La révolution est-elle possible en ce moment ?
Le projet de loi El Khomri a mis le feu à une poudrière. La politique du PS est contestée « sur sa gauche » par des syndicats et des associations, même l'UNEF et le MJS qui sont pourtant, en théorie, assez proche de la ligne politique du parti. Seulement voilà il y a un décalage entre le gouvernement et ce qu'on pourrait appeler les gens de gauche ou même de centre-gauche. Plus que la loi en soi, Hollande pourrait se prendre en retour de bâton toutes les réformes qu'il n' a pas mise en place contre son ennemi n°1 : la finance. Notre président était censé inverser la courbe du chômage et remettre l'économie dans le droit chemin, nous voyons aujourd'hui l'ampleur de l'échec... Au bout de 40 années d'échec je crois qu'on peut tous considérer que la gauche comme la droite du gouvernement sont incapables de faire face aux problèmes actuels et de redresser la France. Dans une démocratie normale quand un parti échoue l'opposition critique intelligemment et prend le relais. Sauf que... attendez... en ce moment les deux partis d'alternance échouent... La porte s'ouvre donc aux autres partis. On se retrouve avec une pléthore de petits partis qui ont, pour la plupart, des idées intéressantes mais dont tout le monde s'en fout parce qu'on ne les voit pas à la télé et ne peuvent donc pas faire de score honorable. Et puis il y a le grand méchant FN, bête immonde super-médiatisé pour servir de repoussoir car il y a un vrai tabou sur ce parti dans les classes moyennes (merci Mitterrand). Ce tabou est tellement puissant qu'on peut franchement penser que l'illusion d'alternance gauche-droite peut continuer encore et encore pendant plusieurs décennies. Du coup on peut légitimement se demander si dans notre système actuel (merci les médias) le changement par les urnes ne serait pas, comment dire, bloqué. Voyons donc la possibilité de changement « par la rue », sorte de révolution pacifique.
Déjà on sait que traditionnellement les gens sortent par réaction. Ainsi on a vu la contestation dans la rue par des « gens de droite » lors de la manif pour tous ; et de façon plus commune par des « gens de gauche » contre des lois néo-libérales (sur les retraites, l'économie, aujourd'hui le travail...). Sauf que concrètement on n' a pas eu de manifestation d'attaque. Les manifestants sont toujours sur la défensive, ils réclament le retrait de tel loi, la démission de tel homme politique mais rien de plus (en fait mercredi dernier il y avait des manifestants réclamant les 32h et pour ma part j'avais un panneau réclamant le revenu de base, mais ces initiatives sont des exceptions). Or tous les Français veulent des réformes, mais pas les mêmes, et surtout rarement celles proposées par les élites du gouvernement... Et puis ces lois sont clivantes, faites pour l'opposition gauche-droite parce qu'il y a une partie de la population qui était favorable au mariage pour tous (la majorité des français vraisemblablement même si faute de référendum on ne saura jamais vraiment) et qu'aujourd'hui il y a une partie de la population qui est favorable à au moins une réforme du code du travail. Bref on se prend la tête sur des sujets finalement assez bénins par rapport aux grands tabous politiques.
En effet, peut on encore parler de démocratie alors qu'il y a un tabou au sein des élites des grands partis sur plusieurs sujets qui pourtant devraient intéresser et même, je crois, rassembler les Français : la construction européenne (en ce moment plutôt la déconstruction), la politique économique, et nos institutions (car si la démocratie a failli c'est bien qu'on a aussi un problème institutionnel) ? Il y a quand même une idée, un mot d'ordre qui rassemble peu importe les opinions politiques (ou presque bien sûre...) : la Démocratie, le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple. C'est là qu'on aurait un intérêt commun. On devrait demander avant tout la souveraineté populaire qui pourrait se caractériser par une loi très simple : la possibilité de gouvernement du peuple par « pétition-référendum ». Je m'explique :
Le gouvernement par pétition-référendum consiste à ce que des associations mettent en place des pétitions qui proposent des projets de loi. Dès qu'une pétition passe un certain cap, prenons 1 million de signatures par exemple (pour être honnête on devrait aussi forcer les médias, audiovisuels notamment, à présenter les pétitions dépassant les 100 000 signatures mais c'est un autre débat), l’État serait obligé de faire un référendum et de se plier à la majorité (je sais que c'est difficilement pensable vu le sort du dernier référendum mais faisons un petit effort ;-) ).
Du coup le but des manifestations actuelles ne devrait pas, ou pas seulement, être de réclamer le retrait du projet de loi El Khomri, mais carrément de demander la souveraineté populaire. Parce qu'à partir de là tout devient possible. On pourra poser sincèrement la question de l'avenir de l'Union Européenne, de l'euro, de nos institutions (une 6ème république ? :-) ) ou même présenter des réformes économiques et financières comme la taxe Taubin, la nationalisation des banques, une annulation partielle de la dette publique etc... (je milite personnellement pour le revenu de base mais je ne suis pas un radical, je voudrais juste qu'un débat soit posé et aboutisse à un référendum). Or bonne nouvelle demander à ce que le peuple décide de ce qui est bien pour lui ça rassemble aussi bien les gens de gauche que ceux de droite, et même ceux du centre ou encore les peu politisés. En fait toute la « masse silencieuse » qui se laisse marcher dessus depuis trop longtemps déjà pourrait enfin se montrer sans avoir peur de se faire remarquer, de défendre une opinion trop ci ou ça, pas assez consensuel ou je ne sais quoi.
C'est là que je m'interroge sur les modalités, les possibilités de faire cette manifestation/grève/marche. Parce que pour qu'un tel événement se produise il ne faudra pas juste qu'un type mette un jour un statut facebook du style « et si on allait demander la démocratie tous ensemble ? Partagez et suivez moi, rendez-vous demain rue de la République ». Non. Il faudra un élément déclencheur. Je ne sais pas quel est cet événement, désolé. Vu que la France ne s'est pas révoltée lors du traité de Lisbonne (oui lorsque nos élites ont décidé de ne pas respecter le résultat du référendum sur la constitution européenne...) on sait juste qu'il faudra que ce soit du lourd parce que notre pays paraît incroyablement frileux et conservateur... Avant de finir l'article je vais juste envisager ici la possibilité, ou non, de détourner la manif' contre la loi El Khomri pour la faire aller plus loin, comme je viens de l'expliquer.
Pour l'instant les manifestants sont avant tout des personnes syndiquées et des étudiants. Dans les rues on voit surtout des drapeaux (ou divers signes d'appartenance tels que des voitures, des ballons etc...) aux couleurs desdits syndicats. Ces personnes sont mobilisées par les réseaux habituels avec des tracts ou incitations sociales diverses dans les facs et les lycées. Dans les assemblées générales des facs on a donc des syndicalistes qui crachent (et ils ont bien raison) sur Valls, la politique du gouvernement, la loi El Khomri, et parfois proposent (là c'est moins consensuel) des réformes comme 32 heures ainsi que d'autres choses qui n'ont rien à voir avec le reste tel que la fin du projet d'aéroport à Notre Dame des Landes ou la fin de l'état d'urgence. Vous me direz ces gens qu'en ont ils à faire de la démocratie, tout ce qu'ils veulent c'est renverser le capitalisme. En fait c'est plus compliqué que ça. Déjà certain ont des projets construits, si vous voulez en avoir une idée je vous propose de regarder la vidéo d'Usul sur le salaire à vie (taper Usulmaster Bernard Friot sur Youtube). Du coup si le gouvernement par pétition-référendum passe, ils pourront faire une pétition pour le salaire à vie. Et puis il ne faut pas oublier que les rouges n'ont pas vraiment bonne presse dans nos médias (et ils l'ont bien compris, il suffit de voir le film « les nouveaux chiens de garde » pour comprendre qu'ils sont même à la pointe en la matière...). Ils pourraient donc soutenir l'initiative d'un changement de financement de notre système médiatique. D'ailleurs il y a déjà plein de projets en cour de ce point de vue, un des plus simples étant d'interdire à toute personne physique ou morale de posséder plus de deux organes de presse. Résumons : les gens de « la vraie gauche » sont en ce moment à la tête des initiatives de mobilisation contre la loi El Khomry et ils pourraient être intéressés par le projet de souveraineté populaire.
Mais il faudrait quand même qu'ils ne soient pas les seuls à essayer de mobiliser parce qu'une manif de gauche ne sera jamais suffisante en nombre pour aboutir au projet que j'ai décrit. En plus, paradoxalement pour des révolutionnaires, ils reprennent des vieilles recettes (grève, marche dans la rue, peut-être blocus) qui ne sont pas assez efficaces : elles demandent des engagements qui ont un coût social important, surtout pour les travailleurs (perdre le revenu de sa journée de travail), et rapportent peu car au final on a juste un nombre abstrait de personne descendu dans la rue et plus ou moins caricaturés par les médias comme des sauvages incapables de penser le changement, des sortes de super-réacs lobotomisés, « manipulé » par toute une « propagande d'extrême-gauche ». Au contraire d'autres initiatives peu « coûteuse » socialement pourraient être promu, que ce soit le fait de spammer de mail et de lettre les députés, voir les élus en général, ou encore de taguer des petits slogans la nuit sur divers bâtiments. Si on peut considérer que nos élus ne sont plus légitimes depuis au moins 2005 il faudrait aussi que le mouvement se dote de sa propre légitimité. Le meilleur moyen serait d'organiser des élections de représentants (3 par exemple) quitte à utiliser Facebook. Le but est que les médias puissent interviewer et discuter avec des représentants du mouvement autre que les chefs de syndicat.
C'est donc ce mécanisme de mobilisation qu'il faut dépasser pour faire intervenir des personnes issues d'une plus grande partie de la société. Comment cela pourrait-il se faire ? Déjà je pense que les organisateurs actuels devraient miser plus sur l'humour. Si au lieu des drapeaux des divers partis/assos/syndicats on avait surtout des pancartes humoristiques (caricatures, jeux de mots du style « El Khomry, la gauche qui mérite des droites », « la revanche des sans-dents : la rue ») pour attirer l'attention, l'humeur serait moins grave, plus détendu, et donc plus incitative et surtout consensuelle. D'ailleurs les financements devraient aller dans ce sens (la multiplication des pancartes) car il y a beaucoup trop de personnes anonymes qui ne font qu'acte de présence : plus il y a de pancartes et plus le discours est puissant.
Ensuite il faudrait d'autres moyens, comme une utilisation plus intense des réseaux sociaux. Bien sûr ces médias touchent essentiellement les jeunes ; mais il ne faut pas oublier que les jeunes sont en contact avec leurs parents, et plus largement de la famille, des amis, des professeurs etc...
L'atout du XXIe siècle est la rapidité de transmission des informations, la viralité, comme on l'a déjà vu a de nombreuses reprises aussi bien pour Charlie et le Bataclan que pour des jeux d'alcool. Imaginez s'il devenait à la mode de se filmer en disant « je suis pour la souveraineté populaire » et de poster la vidéo sur Facebook (ou tout simplement de mettre une photo de profil ou de couverture sur ce sujet). Voir imaginez qu'on harcèle des stars, des hommes politiques jusqu'à ce qu'ils soutiennent aussi la cause. En allant plus loin on pourrait même faire circuler des images des hommes étant contre ce combat avec marqué « honte sur les néo-cons » et leur photo. On devrait donc faire propager des articles d'information sur la souveraineté populaire et d'autres du style « top 5 des arguments pour envoyer tes vieux dans la rue » avec un ton mi-sérieux mi-humoristique pour faire passer le message. Là dessus les youtubeurs du #onvautmieuxqueça pourraient vraiment servir de relais (et pourquoi pas même d'autre, traditionnellement moins attirés par la politique mais qui seraient intéressés par le projet en tant que simple citoyen). Du coup si on me demandait par où commencer la révolution je dirais en envoyant cet article, ou la proposition de façon résumée, aux youtubeurs déjà impliqués, et a tout le monde en général. N'oubliez pas non plus les moyens d'actions que j'ai décrit car la grève et les blocus ne sont peut-être pas les meilleurs ; et se doter de représentants me paraît vraiment important (c'est le genre de mesure à demander aux Assemblées Générales). Enfin n'hésitez pas à commenter, à en parler autour de vous, le changement approche alors soyons prêt pour le faire et aller dans le bon sens.
- La démocratie à portée de main
- Le « choix politique »
- La révolution en marche
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