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Accueil du site > Actualités > Politique > Le dernier combat des lambertistes

Le dernier combat des lambertistes

Il y aura le sept juin prochain de nombreuses « petites listes » en concurrences. Ce qui frappera le plus les connaisseurs, cependant, c’est l’absence des lambertistes. Les héritiers de Pierre Lambert, regroupé aujourd’hui au sein du Parti Ouvrier Indépendant sous la direction de Daniel Gluckstein, avaient pourtant annoncé leur participation mais après des discussions avortées avec le Front de Gauche, ils ont préféré renoncer. Nouvelle stratégie pour la troisième composante du trotskisme français, ou plus prosaïquement manque d’argent et replis groupusculaire ? Il est permis de se poser la question.

Ce qui deviendra plus tard le courant lambertiste est né en 1953, au moment de ce qu’il est convenu d’appeler la crise pabliste. Pablo, de son vrai nom Michel Raptis, était le secrétaire de la IVème Internationale, et craignant, pas forcément à tort, d’ailleurs, que les organisations trotskistes, ultra-minoritaires, finissent par se recroqueviller sur elles-mêmes, il avait proposé de faire de l’entrisme au sein des organisations communistes et sociale-démocrates. Pour la majorité des trotskistes français cela relevait de l’hérésie. La résistance s’est organisée autour de Marcel Bleibtreu que Pierre Boussel dit Lambert a rejoint avant de le supplanter.

Le mouvement trotskiste s’est scindé en deux factions hostiles qui deviendront la Ligue Communiste Révolutionnaire et le très changeant courant lambertiste - l’Union Communiste, plus connue sous le nom de Lutte Ouvrière s’était séparée du reste de la famille trotskiste dés avant la guerre.

Majoritaire au niveau français, le futur "Groupe Lambert" est exclu par Pablo de la IVème Internationale et crée avec le SWP le Comité international de la IVème Internationale, mais reste finalement assez isolé, ce qui le conduira a se tourner vers l’action syndicale, notamment au sein de Force-Ouvrière, dont Pierre Lambert vote le rapport moral dés 1959. Force Ouvrière avait pourtant refusé d’appeler à voter non au référendum gaulliste de 1958. Pierre Lambert s’associe alors à l’anarcho-syndicaliste Alexandre Herbert ainsi qu’à Robert Barcia, dirigeant historique – et toujours en place – de Lutte Ouvrière.

C’est dans ce cadre que se structure la première organisation lambertiste, groupusculaire dans les années 50, elle regroupera plusieurs centaines de militants à la fin des années 60, dont Stephane Just, Pierre Broué ou Jean-Jacques Marie. Pierre Lambert en occupe le centre et opère la jonction, fondamentale dans toute l’histoire du lambertisme entre le parti et des réseaux syndicaux parfois très éloignés de son idéologie - Alexandre Hebert donnera ainsi une interview à Français d’Abord.

L’Organisation Communiste Internationaliste est dissoute en 1968, mais les lambertisme contesteront cette dissolution devant le Conseil D’Etat qui l’annulera. Ils deviendront alors la plus importante organisation trotskiste de France avec prés de 7,000 militants. Nombre d’entre eux rejoindront le Parti Socialiste une fois passée leur tumultueuse jeunesse, dont Jean-Luc Mélenchon ou Jean-Christophe Cambadelis. On parlait alors d’atteindre les 10,000 militants et une fraction, certes très minoritaire, de la Ligue Communiste Révolutionnaire rejoindra même l’OCI, devenue PCI en 1982.

La sclérose finit cependant par s’installer avec l’élimination progressive des personnalités les plus fortes et les plus susceptibles de remettre en cause l’autorité du chef : Charles Berg est exclu en 1979, Stephane Just en 1984 et Pierre Broue en 1989. Dans le même temps se développe la pratique de l’entrisme, l’envoi de militants lambertistes dans les autres organisations de gauche pour qu’ils les espionnent et les manipulent de l’interieur. Le plus connu de ces infiltrés sera un certain Lionel Jospin.

En 1983 Lambert initie la "Ligne de la Démocratie" et commence à vouloir créer autour de son organisation un "front commun ouvrier", ce qui aboutit à la création du Mouvement pour un Parti des Travailleurs en 1985 puis du Parti des Travailleurs en 1991, structuré en quatre courants dont, si l’on en croit l’ancien lambertiste Karim Landais, seul le Courant Communiste Internationaliste hériter de l’OCI est véritablement actif.

Le MPPT puis le PT végètent avec quelques milliers de militants et n’obtient que des scores confidentiels – 0,38% à l’élection présidentielle – et se replie sur lui-même. Ses succès se situent surtout dans les luttent de couloir syndicales. Lambert et Hebert jouent ainsi un rôle fondamental dans l’accession au pouvoir de Marc Blondel.

C’est au cours de cette période "républicaine" – pour ne pas dire franchement nationaliste - du courant lambertiste. Celui-ci commence à développer un discours anti-européen radical qui deviendra de plus en plus prononcé au cours des années et prendra toute son ampleur avec la campagne plus souverainiste que trotskiste de Gérard Schivardi en 2007.

Devenu progressivement, et pour reprendre les termes de Vincent Presumey un parti " étonnamment terne et calme, grisâtre et ennuyeux comme l’URSS de Brejnev", le PT est repris par Daniel Gluckstein à la mort de Lambert en 2008. Il est alors remplacé par le Parti Ouvrier Indépendant lancé dans la foulé du "succès" de la candidature Schivardi. Celui-ci annonce plus de 10,000 militants répartis en quatre courants, mais c’est un théâtre d’ombre. L’essentiel de ces militants sont fantômes et ce sont toujours les mêmes – moins quelques dissidents dégoutés par le populisme de Schivardi – qui animent des réunions de promotion au succès très relatif. La campagne de Gérard Schivardi avait coûté très cher au parti qui avait dû faire réimprimer ses affiches et ses professions de foi, l’Association des Maires de France n’ayant pas apprécié que ce dernier se proclame "candidat des maires". Il subira un nouvel échec en 2009 avec l’annulation de son élection de conseiller général.

Le POI multiplie les initiatives, notamment une "marche sur Paris" pour interdire les licenciement, mais elles ne rencontrent que peu d’échos sur une scène d’extrême-gauche dominé par le NPA. Son absence aux européenne n’est qu’une étape de plus dans un long déclin. Lambert disparu, ses réseaux s’effilochent et ceux qui subsistent – dans la Libre-Pensée par exemple – ne comptent plus guère. Seul reste le rapport des forces électoral et militant et il n’est pas en faveur du POI. 

Le lambertisme survivra-t-il à Lambert ? En tant que mouvement politique probablement pas, même si l’organisation peut continuer à exister un certain temps, soutenue par une logique d’appareil et sans autre but que son auto-perpétuation. 

Les démocrates et les hommes de gauche ne le regretteront pas


www.damienperrotin.com

 


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16 réactions à cet article    


  • lapin-polaise 11 mai 2009 15:53

    Deux erreurs factuelles ( c’est difficile avec l’étude de l’infiniment petit de ne pas se tromper smiley
    - les pablistes proposaient, et ont tentés, de faire de l’entrisme« sui generis » c’est-à-dire de se cacher durablement au sein de grandes organisations ( PC, PS, FLN en Algérie ) les autres courants trotskystes refusaient de rester durablement cachés, pas de faire de l’entrisme
    - Barça ( et non pas Barcia ) n’a jamais constitué quoi que ce soit avec Lambert. Il est resté leader-gourou de son organisation isolée
    Cela dit, pourquoi ne pas signaler l’absence d’une liste lambertiste ? Lers connaissant est-ce faute de moyens ou ont-ils passés le mille et unième accord tactique avec d’autres ?


    • Damien Perrotin Damien Perrotin 11 mai 2009 16:19

      Tu as raison sur la distinction entre entrisme sui generis et entrisme à drapeau déployé, mais j’ai voulu utiliser un vocabulaire compréhensible par tous. Par contre Barça a bien fait une « joint-venture » avec le « groupe lambert » en 1958 avec diffusion commune de bulletins et protection réciproque contre le PCF.

      Maintenant, ça n’a pas duré longtemps et ça a surtout profité à la future LO.

      Pour ce qui est des européennes, apparement ils ont pensé y aller seuls, puis ont vaguement discuté avec le Front de Gauche avant, apparement de renoncer, sans doute faute d’argent - difficile d’être sûr avec eux. Qu’il n’y aillent pas est un signe de leur faiblesse actuelle, cependant.


    • docdory docdory 11 mai 2009 16:20

      @ Damien Perrotin


      J’avoue avoir voté Schivardi aux dernières présidentielles , car c’était le seul candidat défendant à la fois le non au traité constitutionnel européen , et le seul candidat partisan de la sauvegarde de la laïcité de la République .
      J’ai toujours eu la plus grande estime également pour Daniel Gluckstein , homme d’une intelligence remarquable, pour lequel j’avais également voté aux présidentielles précédentes . Je me rappelle qu’il avait magistralement cloué le bec à Christine Ockrent et à tous les autres invités de son émission pendant la dernière campagne présidentielle, où il soutenait Schivardi , au cours d’un débat télévisé . En quelques phrases , il avait asséné à Christine Ockrent un échec et mat retentissant , elle ne savait plus quoi dire ensuite !
      Bon , cela dit , le reste des idées lambertistes ne sont pas ma tasse de thé , je vais donc porter ma voix sur le parti de Nicolas Dupont-Aignan aux élections européennes !


      • Damien Perrotin Damien Perrotin 11 mai 2009 16:29

        Je crois, cher Docdory, que ce passage du « trotskisme » à la droite dure en dit plus long sur ce qu’est devenu le lambertisme que toutes les analyses politiques. J’ajouterais que vous n’êtes pas le premier à tenir ce genre de discours, ce qui le rend encore plus révélateur


        • docdory docdory 11 mai 2009 21:32

          @ Damien Perrotin


          Dupont Aignan ne fait pas partie de la droite dure , c’est un gaulliste républicain social . Je le considère plus à gauche que le PS, parti dont la différence qui le sépare de l’UMP devient invisible . Je vous informe qu’il vient de co-signer , entre autres avec Chevènement , une pétition organisée par l’hebdomadaire Marianne appelant à l’instauration d’un salaire maximum . Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une idée de la droite dure ...

        • Le péripate Le péripate 11 mai 2009 21:46

          En effet, je ne sais même pas si les communistes auraient osés. Probablement.


        • Damien Perrotin Damien Perrotin 11 mai 2009 21:54

          Mais certaines branches branches de l’extrême-droite n’y verraient pas d’inconvénient... rappelez-moi, l’ami, Dupont-Aignan, il a été élu avec quels soutiens ? Et il apporte sa voix à quel gouvernement ?

          Acts speak louder than words.

          Et c’est la même chose pour les electeurs de Schivardi. Si vous passez d’un trotskiste à un « gaulliste » c’est qu’au fond ce qui vous motive c’est le nationalisme.


        • ASINUS 11 mai 2009 22:39

          le bonsoir peripate , yep foutre des limites au profit autant essayer de mettre une museliere a un velociraptor ça vous fout le bourdon hein le perIpate ,
          au fait sur un autre fil
          il ya un auteur qui essaye de me refourguer liberalisme et equitable dans la meme phrase , vous donnez dans l humour maintenant chez les winners.... ?


        • docdory docdory 12 mai 2009 13:22

          @ Damien Perrotin 


          Vous faites erreur . Ce qui me motive , c’est la défense des valeurs républicaines , liberté , égalité , fraternité et laïcité , la déclaration des droits de l’homme ( la meilleure : celle de 1789 ! ) .
          Ces valeurs sont systématiquement mises à mal par l’idéologie européiste , voilà pourquoi je suis , non pas nationaliste , mais souverainiste , au sens du peuple souverain . Il n’y a pas de peuple européen, c’est pourquoi il ne peut pas réellement y avoir de démocratie européenne .

        • docdory docdory 12 mai 2009 13:26

          @ Damien Perrotin


          Dupont-Aignan a voté à de nombreuses reprises contre le gouvernement ( exemple : a voté non au traité de Lisbonne, a voté non sur la loi Hadopi , etc ... )

        • ASINUS 11 mai 2009 16:38

          peut etre simplement que ce que vous denommez droite dure
          est elle composée des derniers

          tenants de la Republique lors meme que la gauche
          dont le ps « incluant nombre de transfuges trotskistes »
           est passée avec armes et bagages du cotés des societés mercantiles communautarisées types anglosaxonnes


          • Bill Grodé 11 mai 2009 22:19

            Decidément, Docdory est un homme (ou une femme) de bon sens. Que des choix judicieux, et pour de bonnes raisons.


            • docdory docdory 12 mai 2009 13:28

              @ Bill Grodé 


              Merci !

            • Hieronymus Hieronymus 12 mai 2009 01:34

              Bonsoir
              votre expose historique (qui m’a interesse)
              fait completement l’impasse sur Arlette Laguiller
              qu’en est il de cette personne ? enterree desormais avec le Lambertisme ?
              simple marionnette, produit marketing qui ne merite meme pas d’etre evoque ?
              elle a pourtant ete la vitrine mediatique de Lutte Ouvriere durant + 20 ans ..


              • Damien Perrotin Damien Perrotin 12 mai 2009 06:22

                oui, mais elle n’a aucun lien avec les lambertistes. C’est une chapelle totalement différente.


              • vincent présumey 23 juin 2009 21:56

                Etant cité dans cet article, et moi-même ancien membre de l’organisation dont il est question ici (dont j’ai été exclu mais à laquelle je ne cache pas devoir beaucoup, mais qui a beaucoup changée) je me permets de donner un avis sur son avenir : elle en a un. Ce serait une erreur de penser vouer à disparaître le lambertisme sans Lambert. C’est même là que ça devient à nouveau intéressant.
                Quoiqu’évitant de s’adresser aux syndicats mais s’adressant seulement aux partis, leur campagne pour une « marche unie » nationale contre les licenciements a eu, pour la première fois, un échos réel dans des entreprises, et compte tenu de l’abstentionisme élevé, ne pas s’être présenté aux Européennes n’a pas été un signe de déclin pour le POI.

                 

                Je ne partage pas l’orientation de cette organisation mais elle fait pour moi partie du mouvement ouvrier et ses militants restent des camarades.

                Et puis, en politique comme dans la nature, « rien ne se perd rien ne se créé ».

                 

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