’esprit qu’à ce jour l’armée française est engagée sur trois fronts : Afghanistan, Libye, Côte d’Ivoire, ce qui fait beaucoup pour un pays au bord de la faillite. Or, même s’il est difficile d’interpréter quelles seront les conséquences des actuelles convulsions du monde arabe, il serait cependant urgemment nécessaire de se préparer aux contrecoups de ces raz-de-marée populaires qui balayent actuellement un Orient extrêmement voisin de nos frontières. Un danger sans doute plus grave, plus proche dans le temps et l’espace que les particules dispersées dans la haute atmosphère par la centrale de Fukushima.
Mais M. Sarkozy n’est pas seul à méconnaître les dures réalités de la vie politique internationales. Que nous apprends JSSNews qui publie depuis le 30 mars l’intégralité de l’entretien des journalistes Stéphane Calvo et Matthias Inbar avec la nouvelle présidente du Front national, Mme Le Pen, pour la radio israélienne 90FM ? Que « Si Marine Le Pen s’est révélée être plutôt bien préparée pour répondre à bien des questions sur la politique intérieure de la France, dès qu’il s’agit de politique internationale, on se rend vite compte de l’inconsistance de sa vision des choses » !
Comprenons que l’Europe aux premières loges d’un monde en ébullition, risque bien de récolter ce qu’elle a semé d’atermoiements, de démissions, de double langage toutes ces dernières décennies… Tous ces renoncements, toutes ces défaites intellectuelles et morales qui nous condamnent à chevaucher le Tigre sans savoir si nous serons en mesure de le dompter ou bien s’il nous dévorera tout cru ? Dans le même ordre d’idée l’État hébreu serait bien inspiré de ne pas se réjouir trop vite d’une éventuelle chute de l’homme fort syrien, Bachar el-Assad. Ceci, parce que personne ne peut prédire qu’elle sera l’issue d’une nouvelle guerre ethnique à l’est de la Méditerranée. Laquelle se déclenchera automatiquement si le parti Baas et la minorité alaouite au pouvoir depuis 1964, se trouvent brutalement expulsés d’une direction des affaires qui assurait à Israël une difficile, mais réelle stabilité, indépendamment du soutien syrien au Hezbollah libanais.
Empêtrés dans les problèmes causés par une déstabilisation croissante du Maghreb et du Machrek, et maintenant de l’Afrique de l’Ouest, avec une présidence affaiblie et surtout déconsidérée à l’extrême, l’on serait finalement légitimement en droit d’attendre que le Front national, de facto deuxième parti de France (au moins dans les sondages), apporte quelques réponses pertinentes à des crises angoissantes, qui frappent à coups redoublés et menacent d’enfoncer la porte.
* Chiffres collectés par Alexandre Latsa
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