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Le PS dans une stratégie de survie

Deux jours après sa débâcle électorale, le PS s’est réuni pour un conseil national placé sous le signe de la « refondation ». Martine Aubry a réussi à sauver sa tête et se donne aujourd’hui « 6 mois pour changer » la donne. Suffisant pour relancer le PS ? Rien n’est moins sûr…

Un leadership controversé

Le Parti Socialiste ne s’est jamais réellement remis d’un congrès de Reims qui s’est fait dans la douleur et dans l’humiliation. Aurélie Filippetti a raison, on ne bâtit pas un programme autour du « tout sauf Ségolène ». Martine Aubry, candidate de dernière minute encore faut-il le rappeler, a su contrer le phénomène Royal mais n’a pas su proposer de projet et d’alternatives fédératrices. Les alliances de motions et de circonstances n’ont pas tenu, laissant d’amères désillusions. La nomination de Martin Aubry s’est réalisée sous le sceau de l’ambigüité et de la suspicion.

A partir de ce constat, il aurait fallu gérer le PS sur la base d’un large consensus. Au lieu de cela, l’ancienne ministre de Lionel Jospin a accaparé le pouvoir et a choisi de diriger le parti de manière clanique. Cet autoritarisme a engendré bon nombre de remous en interne. Les “petites phrases” assassines se sont multipliées fragilisant un peu plus la nouvelle direction. Benoît Hamon affirmait il y a peu, qu’il n’avait jamais autant vu de « socialistes tirer contre leur camp pendant une campagne ». François Rebsamen de rétorquer que tant que l’on ne « permettra pas de débattre à l’intérieur du parti, nous parlerons à l’extérieur  ». Malek Boutih quant à lui dénonçait une « logique de bunkerisation » et de repli sur soi…

S’appuyant sur le triumvirat composé de Claude Bartolone, de Jean François Cambadélis et de François Lamy, Martine Aubry a imposé avec la poigne qu’on lui connaît, sa méthode et son autorité. Mais malgré cela, elle n’a jamais pu obtenir une véritable reconnaissance vis-à-vis des militants et des grands barons du mouvement. Ce manque de légitimé lui a sans doute manqué pour pouvoir réformer en profondeur le parti, qu’elle jugeait encore dimanche soir « trop recroquevillé sur lui-même ».

Aubry sauve sa tête

Avant les élections européennes, beaucoup de ténors du parti spéculaient déjà sur le départ de Martine Aubry en cas de « fiasco électoral ». Nous avons tous en mémoire la terrible défaite en 1994, qui avait précipité sa chute de Michel Rocard. Dès lors, on pouvait légitimement penser qu’avec 16,48% des voix et la moitié des députés non reconduit qu’un changement de 1ère secrétaire serait dans l’air du temps.

Que nenni, Martine Aubry en fine manœuvrière a su déjouer les pronostics. Aujourd’hui, elle peut en effet respirer, elle a réussi à sauver sa tête en prenant tous les putschistes de court. La jeune génération socialiste avait beau sonner le tocsin ; en rencontrant et en obtenant le « soutien complet » de Ségolène Royal, la fille de Jacques Delors était assurée d’obtenir un sursis supplémentaire. Les statuts du PS ayant changé, il aurait fallu de toute façon organiser un nouveau congrès pour débarquer la maire de Lille. De toute manière, personne ne souhaite actuellement tenter ce genre de pari avant les élections régionales de 2010, où il sera également très difficile de rééditer le bon score de 2004.

Quoi qu’il en soit, on pourrait légitimement s’interroger sur cet appui aussi soudain que surprenant de Ségolène Royal à Martine Aubry. Mais il faut d’ores et déjà savoir qu’en échange de ce bon procédé, un poste de vice présidente à l’internationale socialiste lui a été confié. Voila qui devrait lui permettre de soigner sa stature internationale et d’aborder 2012 sans prendre trop de risques.

Aujourd’hui, c’est un secret pour personne, Ségolène Royal ne craint pas Martine Aubry et elle a tout intérêt à ce que cette dernière soit reconduite. Tout simplement pour qu’aucun rival potentiel ne puisse émerger. On pourrait saluer ce rapprochement teinté d’opportunisme mais lorsqu’au rayon des autres grandes nouveautés, on nous annonce qu’elles vont désormais se parler « en direct » régulièrement, on saisit l’ampleur du chantier qu’il reste à parcourir…

A la suite de cette rencontre, Martine Aubry a en tout cas pu aborder sereinement le conseil national. Il faut rappeler (pour les néophytes du socialisme) que ce conseil, c’est un peu le parlement du parti, il rassemble les 306 principaux responsables du PS (204 membres élus et 102 secrétaires fédéraux). L’ancienne ministre de l’emploi en bon stratège avait avancé sa date, en pleine semaine, pour éviter une trop grande réunion des élus provinciaux.

Durant cette réunion, elle n’a pas cherché à fuir ses responsabilités, reconnaissant « l’importante défaite » et en proposant une « refondation du PS ». Heureusement, tant cette défaite est avant tout la sienne. Elle n’a pas su impulser une stratégie et un programme à la hauteur des enjeux européens. Le “Manifesto” du PSE n’avait rien d’ambitieux et servait surtout de vaste catalogue à des propositions sans substances. Gérard Collomb, actuel maire de Lyon a d’ailleurs affirmé durant la campagne, « nos propositions sont si nulles que nous ne sommes pas perçus comme une force d’alternance ». Et Manuel Valls de rajouter que désormais le PS parlait une « langue morte ».

La gestion « bureaucratique » des listes n’a pas non plus été une franche réussite. Harlem Désir propulsé comme tête de liste en Ile-de-France reste le grand vaincu de ce scrutin. On se demande encore pourquoi la 1ere secrétaire du PS n’a pas choisi Benoit Hamon. La seule révélation socialiste depuis bien longtemps porte désormais la macule de la défaite…

La refondation du Parti Socialiste

Au Parti Socialiste depuis quelques temps, chaque défaite devient une occasion de phosphorer autour de vastes concepts de « rénovation  » ou bien encore de « refondation  ». Mais depuis le 21 avril 2002, rien n’a changé ou presque. Cet énième revers est pourtant révélateur d’une crise profonde qui ne se dissipera pas en une seule séance de thérapie de groupe. Le PS est un parti où la division est prégnante et suinte de partout…

La déclaration de Martine Aubry qui a suivi le conseil national a logiquement déçu. Il n’y aura pas de grands bouleversements, du moins pour l’instant. L’actuel 1ère secrétaire a surtout évoqué des mesures d’organisation interne. Alors que nous sommes en pleine crise du capitalisme et de l’ultralibéralisme, le PS atone, continue de se regarder le nombril.

Une nouvelle gouvernance va donc être instaurée avec un comité de 15 membres, Valls, Peillon et Moscovici ont d’ores et déjà été sollicités. A cela, se rajoute un conseil des sages avec de « grandes figures » de l’histoire du Parti Socialiste avec notamment Delanoë, Fabius, Royal, Hollande. La refondation du PS se solde donc par le retour annoncé et prévisible des apparatchiks. On persiste sur la voie du « rafistolage  » en somme. Le parti socialiste passe d’un gouvernement d’oligarques à une vaste armée mexicaine mais les questions essentielles comme celle des primaires sont laissées en suspens.

Un parti en voie d’extinction ?

Ces derniers jours, bon nombre de socialistes ont tenu un discours assez alarmiste, en annonçant la possible disparition de leur parti en cas de nouvelles défaite aux présidentielles de 2012. Aurélie Filippetti a même déclaré qu’il fallait rénover le mouvement « du sol au plafond ». Arnaud Montebourg, pas à court de bonnes formules lui aussi, a affirmé que la défaite aux Européennes, c’est la « dernière station service avant le désert…nous jouons notre survie… ». Manuel Valls a quant à lui rappeler que tout parti restait « mortel », la SFIO en est un exemple historique probant…

Par conséquent, le Parti Socialiste doit se réformer rapidement tant les futures échéances électorales (régionales puis cantonales) sont cruciales. Le PS est dans une stratégie de survie et se doit de radicalement changer ses pratiques et son mode de fonctionnement. Il y a trop longtemps déjà que les socialistes ne proposent plus d’alternatives. L’heure ne doit plus être à l’autisme et au repli sur soi mais au lancement d’une force plurielle. Face à une crise européenne de la social-démocratie, la formation de Martine Aubry doit acquérir une idéologie cohérente qui soit à la fois moderne mais également en harmonie avec ses racines sociales et historiques. L’équilibre paraît difficile à trouver mais le succès ne se fera qu’à ce seul prix.

Je reste persuadé que le Parti Socialiste a tous les moyens nécessaires pour réussir cette mutation. Le principal ennemi du PS reste le PS lui-même. Jamais aucun parti n’a été aussi nihiliste. Mais à l’aune de ces élections européennes, on constate que ce mouvement en pleine nécrose demeure malgré tout le second parti d’opposition en France. Certes Europe Ecologie le talonne mais il s’agit plus d’un mouvement spontané que d’un véritable parti politique. Leur socle électoral est friable. Le principal danger du PS reste donc le MoDem, lui seul peut empêcher les socialistes d’accéder au second tour. Néanmoins, la tournure des évènements actuels se révèle être une aubaine inespérée dont le PS doit se saisir sous peine de voir certaines prédictions funestes se réaliser…

Article publié sur Reversus


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