Le Parlement déserte ses hémicycles
La semaine passée au Sénat, puis cette semaine à l’Assemblée nationale, le Parlement français a innové : pour la première fois, des débats de contrôle en séance publique plénière se sont déroulés en dehors des hémicycles. Mardi 15 et jeudi 17 juin, les sénateurs ont siégé quelques heures dans la salle Médicis pour discuter de l’application de la réforme de l’Hôpital puis des nanotechnologies. Du côté du palais Bourbon, les députés en séance ce mardi 22 juin s’en sont allés débattre du principe de précaution dans la salle Lamartine.
À cette occasion, le président de l’Assemblée Bernard Accoyer justifiait l’initiative en ces termes :
« La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat dans la salle Lamartine afin qu’il soit plus direct, plus vivant, plus spontané et ainsi plus fructueux.
Ainsi, à l’inauguration de cette pratique au Sénat, quelques sénateurs ont protesté :
M. Guy Fischer. – La Conférence des Présidents a décidé, à la majorité, que ce débat se ferait non dans l’hémicycle, mais ici. Pourquoi ? Nous nous y étions opposés et voulons le faire savoir une nouvelle fois, même si cela ne sert à rien. Rien ne justifie de conduire un débat dans cet hémicycle, surtout quand le premier est vide, sauf à conclure que certains sujets n’intéressent qu’un « petit hémicycle ».
Pourtant, l’avenir de l’hôpital et l’accès des femmes à l’IVG n’est pas un petit sujet. Nous vivons douloureusement cette forme de relégation, qui s’apparente à un affaiblissement de la démocratie parlementaire.
M. le président G. Larcher. – Ce n’est pas un « petit hémicycle », mais la « Salle Médicis ». Je vous renvoie au compte rendu intégral de la Conférence des Présidents du 27 avril et de celle du 19 mai : il ne mentionne pas de vote. Il y a eu un accord pour tenir, à titre expérimental, une séance plénière salle Médicis, avec tout le protocole attaché à la séance publique. Votre déclaration aurait davantage sa place en Conférence des Présidents.
M. Jean-Pierre Sueur. – Permettez à des parlementaires non membres de la Conférence des Présidents de vous poser la question : pourquoi tenir ici une réunion qui aurait pu se tenir dans l’hémicycle ? Y a-t-il deux statuts pour la séance publique ?
Si l’on peut comprendre ce choix, clairement assumé par la réforme du règlement de l’Assemblée et par les conférences des présidents, il pose le problème de la visibilité des travaux organisés dans ces conditions. Ces salles disposent bien de tribunes publiques mais elles ne peuvent malheureusement pas accueillir autant de visiteurs : les traditionnelles visites de groupe invités par un parlementaire ont déjà fait les frais de ces changements, se retrouvant privées d’assister à la séance publique.
Le parlement a la double tâche de participer à la création de la loi et de contrôler l’exécutif. Pour traiter la question du contrôle, les deux chambres expérimentent désormais la tenue de ces débats entre une poignée de parlementaires. En organisant encore un peu plus la désertion des hémicycles, les institutions n’acteraient-elles pas symboliquement leur impuissance à s’emparer de la question de l’absentéisme ? Quelle qu’en soit la réponse, ce sont les citoyens qui se retrouvent un peu plus exclus encore de ces débats.
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