Brice Hortefeux ? Une vieille connaissance. Dans les années 1993-1995, la guerre fait rage à l’intérieur de la droite française. Quels sont les deux clans qui s’affrontent ?
1- Le clan du Premier ministre Edouard Balladur, son directeur de cabinet : Nicolas Bazire, le ministre du Budget Nicolas Sarkozy, le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy : Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, le ministre de la Défense François Léotard, le directeur de cabinet de François Léotard : Renaud Donnedieu de Vabres, le conseiller de François Léotard : Hervé Morin.
2- Le clan du patron du RPR Jacques Chirac.
Edouard Balladur et Jacques Chirac sont tous les deux candidats à l’élection présidentielle de mai 1995.
Quel a été le budget de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995 ?
Réponse :
Le compte de campagne de M. Edouard Balladur est arrêté comme suit (en francs) :
- Dépenses : Mandataire : 83 846 491 ; Partis politiques : 5 929 628 ; Avantages en nature : 0 ;
Total : 89 776 119 francs.
- Recettes : Mandataire : 85 676 060 ; Partis politiques : 5 929 628 ; Avantages en nature : 0 ;
Total : 91 605 688 francs.
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/depuis-1958/decisions-par-date/1995/compte-balladur-1995/decision-compte-balladur-1995-du-11-octobre-1995.10707.html
Edouard Balladur ne pouvait pas compter sur l’aide financière de son propre parti politique, le RPR. En effet, pendant la campagne présidentielle de 1995, le RPR finançait le candidat Jacques Chirac.
Questions : en 1995, où le clan Balladur-Sarkozy a-t-il trouvé ces 90 millions de francs ? Comment le clan Balladur-Sarkozy a-t-il pu financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur ?
Lisez cet article :
Affaire de Karachi : la Direction des Constructions Navales confirme la piste de rétrocommissions en France.
Les juges d’instruction Marc Trévidic et Yves Jannier, chargés de l’enquête sur l’attentat de Karachi, disposent désormais au dossier de deux documents explosifs issus de la Direction des constructions navales (DCN). Ils confirment, noir sur blanc, la piste du versement de rétrocommissions en 1994-1995 à des responsables politiques français en marge d’un important contrat d’armement avec le Pakistan, selon des témoignages et documents exclusifs recueillis par Mediapart.
L’attentat de Karachi a causé la mort, le 8 mai 2002, de quinze personnes dont onze employés français de la DCN qui travaillaient à la livraison de sous-marins Agosta vendus, en 1994, au Pakistan, par le gouvernement de l’ancien premier ministre Edouard Balladur.
Selon une enquête interne à la DCN, menée en 2002 sous le nom de code « Nautilus » par un ancien agent de la Direction de la surveillance du territoire (DST), Claude Thévenet, les causes véritables de l’attentat, initialement imputé à la mouvance Al-Qaida, seraient en réalité liées au non-versement de commissions occultes dues par la France à des officiels pakistanais (politiques et/ou militaires), comme l’avait révélé Mediapart en septembre 2008.
L’arrêt de ces paiements fut le fait, en juillet 1996, du nouveau président de la République, Jacques Chirac. Celui-ci aurait alors suspecté son rival de l’époque, Edouard Balladur, d’avoir financé illégalement sa campagne présidentielle de 1995 à la faveur de deux gros contrats d’armement signés sous son gouvernement. L’un avec l’Arabie saoudite (contrat Sawari 2) ; l’autre avec le Pakistan (contrat Agosta).
Le mécanisme mis en place aurait alors consisté à récupérer, par le biais de rétrocommissions, une partie de l’argent initialement versé dans le cadre de ces contrats à deux intermédiaires libanais, Ziad Takieddine et Abdulrahman El-Assir.
Le directeur de la campagne électorale de M. Balladur était aussi son ministre du budget pendant la cohabitation de 1993-1995 : Nicolas Sarkozy.
S’il n’existe, pour l’heure, aucune preuve matérielle d’un lien entre l’arrêt du versement des commissions et l’origine de l’attentat, l’affaire de Karachi permet aujourd’hui de mettre en lumière les obscures pratiques financières qui entourent certains grands contrats d’armement internationaux. Elle réveille le spectre de la corruption et du financement illégal de la vie politique française qui en découle.
Dans le cas du Pakistan, les juges Trévidic et Jannier ont récupéré ces derniers mois deux documents saisis lors d’une perquisition au siège de la DCN dans le cadre d’une affaire financière annexe, mais dont certains éléments ont été versés au dossier antiterroriste. Ces documents, non signés et non datés, mais extrêmement circonstanciés, font partie d’un lot de notes dont la première d’entre elles est à en-tête de la DCNI, une filiale de la DCN chargée de la commercialisation de son matériel de guerre.
Ils évoquent les moyens pour la DCN et sa filiale DCNI de récupérer les sommes qui n’ont pas été versées aux intermédiaires du contrat Agosta. Ceux-ci devaient toucher, au total, 4 % du montant global du contrat (825 millions d’euros) jusqu’à ce que le versement de 15 % des commissions – soit environ 5 millions d’euros – ait été stoppé net en 1996 par Jacques Chirac, le reste ayant été déjà payé dans un délai inhabituellement court pour ce type de contrat.
Des commissions bénéficiant à « des intérêts français »...
Dans l’un de ces documents, titré « Concultancy agreement 12 juillet 1994 – Reprise de provision », il est clairement indiqué que l’intermédiaire missionné par la DCN a agi en « violation de la clause prohibant les retours des commissions en France ». C’est la première fois que l’hypothèse des rétrocommissions est évoquée aussi frontalement dans un document émanant de la DCN. Il est également indiqué, sous la rubrique « Discussion », que la DCN serait en droit de réclamer « le remboursement des commissions déjà réglées ».
« Bien entendu, la violation de cette disposition [interdisant le versement de rétro-commissions] devra être établie, preuve à l’appui. Nous partons du principe que cette preuve pourra être apportée bien que DCNI ne dispose à notre connaissance d’aucun élément à cet égard, en dehors des déclarations et instructions en provenance des autorités françaises. » Il n’est pas inutile de relever la certitude avec laquelle il semblerait que la « preuve » de ces rétrocommissions, qui ont toujours été prohibées par le droit français, « pourra être apportée »…
Le document en question date, selon toute vraisemblance, de l’été 2000 puisqu’il évoque l’entrée en vigueur « d’ici deux ou trois mois » de la convention OCDE contre la corruption d’agents étrangers dans le cadre des marchés d’armement. Or, celle-ci date de septembre 2000.
Dans une autre note, similaire dans sa forme, mais également non datée et non signée – ce que l’on peut comprendre vu l’extrême sensibilité du sujet –, on peut lire que « la DCNI a décidé en 1996 d’interrompre le versement dû au Consultant après avoir été informé par les autorités françaises du fait qu’une partie des commissions était susceptible de bénéficier à des intérêts français ».
Le document, qui fait expressément référence au contrat du 21 septembre 1994 (date de la signature du contrat Agosta avec le Pakistan), indique par ailleurs que « les commissions ont été versées jusqu’au 15 juillet 1996 avec quelques retards en 1995 ayant fait l’objet d’une relance du consultant en octobre 1995 ». Puis que les paiements ont été « bloqués » en juillet 1996 « sur instructions des autorités françaises faisant état de retours illicites de tout ou partie des commissions en France ».
L’interdiction de se livrer à tout versement de rétrocommissions était, d’après la DCN, mentionnée dans l’article 9 du contrat signé avec les intermédiaires.
L’auteur de la note va plus loin. « Compte tenu des sanctions pénales frappant les faits de corruption commis en France, écrit-il, cette disposition contractuelle est fondamentale et sa violation constitue une rupture contractuelle justifiant la résiliation du contrat. »
L’Elysée suit l’affaire de près.
On lit encore, comme une confirmation, que « la DCNI a décidé en 1996 d’interrompre le versement dû au Consultant après avoir été informée par les autorités françaises du fait qu’une partie des commissions était susceptible de bénéficier à des intérêts français […] L’arrêt des paiements n’a, de manière surprenante, entraîné aucune réaction de la part du Consultant, resté silencieux jusqu’ici ». Ce silence est interprété par les juristes de la DCN comme une « forte présomption d’acquiescement ».
Mais en cas de « réclamation » de la part du « consultant », il est envisagé par l’entreprise de se rapprocher des « autorités compétentes afin d’établir les faits constitutifs de la violation de l’article 9 », dont « il n’existe pas de preuves matérielles à notre dossier », souligne l’auteur anonyme du document.
Selon la même note, l’original du contrat liant la DCN à ses intermédiaires n’aurait pas été détruit et serait jalousement conservé dans le coffre d’un notaire suisse, comme l’avait déjà souligné l’ancien directeur financier de la DCN, Gérard-Philippe Menayas, dans un mémo datant d’avril 2008.
M. Menayas avait pour sa part confirmé, le 14 mai 2009, dans le bureau du juge Trévidic, l’étroitesse des liens unissant les intermédiaires El-Assir et Takieddine et le gouvernement Balladur : « Il est parfaitement exact que Ziad Takieddine a été imposé à la DCNI par le pouvoir politique ainsi qu’Abdulrahman El-Assir. Quand je parle de pouvoir politique, c’est le ministre de la défense [François Léotard] ou son cabinet. Je sais que El-Assir et Ziad voulaient intervenir dans les contrats saoudiens mais, en 1996, ils ont été écartés par le nouveau gouvernement, étant donné leur proximité avec l’ancien. »
La révélation de l’existence de notes issues de la DCN mentionnant le possible versement de rétrocommissions à destinations des balladuriens, à l’époque où Nicolas Sarkozy était l’un de ses ministres les plus influents et son directeur de campagne, n’est pas pour rassurer l’Elysée, qui suit de très près les développements des affaires impliquant la DCN.
Déjà, dans un rapport de synthèse du 5 mars 2007, les policiers de la Division nationale des investigations financières (DNIF) ont fait ainsi allusion à une note découverte lors d’une perquisition à la DCN.
D’après les enquêteurs, celle-ci « retrace les agissements du représentant de la DCNI au Luxembourg, Jean-Marie Boivin, d’août 1994 à 2004, avec notamment la création des sociétés Heine et Eurolux. Elle fait ainsi apparaître que la création de la société Heine au second semestre 1994 s’est faite après accord de Nicolas Bazire, directeur de cabinet du premier ministre Edouard Balladur, et du ministre du budget Nicolas Sarkozy, et fait un lien entre le financement de la campagne électorale de M. Balladur pour l’élection présidentielle de 1995 ».
Confinée jusqu’ici à quelques témoignages épars, la piste des rétrocommissions et du financement politique occulte est donc en train de prendre une nouvelle ampleur avec, pour la première fois, des documents émanant de la DCN qui lui donnent corps. Même si aucune preuve formelle n’est encore à la disposition de la justice.
http://www.mediapart.fr/article/offert/cf9dde56c3421bc95c3186b4e77456e2