Le défi du chômage : démondialisation, automatisation et maîtrise des naissances
Les dirigeants des pays européens sont face à des défis qu’ils sont de plus en plus incapables à relever : ils se contentent de gérer les actifs et les passifs qui furent accumulés par nos prédécesseurs. Mais chaque année, les actifs se déprécient, les gains se raréfient, alors que les charges et que les passifs ne cessent d’augmenter.
Les thèses, apparemment contradictoires, de la gauche et de la droite ne permettent pas d’apporter des solutions structurelles : cela se limite à un débat entre une gauche qui veut « un peu plus de social » et une droite qui voudrait « un peu moins d’impôts, un peu moins de dépenses et un peu plus de sécurité ». Les différentes tendances politiques demeurent assez proches les unes des autres, et leurs nuances reflètent la simple défense de privilèges divers et autres niches.
Depuis 30 ans, tous les hommes politiques se sont engagés à réduire le chômage, malgré qu’ils en faussèrent les chiffres par des exclusions arbitraires, par des prépensions, par des emplois subsidiés à l’utilité discutable (j’épargne au lecteur la litanie d’astuces mises en places pour modérer les chiffres du chômage), etc., et pourtant le chômage n’a cessé de croître, et quoi qu’ils disent ou promettent le chômage (au sens de personnes cherchant un emploi) va continuer d’augmenter significativement dans les années qui suivent.
Mais comment a-t-on fait pour descendre si bas, il n’y a pas 40 ans nous connaissions le plein emploi… Notre situation actuelle est le résultat de visions politiques peu judicieuses et de mauvais choix structurels pour la société future. La résolution des problèmes passera par leur compréhension au risque de ne pas plaire. Pour les hommes et femmes politiques, il n’y aurait pas de problèmes, seulement des « contingences techniques » qui feraient que, ou d’autres inepties servant à masquer leur incapacité à résoudre effectivement les problèmes.
On pourrait croire que le chômage structurel serait dû à l’absence de croissance ou à une baisse de production ? Mais cela est faux : la croissance et la production ont constamment augmenté depuis 40 ans, certes moins que dans les années 50 ou 60, et donc pas de manière suffisante pour résorber le chômage. Pour maintenir le plein emploi, il a manqué chaque année entre 2 et 3% de croissance (ce qui cumulativement représente après 40 ans d’inaction, respectivement 110% et 220% à rattraper.)
On a cru que la globalisation doperait significativement la croissance et qu’ainsi nos pays retrouveraient le plein emploi ; mais les résultats ne furent pas à la hauteur des espérances, tout simplement parce que ce que nous gagnions en croissance par l’ouverture des marchés étrangers, nous le perdions en décroissance d’emploi avec les entreprises qui produisent pour le marché intérieur ; il était illusoire de croire que l’ouverture des frontières ne se ferait que dans un seul sens.
Actuellement résoudre structurellement le chômage exigerait une croissance hors inflation de 8% pendant 20 ans. De tels chiffres sont totalement hors de notre portée.
On pourrait néanmoins croire que la démondialisation pourrait résoudre ce problème de manque de croissance. C’est supposer un peu vite qu’en fermant nos marchés aux produits étrangers, ces mêmes marchés ne se fermeront pas aux nôtres. Ensuite, les entreprises ont leur logique, elles peuvent prendre une décision de créer une usine, mais la même usine sera créatrice de beaucoup d’emplois dans un pays et de peu d’emplois dans un autre pays. Si nous prenons un produit qui bénéficie d’un fort engouement aujourd’hui comme le disque dur multimédia, on constate qu’ils sont produits en Thaïlande, où leur fabrication crée énormément d’emploi. Or la Thaïlande a été victime d’un tsunami qui a détruit une partie de ces usines. Dans le cadre de la démondialisation, on pourrait les rebâtir en Europe, au moins pour fournir la clientèle européenne. L’idée semble bonne, mais elle ne permettra pourtant pas de recréer les emplois perdus en Thaïlande. Ce pays a une monnaie faible, des travailleurs bons marchés, et des conditions de travaille exécrable, autrement dit les entreprises peuvent se permettre d’y utiliser une main d’œuvre importante, alors qu’en Europe elles vont automatiser la fabrication, et donc la même usine en Europe créera 10 fois moins d’emploi que celle qui existait en Thaïlande. Évidemment certains rêvent de mettre l’ouvrier européen au niveau de l’ouvrier thaïlandais, mais les lois relatives au travail et à la sécurité sociale ne le permettent pas, et ces lois ne seront pas modifiées dans un avenir proche.
L’automatisation ou la robotisation est bien le premier responsable de la chute brutale de l’emploi. Ce sont les robots qui sont en concurrence avec les ouvriers européens et pas les ouvriers thaïlandais qui seraient en concurrence avec les ouvriers européens. Les robots permettent de remplacer l’humain dès qu’une tâche peut être automatisée. Mais ce n’est probablement qu’un début, à terme (et cela commence à apparaître) les robots (sous forme de bras mécaniques informatisés) pourront remplacer les humains dans de nombreuses tâches non répétitives.
La force de l’homme réside dans sa faculté d’adaptation, et donc dans la compréhension du problème et dans sa résolution.
Certains croient que l’on peut arrêter le progrès, c’est la philosophie d’écolo (c’est d’ailleurs les seuls à avoir compris qu’avec les constantes de notre société, nous allons vers le crash système.) Le progrès, quoi qu’il soit discutable sur bien des aspects, est inévitable et son arrêt brutal créera plus de problèmes qu’autre chose. Il faudrait en outre qu’il soit global : désarmer les policiers alors que les gangsters ne désarment pas, ce n’est certainement pas la bonne solution.
La démondialisation produira (en terme d’emplois) les mêmes résultats que la mondialisation, ce qu’on gagne d’un côté on le perd de l’autre, ce que nous gagnerons en fermant nos marchés, nous le perdrons en fermeture de marchés extérieurs. Elle nous semble pourtant au moins partiellement nécessaire, mais plus pour des raisons de sécurité intérieure : dans un monde où les risques de guerre deviennent de plus en plus fort à moyen terme (10-20 ans), il est prudent de conserver des capacités intérieures importantes.
Le remplacement d’une société industrielle, par une société de services n’a pas résolu le problème de l’emploi, et en a créés d’autres comme l’endettement publique excessif (excepté l’État personne ne va financer volontairement une telle société). Un endettement de 100% du PIB en temps de paix pour un pays devrait nous sembler un non sens radical, d’autant plus qu’à travers la décentralisation, nous masquons une partie de notre endettement, via les communes, les provinces, les régions et les communautés dont les endettements cumulés sont au moins égaux à celui de ce qui nous reste comme État central.
Les politiques crurent que reviendrait la croissance créatrice de nombreux emplois (comme on attend le printemps), la croissance continue certes, mais les créations d’emploi qui devraient accompagner celle-ci ne sont pas au rendez-vous : les créations d’emploi ont été remplacés par des gains de productivité (ordinateur, mécanisation, robotisation, automatisation…)
Pour calculer l’emploi futur nous devons tenir compte de plusieurs éléments :
- l’emploi actuel
- la croissance hors inflation (l’inflation étant une simple dépréciation monétaire, il faut l’exclure des chiffres de croissance ; si aujourd’hui je vends un produit 1000€ et que demain ma monnaie est dévaluée de 50%, je vendrai mon produit 2000€, c’est-à-dire le même prix qu’hier à valeur constante. Les politiques pour enjoliver leurs résultats, parlent souvent de la croissance qu’un pays a eu pendant qu’ils le dirigeaient, mais oublient d’en déduire l’inflation.)
- la complexification des produits (une voiture qui comporte 100 pièces principales et une voiture qui comporte 500 pièces principales, nécessitera plus de main-d’œuvre. Si les voitures d’aujourd’hui en étaient restées aux modèles élémentaires des années 60, l’industrie automobile (à automatisation égale) aurait perdu 70 à 80% de ses emplois, au lieu de 40% comme aujourd’hui) ;
- les gains de productivité : incluant l’informatisation, l’automatisation et la robotisation des tâches. Ces gains de productivité concernent à la fois les manufactures, mais aussi les services.
Nous proposons l’équation suivante pour calculer l’emploi pour les entreprises existantes.
(Entreprise multiplié par la croissance hors inflation et par la complexification du produit), l’ensemble est divisé par les gains de productivité, et cela donne le taux t’emploi futur.
(E*Chi*Compl)/GP = taux d’emploi futur
On peut imaginer qu’en Europe la croissance hors inflation par 20 ans est de 40%, la complexification moyenne de la production est de 20%, et les gains de productivité de 100%.
(100 salariés * 1,4*1,2)/2= 84 salariés.
Cette entreprise a diminué ses emplois de 16% en 20 ans à cause des gains de productivité, sans eux elle aurait augmenté son taux d’emploi de 68%...
Actuellement les robots (via les entreprises qui les fabriquent) enfoncent le clou et l’emploi européen paie le prix fort ; les entreprises du sud-est asiatique vont suivre, bientôt leurs mains d’œuvres seront moins attrayantes, leurs monnaies se renforceront, et elles connaîtront les mêmes problèmes que nous : le remplacement de l’humain par des machines.
La démondialisation ne redressera pas l’emploi européen, ce ne sera qu’un coup dur pour les pays en développement, que nous paierons d’un autre côté, car les emplois que nous gagnerons par les relocalisations d’entreprises seront perdus par les entreprises exportatrices. La démondialisation sera nécessaire, mais pas dans sa forme caricaturale qui pense que si l’on ferme les frontières, une usine qui emploie 2000 personnes dans un pays en développement, si elle venait à être transférée en Europe, créerait mécaniquement 2000 emplois européens, alors que si elle en crée déjà 200 ce sera une réussite. En outre si notre richesse nous a permis d’amortir les pertes, les pays en développement n’auront pas cette chance, la démondialisation globale les plongera dans la misère sans pour autant nous rendre notre ancienne prospérité.
L’arrêt du progrès est une utopie ; si il devait survenir, ce ne serait en rien par une décision volontaire, mais simplement par la raréfaction des matières, et notre incapacité à les remplacer par d’autres disponibles. Cette hypothèse est techniquement possible mais peu probable.
La croissance de nos pays sera insuffisante pour résoudre structurellement le chômage (elle devrait être de 8% hors inflation pendant 20 ans, autrement dit inaccessible). Alors qu’elle culmine à seulement 2 ou 3% depuis 20 ans.
La création de services non rentables ne pouvant plus être financés ni par les impôts ni par les emprunts, iront en diminuant dans les prochaines années.
La complexification des produits, si elle a permis de conserver un taux d’emploi acceptable, ne fut cependant pas suffisante pour contrer les pertes dues à la mécanisation de l’industrie.
Il existe une solution qui, malheureusement, si appliquée dès aujourd’hui, le serait quand même un peu tardivement, et est très mal considérée aujourd’hui : il s’agit d’une décroissance de la population humaine par une maîtrise mondiale des naissances.
Cette solution de maîtrise des naissances est l’unique solution pour que notre avenir ne se traduise pas par des guerres génocidaires ou par une amplification telle de la misère que demain la grande majorité des humains seront des laissés pour compte, sans travail et sans perspectives d’avenir. Certains pays ont commencé depuis de nombreuses années à adopter cette solution, comme la Chine et le Japon. Si on regarde les politiques démographiques japonaises et chinoises, on comprend aisément que ces pays préparent activement la division de leurs populations par deux pour le Japon en 2050 et par trois pour la Chine en 2100, faisant passer respectivement leurs populations à 70 millions et 450 millions d’habitants. C’est à dire à un nombre de personnes en conformité aux possibilités économiques et alimentaires de leurs pays. Par contre l’Europe, ne comprend pas les raisons de limiter sa population, malgré le chômage et l’endettement qui ont explosé et qui continuent de grandir. Cela tient à la fois à la culture religieuse et aussi au mythe de la liberté, qui veut que chaque homme puisse décider comme il veut de son avenir sans se soucier des autres.
Une décroissance de la population humaine causera aussi certains problèmes inévitables et dont nous devrons provisionner les coûts.
Le premier problème que causera une décroissance, c’est un crash immobilier. L’immobilier pour fonctionner nécessite de nouvelles constructions ; comment imaginer qu’on en construirait de nouvelles alors que les anciennes ne trouveront pas preneur. L’immobilier devrait perdre 50% de sa valeur sur 50 ans, le temps que la décroissance de population produise ses effets.
Le second problème que causera cette décroissance de population, c’est un crash des retraites. Ce crash est inévitable, mais son importance dépendra de la capacité que nous auront à l’anticiper. Un allongement du temps de travail devrait limiter les dégâts. La retraite pourrait être déterminée sur base de la durée de vie moyenne par secteur d’activité (un mineur n’a pas une vie aussi longue qu’un employé de banque…) Il se calculerait sur base d’un nombre fixe d’années de retraite, par exemple 5 ans ou 10 ans. Ainsi si dans un secteur d’activité, la durée moyenne de vie est de 80 ans et que le nombre d’années de retraite serait fixé à 10 ans, la personne irait en retraite à 70 ans. C’est dur, mais gérable. Et surtout un tel système éviterait de spéculer inutilement sur la peur de l’allongement de la durée de vie.
Il nous semble que la priorité des priorités sera de limiter les allocations familiales, ultérieurement de pénaliser financièrement les personnes qui ne respectent pas une limitation à deux enfants. Les aides aux pays du tiers monde seront conditionnées à des mesures drastiques de maîtrise des naissances. Seuls les pays qui pratiquent une maîtrise des naissances strictes recevront en contre partie pour leurs citoyens des visas limités à deux ans avec des avantages fiscaux et sociaux pour leurs ressortissants, du moins si les opportunités d’emplois en Europe le permettent.
Il faudra aussi prévoir une taxation plus importante sur l’automatisation (différente de la TVA qui se déduit pour les entreprises), afin de prévoir des financements alternatifs à la taxation du travail. Mais une telle taxation risque de mettre en difficulté les entreprises exportatrices, et donc risque comme la TVA de devoir être reportée sur l’utilisateur final.
Les services sociaux non fondamentaux seront partiellement conservés mais devront se réduire. Ils furent originellement conçus pour masquer l’importance des pertes d’emplois. Pire, ils nous ont rendu aveugle sur les vrais problèmes.
Lorsque la décrue de l’humanité sera une réalité, la mécanisation nous libèrera des tâches répétitives, et nous pourrons nous consacrer à œuvrer au développement humain. Les inégalités entre pauvres et riches se réduiront rapidement ; nous pourrons gérer la terre avec responsabilité.
Je reste convaincu qu’en 2100-2150, contrairement à toutes les prévisions, le nombre d’humains sera compris entre 1 et 2 milliards ; ce que j’ignore c’est si cette baisse aura été obtenue par les effets cumulés d’une décision raisonnable de réduction mondiale des naissances ou si ce seront des guerres qui auront réduit notre population. Le choix nous appartient encore.
— Stephan Hoebeeck
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