• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > Politique > Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou

Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou

« C'était une nature... Un ancien modèle... Je l'ai su plus tard... C'est un genre qui me plaisait bien. » (Céline dans "Mort à crédit", 1936).

Comme maintenant on peut en avoir l'habitude, la formation du gouvernement Bayrou ne se fait pas de manière très facile (ni rapide). Je ne sais pas quand il sera (définitivement) nommé, probablement ce lundi (déclaré jour de deuil national pour Mayotte), mardi en dernière limite, veille de Noël, mais on peut déjà prévoir le message général des commentateurs, éditocrates et dénigreurs de service après le décret de nomination : tout ça pour ça ! Eh oui, la nomination d'un gouvernement, même si elle est faite par le Père Noël à quelques heures de Noël, n'a jamais rien de magique et ne résout pas grand-chose en elle-même, bien sûr.

De toute façon, à cause de l'irresponsabilité de tous les partis et groupes parlementaires qui, décidément, ne sont pas à la hauteur tant de cette Assemblée éclatée exceptionnelle que des enjeux nationaux (dette publique, guerre en Ukraine, transition écologique), on préfère la posture à la responsabilité.

À l'origine, François Bayrou souhaitait un gouvernement tripartite : LR, bloc central et PS (et alliés). Le PS a refusé alors qu'il préjugeait de la politique qui sera suivie par François Bayrou. Le PS a surtout eu peur de son ombre, car tonton Mélenchon a rouspété un peu trop fort ces temps-ci. Pourtant, François Bayrou est sincère quand il veut faire gouverner une grande coalition : il a assez de stature et d'expérience pour tenir tête à Emmanuel Macron et faire une politique qui unit et pas qui divise.
 

Ces derniers temps, le monde médiatico-politique a utilisé des expressions particulièrement horribles : "lignes rouges", "bougé", "feuille de route", "accord de non-censure", etc.

François Bayrou refuse le principe des lignes rouges : comment trois individus peuvent se mettre d'accord s'ils disent, avant tout, tout ce qui les sépare ? Le nouveau Premier Ministre veut au contraire chercher ce qui les unit, et il y a pas mal de choses, mine de rien, qui permettraient à la France d'avancer. J'en cite quelques-uns urgents : une loi pour renforcer l'aide à Mayotte, une loi pour aider les agriculteurs, une loi pour mieux combattre les narcotrafiquants, une relance de la politique du logement, secteur sinistré depuis 2012.

Bien sûr, l'urgence suprême est le vote de la loi de finances pour 2025, ce qui ne sera pas une mince affaire. D'où l'importance de la personne qui s'en occupera. Et on aurait pu imaginer Bernard Cazeneuve qui aurait été à la fois responsable et compétent (il a été Ministre du Budget). Le problème, c'est que Bernard Cazeneuve, loin d'être un saint, se positionne lui aussi pour l'élection présidentielle de 2027, si bien que pour lui, c'est Matignon ou rien, l'autre version de aut caesar aut nihil ! On a aussi proposé ce poste à Laurent Wauquiez mais pas question qu'il se salisse les mains, trop occupées à façonner 2027 !

C'est dommage, car cela aurait mis ces responsables politiques devant leurs responsabilités. Et l'idée (c'est la mienne !) de nommer à Bercy Charles de Courson, l'actuel rapporteur général du budget, le premier dans l'opposition, ne serait pas inadaptée car c'est un anti-macroniste notoire (en plus d'avoir fréquenté pendant plusieurs décennies le même parti que le Premier Ministre, à savoir le CDS).

Alors que ce même Laurent Wauquiez demande à François Bayrou une "feuille de route" (écrite si possible pour Édouard Philippe, on voit le niveau de confiance qui règne), le "bougé" de la troïka socialiste, les pieds nickelés du PS (Olivier Faure, Boris Vallaud et Patrick Kanner) n'a accouché de rien du tout, le PS a rougi de son audace et est rentré à la maison mère (la nouvelle farce populaire) honteusement, trop content de se faire manipuler par le gourou insoumis.

 

Ainsi, le risque d'être accusé de traître à la gauche, d'être exclu du PS, de devenir un pestiféré a fait renoncer beaucoup de monde à tenter le compromis en participant au gouvernement Bayrou, comme Carole Delga, Stéphane Le Foll, Marisol Touraine, etc. Seul François Rebsamen, un hollandiste de la première heure, semble s'écarter du droit chemin du NFP. Laurent Berger aussi aurait été approché et aurait refusé. Bref, à gauche, c'est courage, fuyons ! Ne resterait plus que Ségolène Royal... et pourquoi pas ? Cela aurait de la gueule, elle a recueilli plus de 16 millions de voix en 2007, elle, au moins, représente (vraiment) beaucoup d'électeurs de gauche, et ils ne sont pas si nombreux que ça !

À droite et au centre, ce n'est pas non plus un long fleuve tranquille. Il semblerait que François Bayrou souhaiterait nommer Xavier Bertrand à la Justice, mais le RN dégaine immédiatement, la haine personnelle de Marine Le Pen est-elle plus forte que les enjeux de la nation ? Piètre patriotisme. Aux Affaires étrangères, un choix cornélien entre le sortant Jean-Noël Barrot (du MoDem), et Gérald Darmanin qui ronge son frein, devrait être arbitré à l'Élysée. Quant à Élisabeth Borne, elle irait dans le secteur prioritaire de l'Éducation nationale.

 

La seule chose à peu près sûre, c'est le maintien de Bruno Retailleau à l'Intérieur, Rachida Dati à la Culture, et (probablement) d'Annie Genevard à l'Agriculture où elle semble appréciée.

Il faut bien comprendre que pour les journalistes et les experts en gouvernementologie, c'est un exercice épuisant que ces changements de gouvernement : il faut être sur le pont matin midi et soir, et voici que les non-vacances de Noël se profilent. Et cela tous les trimestres. Les députés doivent vraiment y aller mollo avec la censure, il y va de la santé mentale de nos journalistes politiques, il faut les ménager, ce n'est pas vrai qu'on puisse parler des heures et des heures pour ne rien dire sans avoir à la longue des conséquences fâcheuses pour sa santé mentale.

Il y a, dans cette valse des portefeuilles ministériels, un petit air de Quatrième République, celle-là même que certains voudraient nous ramener de force avec leur stupide Sixième République (rappelons que la Cinquième a été approuvée très largement par le peuple français). Mais la faute, pour une fois, n'est pas à Emmanuel Macron. La faute est d'abord aux électeurs qui ont choisi ces 577 députés (ce n'est pas vraiment une faute, c'est la démocratie, mais Emmanuel Macron n'est pas responsable du vote des électeurs), et ensuite, la faute à ces 577 députés incapables de s'entendre pour constituer une majorité. Pour cela, il n'y a ni besoin de Président de la République ni de Premier Ministre, sortant, censuré ou nouvellement nommé. Il suffit que 289 députés se réunissent (il y a plein de grandes salles à l'Assemblée) et se mettent d'accord ensemble. Rien à voir avec ce NFP qui voulait imposer Lucie Castets alors qu'il n'était même pas capable d'imposer André Chassaigne au perchoir.

 

C'est une mission quasi-impossible car ni le PS ni LR ne veulent agir de bonne volonté. Au moins, LR a pris ses responsabilités, mais ce n'est pas le cas du PS. Ces députés socialistes irresponsables qui ont mélangé leurs votes avec l'extrême droite et l'extrême gauche n'ont plus aucune leçon de morale à donner à Emmanuel Macron. Ils sont restés dans la posture politicienne aux dépens du bien-être des Français et on voit bien que lorsqu'on les prend au mot, ce qu'a fait François Bayrou, ils reculent. Il faut quand même être gogos pour en arriver à dire, le 19 décembre 2024 : « Nous n'avons pas trouvé de raison de ne pas le censurer. » (Olivier Faure, mais aussi Marine Tondelier). Et l'intérêt national, ce n'est pas une raison ?

La question reste la même qu'avec Michel Barnier : qui veut l'échec du gouvernement Bayrou ? Certainement pas ceux qui pensent à l'intérêt national et aux Français, les patriotes qui voient bien que la nation est en danger et qu'elle pourrait être bientôt gouvernée par des extrémismes et des populismes. Le pire n'est jamais sûr. François Bayrou avait donné son objectif d'avoir un budget dans deux mois : « J'espère qu'on peut l'avoir à la mi-février. Je ne suis pas sûr d'y arriver. ». Laissez-lui au moins le courage d'essayer !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 décembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou.
La méthode Bayrou réussira-t-elle ?
Terre de désolation.
La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
François Bayrou, le papa Macron !
Le tour de François Bayrou !
La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
Le paysage politique français postcensure.
Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
Emmanuel Macron face à ses choix.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
L'émotion de censure de Michel Barnier.
La collusion des irresponsables.
Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
PLF 2025 : la majorité de rejet !
Michel Barnier : déjà deux mois !
François Guizot à Matignon ?
5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
Doliprane : l'impéritie politique.
Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
La quadrature du cercle de Michel Barnier.
 

 


Moyenne des avis sur cet article :  1.05/5   (21 votes)




Réagissez à l'article

8 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 23 décembre 2024 09:18

    Un gouvernement Bayrou, c’est l’assurance de l’immobilisme avec des ministres au même profil que leurs prédécesseurs, placés sous la tutelle d’un velléitaire persuadé à tort qu’il a l’étoffe d’un véritable chef.

    Ce gouvernement devrait toutefois tenir jusqu’au printemps, moment où, très probablement, le RN votera une nouvelle motion de censure du NFP afin de tenter de rebattre les cartes au terme d’une seconde dissolution ou d’une démission de Macron imposée par la situation de blocage politique.


    • pasglop 23 décembre 2024 10:38

      Et on ne peut pas comme dans l’article blablater à l’infini sur Bayrou en faisant semblant d’oublier qu’il doit passer sous les fourches caudines de l’Elysée pour le moindre ministre putatif.

      Ce n’est pas comme s’il y avait eu des élections, hein...


      • Fergus Fergus 23 décembre 2024 11:51

        Bonjour, pasglop

        « il doit passer sous les fourches caudines de l’Elysée pour le moindre ministre putatif »
        Et vice-versa. Car Macron n’est pas en situation de force.
        En fait, je dirais plutôt « sous les fourches caudines de LDR », parti sans lequel il ne peut y avoir de gouvernement, malgré son faible poids parlementaire.


      • ETTORE ETTORE 23 décembre 2024 13:54
        «  »« Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou »«  »

        ...............................

        Comme d’hab, Rakoto, vous tétanisez les mots, pour en édulcorer le sens !

        C’est BEY-roux, qui doit « accoucher », pas le « gouverne-ment »

        Que la parthénogenèse soit difficile..... On peut le concevoir.

        En raison de l’âge du partouze-riAnt, et surtout son inexpérience, vu que jamais la politique ne l’as dépucelé de sa frigidité légendaire, à faire un pas en avant, vers quelque chose de constructif, si ce n’est pour lui ( ce que l’on appelle communément « masturbation » )

        Sorti de là, et en subodorant ce qui vas sortir de la couveuse à cloner...

        Une grappe de " rachida qui daTTe, d’un Xavier Bertrand ( c’est quoi le prénom du nom, déjà ?), un Darmalin, sur le retour avec sa batterie de casseroles.... etc etc) Un véritable gouv, digne d’un musée de cire Grave-et-rance, dont même la mèche, n’est plus à vendre.,

        On attend la fumée blanche du Saint Siège A-poste au litre, pour savoir si c’est une couvée fécondée ou pas, par le Coq de la Basse Cour !


        • rogal 23 décembre 2024 15:14

          La crèche sera-t-elle pleine demain soir ?


          • ETTORE ETTORE 23 décembre 2024 15:58

            @rogal
            Les ânes et les boeufs, seront tous là, autour de la France, sur la paille, et qui bientôt, ne sauras plus ou crécher !
            Les Rois des Finances, par iMAGES sur papier vert, venus de loin, attendent impatiemment, l’or, l’encens, la myrrhe, que l’étoile filante Macronide leur à promis .
            Pour une nativité, c’est bien plus proche d’un enterrement, préparé depuis bien des années, par le règne, d’un « Auguste »...... le Clown (pas l’empereur) .


          • Parrhesia Parrhesia 23 décembre 2024 18:14

            Et de toutes façon, que peut bien valoir honnêtement un « accord de non censure a priori » concernant un gouvernement lui-même a priori douteux et dont personne ne peut savoir s’il va prendre ou non des mesures qui soient à l’évidence condamnables ?


            • ETTORE ETTORE 23 décembre 2024 23:53

              Ca y est, le club des décharnés a été nominé !

              Quand je pense, qu’on as des ambassadeurs du tri, qui viennent soulever les couvercles des poubelles, pour vérifier si vous avez bien respecté, les consignes des rebuts à balancer dans chaque contenant , bien déterminé....

              Visiblement, au vu de l’agglomérat de détritus, qui vient d’être balancé sur la voie publique, personne n’as informé le sieur BEY-Roux, que chaque poubelle était strictement réservé, à un type de déchet !

              Lui, a tout balancé dans celle marquée « gouvernement » !

              Suis d’avis, quelle ne tarderas pas à être renversée ET brûlée, avant d’être chargée en camion poubelle .

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité




Palmarès



Publicité