Le Grand Soir et les Privilégiés
Petite réflexion pour un 220è anniversaire
La nuit du 4 août 1789, l’Assemblée constituante issue des Etats généraux, se réunit pour un débat animé et fondateur. La misère sociale et la révolte sont en train de grossir. Cette nuit-là, le parlement révolutionnaire n’adopte pas l’abolition des privilèges. La formule est inexacte. En revanche, les droits féodaux sont « rachetés ». Autrement dit, la noblesse devient riche et moins puissante ; l’Ancien Régime, fondé sur la propriété héréditaire des terres et du pouvoir, passe à un régime de société bourgeoise. Le libéralisme économique et politique, déjà exprimé dans certains cercles de pensée, une vingtaine d’années plus tôt, devient une possibilité de corriger certaines inégalités. La nuit du 4 août 1789 fonde surtout un principe qui engage l’Etat sur une voie nouvelle : « l’égalité devant la loi ». Et son corollaire fiscal : « à revenu égal, impôt égal ».
220 ans plus tard, comme le répèterait sans doute Pierre Desproges aujourd’hui, « les Bourgeois sont toujours sur le trône ». Qu’on veuille bien me pardonner cette digression anachronique. Ce qui frappe encore, de nos jours, c’est une certaine difficulté de notre démocratie à mettre en oeuvre l’essence même du libéralisme politique.
Etrange démocratie
Car la France est ce pays étrange où l’égalité devant la loi revient à multiplier les niches fiscales et à favoriser les plus riches, même en temps de crise : le bouclier fiscal de Nicolas Sarkozy en est la preuve. La France est cette Nation bizarre où la loi - générale en théorie - s’applique régulièrement à des morceaux de territoires ou à des corporations : la récente loi sur le travail du dimanche est un exemple flagrant.
François Bayrou - homme privilégié à bien des égards, et homme de droite selon certains - a le grand mérite de mettre l’accent clairement sur ces questions. Son dernier livre, « Abus de pouvoir », est sans doute sorti trop tôt. Accusé d’anti-sarkozysme - ô grand malheur du temps des élections européennes - cet ouvrage écrit par le président du Mouvement Démocrate eût mieux fait d’être publié le 4 août 2009.
Sans promettre le Grand Soir, François Bayrou, avec sa vision politique libérale et sociale, apparaît aujourd’hui mieux inspiré que bon nombre d’autres responsables politiques privilégiés. Il est de bon ton de ridiculiser ceux qui convoitent le pouvoir en ce moment, surtout quand ils échouent. Et François Bayrou est sous le feu de la critique jusque dans son propre parti. Mais il est tellement plaisant de livrer ici cette petite réflexion, en mangeant un plat de lentilles, dans cette France originale où certaines idées nobles passent aux oubliettes aussi vite que les hirondelles font leur révolution annuelle.
Laurent Watrin
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