« Le Privilège d’avoir faim »
C’est en 2011, que les destins de la Côte d’Ivoire et de son Président, ont chaviré. En effet, le gouvernement en place, celui de Laurent Gbagbo a été renversé et la ville d’Abidjan a ni plus ni moins été mise à feu et à sang. L’armée Française, envoyée par le Président Nicolas Sarkozy, est intervenue « pour la paix », accompagnée par l’ONU et Alassane Ouattara a été proclamé Président. Tel est le scénario que les médias occidentaux ont rapporté. Mais que s’est-il réellement passé pendant ces quelques jours et quel a été l’intérêt de la France dans cette affaire ?
Si l’on s’en tient aux médias, la France a ni plus ni moins sauvé la Côte d’Ivoire d’un Président détestable et controversé. Mais, comment savoir ce qui s’est réellement passé et qui a tiré les ficelles de ce « putsch » gouvernemental ? Francis Kéhassémon, un jeune auteur Ivoirien d’une trentaine d’années, raconte dans son ouvrage intitulé « Le privilège d’avoir faim », le calvaire qu’a vécu son pays, l’espace de quelques semaines, le temps de sortir un président, pour en installer un autre. Son récit est semblable à un journal de bord, écrit pendant une période d’occupation. Ses ressentis, impressions et surtout, la vérité sur cet événement, y sont racontés, avec précision et sans tabous. « J’ai bien conscience que je prends certains risques en me lançant sur ce terrain là avec mon livre… Mais j’ai fini par me dire que le silence n’est pas la solution pour rétablir la vérité sur la crise ivoirienne » dit-il. Aujourd’hui, Francis Kéhassémon travaille dans une petite ville près d’Abidjan et tente de faire connaître la vérité sur cette pseudo-guerre, ne serait-ce que pour rendre hommage, aux personnes y ayant injustement trouvé la mort.
En 2002, lorsque la guerre a éclaté dans le pays, Francis Kéhassémon a infiltré le réseau des rebelles, par le biais d’un journal (Le Tambour). Il y avait été recruté en tant que journaliste. Ainsi, il a eu le privilège de rencontrer des chefs rebelles et de pouvoir en interviewer quelques-uns. Avant la mise en place d’Ouattara, la Côte d’Ivoire était le symbole d’un nationalisme grandissant. Elle se démarquait en souhaitant rompre avec la « Françafrique » et pour cela, il était déjà question de changer de monnaie et de « travailler » avec d’autres puissances que l’hexagone, comme les BRICS par exemple. Un élan que la France voyait d’un très mauvais œil. Mais « il y avait aussi un autre enjeu encore plus mesquin, quelque chose de plus diabolique » rapporte l’auteur. En attendant, la France a réussi son coup, dans un bain de sang, où des civils non armés ont été tirés comme des lapins, où des innocents ont payé de leur vie, un conflit d’intérêt, les dépassant largement. La famine et la peur ont été l’ombre de chaque habitant d’Abidjan, sans compter les sifflements d’obus et les bruits d’avions militaires, régulant les longues journées de guerre. Bref, Gbagbo a été kidnappé et Ouattara est proclamé Président, non sans un vote populaire, bien entendu, sinon l’affaire aurait fait bien plus de bruit, mais un vote truqué, avant tout.
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire n’est que son propre fantôme. La pensée unique envahit le pays, les pro-Gbagbo (et ils sont plus nombreux que ce que la presse avait annoncé) sont en exil, afin d’éviter des interpellations musclées, au mieux et la mort, dans le pire des cas.. L’indignation est le sentiment quasi-général. « Je sais bien que l’on essaie de faire croire que la plupart des Ivoiriens étaient heureux du départ de Gbagbo, mais c’est faux ! Aujourd’hui, si vous suivez via internet et les réseaux sociaux, l’audience que suscite le procès de confirmation ou infirmation des charges contre Gbagbo à la Hayes, vous verrez toute l’attente des ivoiriens en ce qui concerne la libération de ce dernier et surtout, tout l’amour qui lui est porté » affirme Francis Kéhassémon.
Bien évidemment, les ivoiriens attendent que la vérité éclate et comptaient sur la prise de pouvoir de la gauche française pour que cela soit chose faite, mais en vain. « Un génocide a eu lieu à l’ouest du pays sur les autochtones Guéré de cette région. L’ONU a fait, et continue de faire, le silence sur cette affaire. Les ivoiriens aimeraient que ces choses soient sues. Des ONG telles que Human Right Watch et Amnesty International en parlent de plus en plus et il serait bien qu’on avance sur ce dossier. »
Un cri de désespoir et d’honneur est poussé par un pays tout entier. Un pays qui était en phase de déployer ses ailes, afin de s’élever et peut-être, de montrer l’exemple à tout un continent spolié.
Lorsqu’aujourd’hui, l’on demande à Francis Kéhassémon, si c’est réellement un privilège d’avoir faim, après « ça », c’est pudiquement qu’il répond que le traumatisme d’une guerre est marqué à jamais dans la chair de tout un chacun. Et que, propre à toutes les cicatrices, elles ne se referment jamais totalement. Sans compter que « la maladie somnole » : nombre de nouvelles attaques aux frontières du pays, ont lieu. Des attaques, qui prouvent bien, que le pays est en occupation et que la terreur et la frustration sont dorénavant les compagnons de route des ivoiriens.
Interview complète de Francis Kéhassémon
Lire les premières pages du "Privilège d'avoir faim"
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