Le PCF prépare son 36ème congrès
Le 36ème congrès du PCF aura lieu début février. En attendant, vendredi et samedi 14 et 15 décembre, trois "textes alternatifs", tous issus de l'aile gauche du parti, affrontent le texte proposé par la direction. L'occasion de rappeler l'évolution du rapport de force interne au PCF depuis l'adoption du "pluralisme" au 31ème congrès et de se pencher sur les enjeux du résultat pour l'orientation stratégique au sein du Front de Gauche.
En prévision du prochain congrès du PCF, qui aura lieu du 7 au 10 février, les militants du parti sont appelés aux urnes les 14 et 15 décembre pour déterminer quel texte constituera la base commune de discussion des différentes instances locales et nationale. En effet, comme il est d'usage depuis le 31ème congrès (2001), les militants ont la possibilité de déposer des textes alternatifs au texte proposé par la direction du parti. Depuis que cette possibilité est laissée aux militants, le texte de la direction du parti a toujours été adopté, avec néanmoins une majorité qui, quoique absolue, était systématiquement moindre qu'attendu par les observateurs. Qu'on en juge : 55,02% au 32ème congrès, 63,56% au 33ème et 60,90% au 34ème, là où l'on s'attendait à ce que 75% au moins des militants valident la ligne de la direction. Le 35ème congrès, "d'étape", n'a pas donné lieu à confrontation entre textes différents, le seul texte alternatif soumis à la direction ayant été présenté comme une simple "contribution" et la base commune ayant été amendée par les délégués eux-mêmes "ligne par ligne" au cours d'un processus qui a beaucoup fait jaser dans le parti.
En sus du texte de la direction, ce seront trois textes alternatifs qui seront proposés aux militants du PCF. Tous ces textes sont issus de l'aile gauche du parti.
Même s'il a officiellement renoncé au "centralisme démocratique" au milieu des années 1990, le PCF ne reconnaît pas de tendances en son sein, aussi il est assez délicat de déterminer avec précision qui est à l'origine de quelle initiative. Historiquement, depuis le début des années 1990, le parti était traversé par deux tendances minoritaires en son sein :
- les "orthodoxes", pour qui les réformes et réorientations du PCF sont la marques d'une dérive vers la sociale-démocratie et le réformisme, et qui souhaitent renouer avec l'héritage marxiste-léniniste du parti qui a eu par trop tendance à se détourner de la lutte des classes et des travailleurs
- les "refondateurs", pour qui les nouveaux modes de contestation du capitalisme que sont les milieux associatifs, les altermondialistes, etc, sont un vivier d'action militante vers lequel le PCF doit se tourner pour sortir des anciens paradigmes du marxisme, inadaptés au capitalisme contemporain
Lors du 32ème congrès, le premier pluraliste, les deux composantes minoritaires sont sensiblement équivalentes :
- le texte des "orthodoxes", qui unit la fédération du Pas-de-Calais (la plus importante), l'association "Gauche Communiste" (ou "Gauche Communiste du PCF") constituée autour de Jean-Jacques Karman et la FNARC (une association qui deviendra en 2004 le PRCF), obtient 23,60% des voix
- le texte des "refondateurs", quant à lui, obtient 21,38% des voix
Mais dès le 33ème congrès, la minorité "refondatrice" s'insère dans la majorité, et ne persistent que des textes alternatifs issus de la gauche du parti. Le texte commun de la fédération du Pas-de-Calais et de la Gauche Communiste était arrivé en tête des textes alternatifs, avec 13% des voix. La fédération du 15ème arrondissement de Paris, connue pour être particulièrement virulente à l'encontre du tournant "réformiste" du PCF, avait également déposé un texte alternatif, qui a recueilli 8% des voix. De son côté, Maxime Gremetz, alors député de la Ière circonscription de la Somme et point encore exclu du PCF, avait lui aussi déposé un texte alternatif, qui n'a recueilli que 4% des voix. Deux autres "propositions partielles", toutes deux issues de la gauche du parti, avaient recueilli plus de 11% des suffrages.
La division des "orthodoxes" entre différentes orientations et différentes attitudes à l'égard de la direction du PCF ne les empêche donc pas de réunir plus d'un tiers des suffrages des militants. C'est sur la base de ce succès qu'au congrès suivant une tentative d'union de l'aile gauche du parti derrière un texte alternatif commun a eu lieu. Gauche Communiste, fédérations du Pas-de-Calais et du XVème arrondissement de Paris et ce qu'il reste des amis de Maxime Gremetz s'entendent sur un texte commun : "Faire vivre et renforcer le PCF".
Mais de son côté, La Riposte, branche français de la Tendance Marxiste Internationale, un mouvement trotskyste international qui refuse la stratégie de "l'avant-garde révolutionnaire" de l'extrême-gauche, estime que les partis trotskystes tels que LO, la LCR (future NPA) ou le POI sont coupés du peuple et cherche à influencer de l'intérieur les partis communistes "classiques" là où ils existent (et les partis sociaux-démocrates là où il n'y a pas de parti communiste), présente également un texte.
Finalement, au 34ème congrès, les deux tendances de la branche gauche du parti recueillent près de 40% des voix : 24,02% pour le texte "Faire vivre et renforcer le PCF", autour duquel va se constituer un "courant" informel, et 15,05% pour le texte de La Riposte. Entre le 32ème et le 34ème congrès, l'assise interne de la gauche du parti a presque doublé, renforcée par le boycott des "refondateurs", dont les têtes d'affiche ne vont pas tarder, à l'instar des "rénovateurs" des années 1990, à rejoindre soit le PS soit Les Verts soit de petits mouvements de la gauche alternative.
La démarche du Front de Gauche menée à partir de l'année suivante va rencontrer de la part de l'aile gauche du parti une vive opposition, qui se manifestera tout au long des années 2009 à 2011. Néanmoins, lors du scrutin interne portant sur la stratégie à adopter pour l'élection présidentielle de 2012 (candidature Mélenchon au nom du Front de Gauche, candidature Chassaigne au nom du Front de Gauche ou candidature Dang Trang au nom du seul PCF, André Gerin ayant retiré sa candidature au dernier moment et Maxime Gremetz n'ayant pas déposé la sienne), le rapport de force demeure inchangé, la ligne de la direction (soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon) étant soutenue par plus de 60% des militants. La candidature d'Emmanuel Dang Trang, seul candidat "orthodoxe", n'a pas réussi à réunir derrière elle les 40% de votes "orthodoxes" du 34ème congrès, loin s'en faut, car avec environ 5% des voix, elle est largement devancée par celle d'André Chassaigne qui recueille 35% des voix environ. Si André Chassaigne se situe clairement dans la ligne de la direction du PCF, le soutien apporté à sa candidature par la plupart des figures et des fédérations "orthodoxes" signale néanmoins qu'il leur aura servi à s'opposer au choix de la direction (et à l'option stratégique du Front de Gauche) sans pour autant apporter caution à la démarche maximaliste de la fédération du XVème arrondissement de Paris, dont Dang Trang est membre. Bien que considérer l'intégralité des 35% de votes en sa faveur comme ressortant de l'aile gauche du parti serait abusif, il est clair que la grande majorité des suffrages recueillis par la candidature d'André Chassaigne est à rattacher à cette démarche. Le rapport de force entre direction et aile gauche du parti demeure donc à ce moment-là de l'ordre de 60% contre 40%.
La très bonne campagne et le résultat plus qu'honorable (11,11%) de Jean-Luc Mélenchon à l'élection présidentielle de 2012 a néanmoins levé un certain nombre de préventions à l'endroit de la stratégie du Front de Gauche, y compris parmi les "orthodoxes". Aussi est-il fort possible que la gauche du parti ne réunisse pas autant de suffrages qu'au 34ème congrès.
Malgré la stratégie d'union de la gauche du PCF (à l'exception de La Riposte, qui continue sa route seule pour influencer le PCF de l'intérieur) après le succès de "Faire vivre et renforcer le PCF", l'intransigeance de la fédération du XVème arrondissement de Paris engendre la division, et cette dernière présente son propre texte, tandis que le reste des courants informels de "Faire vivre et renforcer le PCF", c'est-à-dire la fédération du Pas-de-Calais et la Gauche Communiste, présente un texte unitaire commun. Si la gauche du PCF recule bel et bien à l'occasion de ce congrès, il est possible qu'une nouvelle recomposition en son sein s'opère, les divergences stratégiques à l'égard de la direction et de la démarche du Front de Gauche, pour le moment dissimulées par la vocation unitaire du texte alternatif "Unir les communistes", pouvant alors surgir.
Mon pronostic personnel sur ce que seront les résultats de ce congrès :
Je pense que la gauche du PCF sera en léger recul, au-dessus de 30% des voix, et plus probablement autour de 35%. Pas un recul suffisant pour engendrer d'importantes recompositions dans la gauche du parti, mais suffisamment significatif pour motiver la direction à persister dans l'aventure du Front de Gauche. Pour ce qui est des textes, je pense que celui suscité par la fédération du XVème arrondissement de Paris et le courant informel Vive le PCF, "Un parti résolumment communiste", se situera sous la barre des 5% de suffrages. Le texte "Combattre l'austérité, en finir avec le capitalisme", dont La Riposte est à l'origine, pourrait selon moi obtenir environ deux fois plus de voix, autour de 10%. Mais c'est le texte initié par la majorité des anciens soutiens de "Faire vivre et renforcer le PCF" qui selon moi devrait être en tête des textes alternatifs, en réunissant je pense autour de 20% des voix.
Si le résultat se conforme à ce scénario, le rapport entre direction et aile gauche n'aura pas énormément bougé, mais au sein de l'aile gauche, c'est encore une fois la démarche de la fédération du Pas-de-Calais et de la Gauche Communiste qui remporterait l'adhésion. Le texte de La Riposte me semble être bien moins critique à l'endroit de la direction du PCF que ce fut le cas lors du 34ème congrès. D'une manière générale, l'opposition frontale à la stratégie du Front de Gauche n'est assumée que par la fédération du XVème arondissement de Paris. Si son texte fait un résultat de seulement 5% des voix ou moins, la question de l'opposition au Front de Gauche dans l'aile gauche du PCF sera je pense tranchée, les "orthodoxes" dans leur immense majorité se prononceront pour une poursuite du Front de Gauche mais avec l'exigence que le PCF y occupe le rôle le plus central. A terme, une entente pourrait être possible sur cette orientation stratégique entre une partie de la majorité et la majorité des "orthodoxes", sans effacer pour autant les divergences de fond. Cela serait une situation inédite depuis le 32ème congrès, car jusqu'à présent le désaccord de fond entre direction et aile gauche a systématiquement recouvert une divergence stratégique, au centre de laquelle se situait notamment jusqu'en 2009 la relation entretenue avec le PS.
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