Le Front National fait-il partie du système ?
Le débat fait rage ces temps-ci en ce qui concerne le « nouveau FN ». Fait-il partie du système ? Représente-t-il la véritable opposition ? Marine Le Pen a-t-elle ses chances de remporter un jour l’élection présidentielle ? Tant de questions, si délicates, auxquelles nous allons tenter de répondre.

Le FN fait-il partie du système ?
D’abord, qu’est-ce que le système ? Pour faire bref, très bref : l’UMPS et tous ses alliés politiques (faux opposants compris), économiques et médiatiques.
Incontestablement, il fut un temps, le FN en a fait partie. Dès 1986, il a bien servi à la Gauche de François Mitterrand qui avait alors instauré la proportionnelle départementale aux législatives. Cette réforme du système électif, permise par le statut de loi organique de ces élections, a permis au FN de décrocher 35 sièges (soit 5,54%) à l’Assemblée Nationale, et parallèlement, à la Gauche de se protéger de la « victoire annoncée » de la Droite. Une stratégie semble-t-il mutuellement acceptée par Jean-Marie Le Pen et François Mitterrand.
Autre révélateur : les alliances et ententes électorales entre le Front National et les grosses cylindrées politiques de l’époque. PS, UDF, RPR… tous ont eu, un jour ou l’autre, à s’allier ou à s’entendre avec le parti de Jean-Marie Le Pen. Cela dit, ces rapprochements sont à nuancer, dans la mesure où ces derniers ont la plupart du temps eu lieu en contexte régional ou municipal. La mystérieuse rencontre de 1988, relatée par Eric Zemmour, entre Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac peut contredire ou non, selon son contenu, ce constat.
Enfin, nul besoin d’être un expert en politique pour remarquer à quel point les multiples sorties maladroites et controversées du président du FN ont largement joué en la défaveur du parti. Les seuls résultats de ces mots doux incontrôlés auront été la diabolisation permanente du Front National, ainsi que la division, aussi bien nationale qu’interne. En effet, nombre d’exclusions, de tensions et de départs se sont produits à la suite des récurrentes envolées lyriques du président.
Seulement voilà, depuis janvier 2011, sa fille Marine Le Pen a pris les rennes du parti. Cela fait 10 ans déjà que cette dernière prône une dédiabolisation du Front National et met tout en œuvre pour parvenir à ses fins, chose qui lui sera d’autant plus aisée maintenant du haut de sa nouvelle fonction. Exclusion des éléments perturbateurs, discours adouci mais toujours aussi ferme, liens avec la seconde guerre mondiale ou l’Algérie inexistants, tiroir à casseroles vide…. Marine Le Pen est même allé jusqu’à s’opposer à son père à plusieurs reprises, concernant ses propos sur le « détail » de la seconde guerre mondiale, par exemple, ou sur ses déclarations du même genre au journal Rivarol en 2005.
En plus de tout faire pour ne donner aucune munition au système médiatico-politique, il en est également fini des alliances et des rapprochements avec l’UMP. « Nous ne pouvons pas faire d’accords électoraux, d’alliances politiciennes, alors que nous avons des divergences si profondes avec l’UMP. Ce n’est pas une différence de degré que nous avons avec l’UMP, c’est une différence de nature » a déclaré la nouvelle présidente du FN, fermant ainsi la porte à toute spéculation.
Aucun doute, la volonté de changer d’image est bien réelle. Reste une chose essentielle à accomplir : se séparer de Jean-Marie Le Pen, président d’honneur et toujours aux manettes des finances du parti, afin d’être débarrassé des bâtons qu’il continue de glisser, volontairement ou non, dans les roues de sa fille (voir l’article complet à ce sujet).
Si les partis tels que le Modem, EELV, République Solidaire, le Nouveau Centre, le Parti Radical et bien d’autres, font indéniablement partie du système de par leurs perpétuels alliances et accords électoraux avec l’UMPS, le Front National n’a rien à voir, de près ou de loin, avec cette consanguinité politique. Pour ce qui est du Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, il a déjà été clairement établi dans un précédent article que son appartenance au système n’était plus à prouver. L’internationalisme de l’extrême gauche, idiots-utiles officiels, fait ouvertement le jeu du patronat, raison simple pour laquelle ce genre de mouvements dits révolutionnaires n’est jamais inquiété.
Le FN, lui, l’est de toute part à commencer par celle, non négligeable, du Medef. « Nous considérons que Marine Le Pen représente un danger pour notre pays » a encore déclaré sa présidente, Laurence Parisot, ce mardi sur Europe 1. « Je peux le dire en tant que présidente du Medef (sic) que son programme économique aboutirait à un chaos. C’est la ruine de notre pays, tout simplement » a poursuivi celle qui a co-signé un livre intitulé Un piège bleu marine, publié aux éditions Calmann-Lévy. Marine Le Pen n’a pas manqué de rappeler d’ailleurs sur TF1 ce jeudi que la seule fois dans l’Histoire où le Medef a appelé à voter contre un parti, c’était contre Mitterrand en 1981, ce dernier ayant par la suite été élu avec 51,76% des suffrages. Un signe ?
Existe-t-il un symptôme plus évocateur que celui d’être à la fois la cible principale du Medef, de l’extrême gauche, et de l’UMPS – qui monte des « fronts républicains » pour faire barrage à la bête immonde ? A noter que le Front National est également le seul parti politique de France à avoir contre lui des mouvements militants n’ayant pour seul but que de perturber ou d’empêcher son expression et son développement (Ras l’front et SCALP). Difficile de faire partie d’un système qui vous rejette, d’autant plus lorsque cela est réciproque.
Représente-t-il la véritable opposition ?
Sans aucun doute, le programme du Front National fait partie de ceux qui se distinguent le plus de la ligne adoptée par les partis du système. Entre autres :
- Retour à la souveraineté monétaire (sortie de l’euro), territoriale (sortie de l’UE)
- Politique de dissuasion (modification des conditions d’attribution des aides sociales et de la nationalité française) et d’action (expulsion des clandestins, retour à la maîtrise des frontières) vouée à stopper l’immigration massive
- Application réelle de la laïcité républicaine
- Retour à l’assimilation
- Restauration de la Banque de France dans ses prérogatives d’institution monétaire
- Allégement des charges sur les PME
- Mis en place d’un Etat fort, stratège, et d’un protectionnisme économique (arrêt des délocalisations)
- Nationalisations des secteurs stratégiques
- Rayonnement international de la France et sortie de l’OTAN
Tant de choses qui ne correspondent en rien à la politique, au fort penchant mondialiste, menée depuis des décennies par les gouvernements successifs, de Droite comme de Gauche. Ainsi, il est impensable qu’un parti aux visions si différentes fasse partie intégrante d’un système aux antipodes sur tous les points.
Marine Le Pen a-t-elle ses chances de remporter un jour l’élection présidentielle ?
Il ne faut pas se leurrer. Lorsqu’on combat le système sur son propre terrain, il est extrêmement difficile de le mettre à mal. Pourtant, il en est – presque – terminé de la vieille époque où Jean-Marie Le Pen fonçait tête baissée, du haut de sa franchise et de son parler cru, sans jamais remettre en question cette stratégie qui ne menait nulle part. Les divisions, internes et externes, n’en finissaient plus, et ces troubles apparaissaient comme autant de cadeaux livrés sans emballage au système politico-médiatique. Les médias en avaient pour leur audience, les politiques pour leurs voix.
Désormais, avec Marine Le Pen, la partie est jouée intelligemment des deux côtés. La machine à dédiaboliser est en marche, le programme est clairement défini, la popularité suit. Si le FN a toujours stagné, depuis les années 80, entre 10 et 17%, la nouvelle présidente compte bien en finir avec ces scores maudits et franchir le seuil des 20% en vue du premier tour. En cas de duel avec la Gauche au second, la candidate frontiste a toutes les chances de recueillir nombre de voix à Droite, son infréquentabilité ayant drastiquement diminuée et la sympathie des électeurs de Droite n’étant plus à prouver.
Une mission difficile, mais pas impossible, d’autant que 2012 est encore à bonne distance, que le processus d’assainissement poursuit sa route, et que le score des dernières cantonales est plus qu’en progression : 19,2% au premier tour (plus que l’UMP), et près de 40% au second tour (dans les cantons où le FN y était présent).
Faits de moindre importance mais à rappeler tout de même : Le 8 mars 2011, selon un sondage Harris-Interactive, Marine Le Pen était créditée de 24 % des voix premier tour quelque soit le candidat socialiste. C’est la première fois sous la Ve République qu’un candidat dit « d’extrême droite » est donné en tête du premier tour de l’élection présidentielle. D’autres sondages encourageants ont ensuite suivis. Même s’ils ne restent que des sondages douteux parmi d’autres, ils rapportent une tendance bien réelle. Depuis cet été, les estimations ont baissé, mais, quoi qu’il arrive, un seuil a été franchi. En avril 2011, elle était également classée comme l’une des 100 personnes les plus influentes au monde par le magazine américain Time. Une première.
Point litigieux : la présence médiatique de la candidate frontiste a souvent tendance à donner des arguments à ceux qui prétendant qu’elle fait partie du système. Il ne faut pas oublier que la logique des médias repose beaucoup sur l’audimat, et que, l’attente étant particulièrement importante en ce qui concerne Marine Le Pen, ces derniers n’ont aucune raison de ne pas participer à la fête. A chacun de ses passages télévisés, les résultats d’audience sont excellents, les publicitaires sont ravis, l’argent tombe et la fidélité des téléspectateurs est conservée. De la même manière que les livres dissidents, comme celui d’Alain Soral par exemple, sont présents en nombre à la FNAC, Marine Le Pen passe à la télévision.
Qui a dit que la vénalité du système ne pouvait pas prendre le dessus sur sa cohérence ? Ce dernier ne se gênera pas pour scier la branche sur laquelle il est assis, pourvu qu’il en récolte les fruits. Quand cette même branche se fera trop fragile, il sera peut-être trop tard, et sans doute s’en mordra-t-il les doigts. Dans bien des cas, le profit immédiat surpasse l’éternelle Raison du long terme. Aucune raison donc pour que Marine Le Pen ne profite pas des carences du système qu’elle combat. Qu’il s’agisse de Jules César, de Napoléon Bonaparte ou de son neveu, Napoléon III (et bien d’autres), tous ont su à un moment faire tête basse, utiliser le système à leur compte, faire preuve d’habileté politique, et cueillir le fruit du pouvoir une fois celui-ci bien mûr. Une fois aux manettes, une fois propulsés sur le trône, ils ont pu alors bouleverser l’ordre en place. Ne dit-on pas que la fin justifie les moyens ?
Conclusion
A la vue de ces multiples analyses, quelle réponse apporter ? Comme on l’a vu, le FN a, il fut un temps, pleinement fait partie du système. Sans aucun doute, en jouant le jeu de la République et des élections, le Front National a-t-il encore au moins un pied dedans. Mais avec Marine Le Pen à sa tête, aujourd’hui, les choses ont changé. L’intelligence politique est désormais présente sur les deux tableaux, le Medef sort ses griffes, le Front Républicain se tient prêt.
Avec le processus de dédiabolisation qui fait son chemin, le programme en parfaite rupture avec la ligne dominante, et le soutien populaire de plus en plus important, tout reste possible. Et puis, depuis quand les chances de réussite d’un opposant le privent-elles de son statut d’opposant ? Au moins le FN aura-t-il le mérite d’amener de la pluralité, au débat comme au vote, et de proposer un choix patriotique différent du consensus mondialiste.
Marine Le Pen parviendra-t-elle un jour à ses fins ? Rien n’est moins sûr, tout dépendra des circonstances. Mais quoi qu’il en soit, force est de constater, au vu des arguments développés précédemment, que le parti qu’elle dirige aujourd’hui – et ce, qu’on l’apprécie ou qu’on le haïsse - semble bel et bien en dehors de ce système oligarchique qu’il n’a de cesse de combattre, et souvent, aussi, de faire trembler.
Christopher Lings ( Enquête & Débat )
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