Le loup déguisé en mouton

La politique est le terrain de prédilection des prédateurs, même si certains se donnent des allures de mouton, ils restent malgré tout des loups redoutables, d’autant plus lorsqu’ils chassent en meute.
L’un de ces loups s’appelle Alexandre Benalla.
Mais qui est Alexandre Benalla ?
Cet agent de sécurité proche de la présidence s’est invité lors des manifs du 1er mai, se coiffant illégalement d’un casque de CRS et faisant le coup de poing sur deux jeunes étudiants bien inoffensifs.
Le lendemain l’intéressé se voyait imposer une légère sanction...bien en dessous de ce que la loi prévoit.
Ci-dessous la lettre qui lui apprend sa sanction.
15 jours de mise à pied, et réintégration dans un autre service, c’est mieux que de la mansuétude, et c’est très éloigné de ce que la loi prévoit.
Les articles 433-14 et 433-15 punissent de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque les infractions ont pour objet de préparer ou de faciliter la commission d’un crime ou d’un délit.
Or, lorsqu’un civil se pare des attributs de gendarme (casque de crs, brassard de gendarme) pour aller tabasser 2 étudiants, il s’agit bien de ça.
D’ailleurs l’enquête confiée à la BRDP (brigade de répression de la délinquance contre la personne) porte sur les chefs de « violence par personne chargée d’une mission de service public, usurpation de fonctions et usurpation de signes réservés à l’autorité publique ». lien
Et ce n’est pas tout.
Il y a un autre personnage peu évoqué dans les médias traditionnels, il s’appelle Vincent Crase, et il a été présent lors de ces tristes agissements.
Il ne chômait pas non plus : alors que son collègue Benalla faisait le coup de feu, Crase distribuait les baffes.
Médiapart a publié une nouvelle vidéo où l’on voit dans le détail les violences exercées par la garde rapprochée de Macron. lien
Selon des sources bien informées, ce Crase était aussi au cœur de la protection rapprochée de Macron, et il vient finalement d’être remercié après beaucoup de tergiversations. lien
Ces deux hommes faisaient partie du petit monde qui protège le président de la république,... ils s’appellent entre eux « les mormons » et avaient toute la confiance de Macron... voiture avec chauffeur, appartement de fonction, aux ordres de la présidence à tout instant...
Un article paru dans « l’Express » donne quelques détails supplémentaires sur les largesses dont profitait Benalla.
Ajoutons pour la bonne bouche que Benalla n’en est pas à sa première bavure.
Lors d’un meeting de Macron, le 4 mars 2017, il s’est emporté sur un journaliste qui travaillait pour public Sénat, le ceinturant, lui arrachant son accréditation presse qui permettait au journaliste d’être au plus près du candidat présidentiel.
La lettre que la direction de Public Sénat dénonçant cet acte injustifié avait envoyée à Macron était restée sans réponse.
Ce n’est hélas pas tout.
Le 16 novembre 2016, lors de sa déclaration de candidature à la présidentielle, un militant communiste qui avait l’intention d’interpeller le candidat, avait été refoulé brutalement.
Alexandre Benalla lui a donné un coup de tête et une béquille, alors que le militant affirmait n’avoir pas été violent. lien
Cerise sur le gâteau, c’est ce même Benalla qui, assurant la sécurité présidentielle, avait provoqué un accident, et tenté de prendre la fuite pour éviter les problèmes. Lien
Et si on remonte un peu dans le temps, on apprend qu’en juillet 2016, alors que Hollande assurait la présidence de la république, Benalla était porteur d’une lettre de mission, destinée à Jean-Marc Mormeck, chef de la délégation interministérielle aux Outre-mer, devenant du fait chef de cabinet de celui-ci. lien
Nous devons à Jean-Luc Mélenchon d’avoir rappelé ce tweet présidentiel lors des violences de mai 2018 : « je condamne avec une absolue fermeté les violences qui ont eu lieu aujourd’hui et qui ont dévoyé les cortèges du 1er mai. Tout sera fait pour que leurs auteurs soient identifiés et tenus responsables de leurs actes ». lien
On finira par douter de cette volonté présidentielle, car sans le quotidien « Le Monde », l’affaire n’aurait peut-être jamais été connue. lien
L’épisode Benalla ne fera rien pour sortir la présidence du désamour actuel, et tout le temps perdu actuellement en hésitations diverses ne va rien arranger.
Après avoir rappelé qu’une sanction avait été prise tout de suite... (lien) L’Elysée a finalement, sous la pression, entamé une procédure de licenciement...évoquant « des faits nouveaux »... pour justifier son silence jusque-là. lien
Ces faits nouveaux posent problème, car il s’agit des vidéosurveillances que Benalla avait obtenues de la préfecture de police...entraînant le licenciement des 3 policiers qui lui avaient donné ces images...
Ne sont-ils pas de bien pratiques boucs émissaires se demandent de nombreux observateurs ?
A ce stade de l’affaire, on peut aussi s’interroger sur ces vidéos : en effet, la procédure prévoit leur effacement au bout d’un mois, or ça n’a pas été le cas...quelle est donc la raison de cet oubli ?
Le ministre de l’intérieur se trouve maintenant pris à son tour dans la tourmente, car il avait affirmé découvrir cette affaire lors de la parution du journal « le Monde », or on apprend maintenant que c’est lui, qui, dès le 2 mai avait donné l’information à la présidence de l’Elysée. Lien
Ce n’est pas tout, il fallait compter sur la presse irlandaise pour en apprendre en peu plus.
Elle évoque des photos embarrassantes pour la présidence : Benalla avec Macron et son épouse pendant les vacances au Touquet et sur les pistes de ski Pyrénéennes...
faisant apparaitre que Benalla et quelques autres faisaient partie du cercle des intimes de la présidence, Benalla étant le seul responsable de la sécurité à avoir accès à la maison des Macrons, et au bureau du 6ème étage du candidat au siège de la campagne.
Et puis comment expliquer la présence de Benalla aux côtés de Macron lors du transfert de la dépouille de Simone Veil au Panthéon, alors que celui-ci avait été sanctionné ? lien
Comment expliquer aussi sa présence lors du défilé du 14 juillet auprès du couple présidentiel ?
Ou sa présence dans le bus qui avait fait traverser les Champs-Elysées l’équipe victorieuse du mondial de foot ? lien
Chaque jour qui passe apporte son lot de surprises, et on a appris le 21 juillet que Benalla était en possession d’un badge qui lui permettait d’accéder à l’Assemblée Nationale...or, rien ne le justifie puisque sa mission était dédiée au seul président de la république...et que ce dernier ne participe pas aux débats des députés. lien
Un président silencieux, un ministre qui tient un double discours, des barbouses présidentielles, des sanctions pas appliquées, pas étonnant que cette affaire prenne une telle ampleur.
Depuis le début du scandale, tous les fusibles sautent, les uns après les autres : d’abord les 3 fonctionnaires qui ont fourni les vidéos à l’intéressé, avec l’accord élyséen, puis l’intéressé lui-même, son comparse, Vincent Crase.
Le 23 juillet, Gérard Collomb a tenté de se dédouaner lors de son audition à l’Assemblée Nationale, affirmant n’être au courant de pas grand-chose, et d’avoir simplement transmis en haut lieu le 2 mai, le dérapage benallien lors du 1er mai, Place de la Contrescarpe, tentant de faire porter le chapeau à la préfecture de police, (lequel préfet affirme que Benalla n’était pas sous son autorité (lien) et rejette toute responsabilité dans cette affaire) et au cabinet de la présidence de la république. lien vidéo
Or, ça ne correspond pas à ces déclarations antérieures, comme on l’a découvert plus haut.
Le dernier entendu était le directeur de l’ordre public et il a affirmé que Benalla n’avait aucune autorisation qui lui permette d’agir comme il l’avait fait, ajoutant que l’intéressé avait participé à des réunions officielles entre le 2 et le 18 mai, alors qu’il était suspendu. lien
Mais la justice en restera-t-elle là se contentant de punir « les lampistes », ou va-t-elle regarder plus haut ?
Décidément le vernis présidentiel n’en finit pas de craquer : celui qui prend aux pauvres pour donner aux riches s’est particulièrement illustré lors du mondial, tentant de s’accaparer le succès des bleus, privant 300 000 fans du mondial d’honorer comme ils le voulaient, leurs champions...le bus était, parait-il, en retard, il ne pouvait pas perdre son temps sur les Champs-Elysées... il fallait se rendre à l’invitation présidentielle...
Devant l’effondrement progressif de sa cote de popularité, Macron fait tout ce qu’il peut pour la faire remonter... en vain.
Le philosophe Michel Onfray s’est exprimé sur ce qu’il faut bien aujourd’hui appeler « l’affaire Benalla », et son analyse mérite le détour. lien
Pas surprenant non plus que des citoyens commencent à réclamer sa destitution (ici) ou lancent une pétition, c’est ici
Le premier intéressé a déclaré qu’il prendra bientôt la parole pour s’expliquer...
Comment finira ce feuilleton de l’été ? L’avenir nous le dira car comme affirme mon vieil ami africain : « ce que le vieux voit assis, le jeune ne le voit pas debout ».
L’image illustrant l’article vient de www.hiram.be
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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