La visite catastrophe
Le voyage officiel de Mouammar Kadhafi tourne à la débâcle politique. La visite catastrophe sent carrément le pâté pour Sarko.
Le voyage officielle de Mouammar Kadhafi tourne à la débâcle politique et à la visite catastrophe. L’affaire sent carrément le pâté pour Sarko confronté à un "invité" incontrôlable.
Rama
Yade, sous-ministre aux Droits de l’homme, a été la première à se
déchaîner lundi dans Le Parisien. En des termes osés pour de chastes
oreilles de droite, la "minorité visible" du gouvernement y est allée
avec entrain, emphase et même talent : « Le colonel Kadhafi
doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson, sur lequel un
dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de
ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort ». Et
pan ! C’était l’ouverture des hostilités.
Mardi,
le chapiteau de cirque dressé dans le parc de l’hôtel Marigny est enfin
accessible à la presse. C’est Pujadas de France 2 qui s’y colle au
matin pour nous présenter des images de barbouzes armés et de jongleurs
encore à moitié endormis. Seuls manquent les chameaux du colonel. En
papotant avec Mouammar le "journaliste vedette" y apprend que Sarko
n’a jamais évoqué, la veille, la question des droits de l’homme avec
son invité d’honneur. Pas question certainement d’insulter un si
illustre ami de la liberté. Gros couac en tout cas, au moment ou le
colonel se rend à l’Assemblée dans sa belle limousine blanche venue de
Tripoli par avion cargo. Claude Guéant, premier secrétaire de l’Élysée,
a beau démentir en appelant frénétiquement toutes les agences de
presse, le mal est fait.
UNE REVOLTE ? NON SIRE...
Là-bas,
au palais Bourbon c’est la fronde. Aux alentours le quartier est
entièrement bouclé par les forces de l’ordre, qui sont allées jusqu’à
interdire d’accès quelques députés pourtant munis de leurs cartes. "On
laisse un dictateur entrer dans l’Assemblée et on empêche les
députés !", s’emporte Aurélie Filippetti. Les élus grondent, et pas
seulement ceux de l’opposition qui sont rejoints par d’autres de l’UMP
dans la salle des pas perdus. L’endroit est idéal pour voir le
dirigeant libyen, hirsute et vêtu d’une cape noire, accueilli par la
fanfare de la garde républicaine. Et pour voir le président de
l’Assemblée, Bernard Accoyer, lui serrer la main dans un remake de la
rencontre de Montoire. Ça gueule de partout, du PC à l’UMP :
"dictateur", "tortionnaire", "crapule". Les noms d’oiseaux volent bas.
Jean-François Copé, président du groupe UMP, a filé à l’anglaise depuis
longtemps.
Au même moment sur le parvis de l’Assemblée, des CRS
chargent les journalistes de Reporter sans frontières venus manifester.
"Je n’y croyais pas, mais ce type vraiment est fou !", hurle l’un d’eux. "On se
croirait au Chili sous Pinochet !", ajoute un autre.
En effet,
on n’en est pas très loin. Dans l’hémicycle, Bernard Accoyer un peu
affolé a supprimé la séance de question au gouvernement. Pour éviter un
18 brumaire, elle est remplacée par un débat inoffensif sur le
mini-traité européen. Avec interdiction formelle à quiconque d’évoquer
le scandale en cours sous peine de sanctions. Les députés de
l’opposition quittent leurs sièges. De l’art et la manière de museler
la représentation nationale. Du jamais vu depuis la guerre d’Algérie,
ou juin 1940, pour nos lecteurs seniors.
KADHAFI INCONTRÔLABLE
Copé aux fraises, Accoyer débordé, Sarko seul et abandonné doit monter au front dans l’après-midi : "Dix
milliards d’Euros, hein ! C’est quelque chose ! Hein ? Hein ?", se
défend nerveusement l’omni-président. "Tu parles", semble lui répondre
un Kadhafi
devenu incontrôlable à l’Unesco de Paris : "Les étrangers sont
maltraités en Europe, et eux nous demandent de respecter les droits de
l’homme ?" Manquant vraiment à tous ses devoirs le colonel ajoute : "Ici
les immigrés sont oppressés, dans la pauvreté, il n’est pas étonnant
qu’ils en viennent à tout brûler". Quel ingrat, lui qui est si bien
accueilli par la République de Sarko.
A croire que l’omni-président avait vraiment gobé la fable selon laquelle Kadhafi avait changé, qu’il s’était assagi au point d’être fréquentable, et maléable, tel un simple transfuge socialiste. Et dire que le colonel est encore ici pour quatre longs jours. De quoi offrir des tas d’autres tribunes à François Bayrou, Ségolène Royal et Bertrand Delanoë qui se sont amusés mardi soir à dresser une tente parodique devant le "Mur pour la Paix", près de l’école militaire, à Paris. Une visite catastrophe on vous dit, et le meilleur est à venir...
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