Le New Deal du langage politique
Dans l’art de la communication en
politique, l’image ne fait pas tout. Le choix des mots revêt aussi une
importance fondamentale.
Durant la campagne, nous nous étions déjà beaucoup amusés de "l’oxymore des politiques", ce petit jeu de ping-pong
rhétorique, auquel s’étaient livrés Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, consistant à produire des slogans fédérateurs en
juxtaposant deux termes contradictoires, et de préférence une valeur de gauche et une valeur de droite.
Souvenez-vous... La rupture tranquille... L’ordre juste... Cette
amnésie soudaine de nos deux jeunes passe-murailles de la politique,
qui aurait pu sonner juste et sincère, préfigurant un renouveau
politique, n’eût été évidemment la célèbre "force tranquille" du
pionnier du genre, François Mitterrand en 1981.
Pas facile d’entrer dans l’Histoire. Pas facile de réinventer la
roue. M’est avis pourtant, et c’est tout à son honneur, qu’au-delà de
servir la France, Nicolas Sarkozy aimerait bien immortaliser son
action, écrire son chapitre, son petit moment de gloire dans les
manuels d’histoire, si l’on en juge par son goût prononcé de la
référence aux grands événements socio-politico-économiques du siècle
passé : les accords de Grenelle du gouvernement Pompidou, le New Deal ("nouvelle donne") de Roosevelt, le Plan Marshall...
Et de les recycler à volonté quitte à les vider d’ailleurs de leur
contenu, voire leur redorer le blason. On espère ainsi que le Grenelle
de l’environnement d’hier, le Grenelle de l’insertion d’aujourd’hui et
le Grenelle du pouvoir d’achat de demain ne connaîtront pas la même
issue que les accords de Grenelle, les vrais, ceux de 1968 qui,
rappelons-le, portaient sur l’augmentation du Smig et la réduction du
temps de travail, et n’avaient pas satisfait en eux-mêmes les ouvriers
en grève et mis fin à la crise sociale, ce qui m’amène à penser qu’en
matière de régimes spéciaux et de réforme universitaire, il n’est
finalement pas loin de le remporter haut la main son Grenelle Nicolas.
Du coup, le New Deal écologique et le plan Marshall des banlieues
paraissent beaucoup plus à propos, même s’il est bien évident que le
réchauffement climatique, la pollution et la disparition des espèces
n’ont strictement rien à voir avec la crise de 1929 et qu’il n’est
nullement question de compter sur l’ami américain pour nous donner un
coup de main dans les quartiers... Vu comme cela, vous comprendrez
qu’un plan Marshall évoqué un temps dans le cas du développement
durable prête quelque peu à sourire. Bref, on pourrait en faire un
roman, n’est-il pas ?
Sauf qu’à bien chercher, et vous me direz si j’ai tort, j’ai
l’impression qu’on a fait le tour des grands noms d’accords et de
politiques récupérables, de manière crédible je veux dire. On serait
bien tenté d’appeler de nos voeux une glasnost de la télévision et de la presse écrite, une perestroïka de la recherche et de l’industrie françaises, un programme Apollo de
l’emploi, quoique... non, franchement pas.
Que reste-t-il à faire alors ? Eh bien inventer, Nicolas, in-ven-ter !
Car l’Histoire est ingrate, elle se souvient plus volontiers des
leaders que des suiveurs, des innovateurs que des imitateurs, des
initiateurs que des repreneurs. Mais ne dit-on pas aussi que "les
grands diseurs ne font pas les grands faiseurs" ? Allez courage
Nicolas, encore quatre ans... et demi... au moins...
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