Le miracle économique grec, irlandais, portugais, espagnol
Depuis des années, nous entendons parler des PIGS (les porcs) ou GIPS (les gitans) : le Portugal, l’Irlande (ou l’Italie), la Grèce, l’Espagne. Aujourd’hui ce sont les pays par qui le scandale arrive. Et une bonne part de notre classe politique d’imputer les difficultés européennes aux politiques irresponsables qu’ils ont suivi : endettement public ou privé, bulles… La cause est entendue, le fait que la Grèce n’a pas sa place dans la zone euro est désormais ouvertement assumée par de nombreux « responsables », et le jugement porté sur les autres pays n’est guère plus tendre. Prenons-en le contrepied.
Car ces quatre pays sont sans doute la plus belle histoire dont l’Europe puisse se vanter. On découvre ainsi au détour de lectures sur the Economist une information surprenante : la principale difficulté dans le développement de pays est moins la sortie de la grande pauvreté, pour laquelle les recettes sont somme toute connues, que la capacité à se hausser au-delà d’une situation moyenne pour se rapprocher du niveau de vie des Etats-Unis, c’est à dire entrer dans le club des pays développés. Jusqu’ici, la Chine tant vantée n’y est pas arrivée, elle reste à son niveau relatif d’il y’a 50 ans. Depuis 1960, seuls 13 pays ont réussi ce saut vers les pays développés. Et même en réalité 10 seulement si on retire 3 micro-pays qui constituent des anomalies statistiques (Guinée équatoriale, Puerto Rico, Ile Maurice)
Qui sont ces 10 pays ? Le Japon, seul pays non occidental à avoir réussi indépendamment son industrialisation, l’Asie du Sud-Est (les Tigres développés à partir de l’industrie nippone), Israël (plus grand récipiendaire de l’aide internationale des USA) et quatre européens : Grèce, Irlande, Espagne, Portugal. Ce développement exceptionnel n’était concevable qu’avec un adossement à l’Union Européenne. Entre des institutions plus adaptées, l’entrée dans un marché plus grand, et des fonds de solidarité massifs, les éléments qui ont permis ce changement de monde pour les quatre GIPS sont étroitement liés à leur entrée dans l’Europe, puis dans l’Euro.
Est-ce un hasard si ce sont précisément les quatre pays en crise dans l’Europe de l’Ouest ? Chacun aujourd’hui s’interroge sur les déséquilibres de la croissance chinoise. Mais la Chine n’a pas encore réussi une transformation de la même ampleur que les GIPS. Comment peut-on sérieusement imaginer que le bond extraordinaire qu’ils ont fait, la modification profonde de leur système économique, a pu advenir sans déséquilibres ?
Il est facile, a posteriori, de reprocher ces déséquilibres à ces pays. Aurait-on préféré qu’ils restent des pays pauvres ? Car bien que touchés par la crise aujourd’hui, ce sont désormais des pays riches. Le problème n’est pas que des déséquilibres aient existé, ils sont qu’on les a laissés perdurer. Une fois acquis le rattrapage grec, personne ne s’est inquiété de la fausseté de ses comptes publics, que tous connaissaient. La dépendance de l’Irlande au secteur financier n’a pas tiré de sonnette d’alarme. Et les banques françaises et allemande ont alimenté la bulle immobilière espagnole dans l’euphorie générale. La responsabilité est partagée.
Le véritable problème – de fond – de la zone euro est qu’elle ne s’est jamais donné les moyens de réagir à ces déséquilibres, ni de venir au secours de ces pays si ils devaient connaître des difficultés. La Grèce a beau s’enfoncer dans la récession, elle reste un pays riche qui pourrait financer sa solidarité nationale comme elle le faisant avec moins de moyens, si sa classe politique parvenait à un accord sur ce point. Le problème n’est pas le déséquilibre initial, il est la cure d’austérité imposée à ces pays. C’est la gouvernance européenne qui fait défaut. Au sein de la France, le soutien entre les différentes régions est automatique et ne fait pas débat. Soutenir les GIPS le temps qu’ils se remettent sur pied aurait coûte moins cher, à tout le monde.
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