" Et si c’était elle ? "
" Et si c’était elle ? " titrait le Nouvel Observateur du 15 décembre 2005. Cette couverture lançait la… " Carrière " médiatico-politique de Ségolène Royal. " Elle ", qui n’avait pas d’identité politique particulière, hormis que d’être femme, se trouvait tout à coup propulsée en pleine lumière, face à un Nicolas Sarkozy au faîte de sa popularité… il serait plus juste de dire, au faîte de sa puissance. Le magasine de la gauche caviar lançait ainsi un défi aux autres acteurs de la scène médiatique, acteurs qui se sont empressés de relever le gant ! Le… " Spectacle " a donné des résultats au-delà de toute leur espérance. Il dure toujours ! Quant au Parti socialiste, virgule, point d’interrogation ? Point d’exclamation ! Blanc, blanc, blanc…Où était-il ? Était-il déjà mort ?
Vincent Peillon a fait le sale boulot. Dorénavant, la… " Créature " des médias, Ségolène Royal, apparaîtra pour ce qu’elle est depuis l’origine : un facteur de division pour son camp, une aubaine… télé…guidée pour (par) le camp d’en face. Revers de la médaille, elle sera sans doute candidate en 2012, mais ce sera désormais très probablement contre le candidat investi par le PS. Car Ségolène Royal a brûlé à Dijon les dernières cartouches qui auraient pu lui permettre de continuer à sauver les apparences en cohabitant tant bien que mal avec son parti d’origine. Cette erreur grossière, en dit long sur le degré d’improvisation qui préside à ses actes, dit autrement, sur l’étroitesse de sa vision politique. Elle en dit tout autant sur l’irresponsabilité de ceux qui ont fabriqué et entretenu les faux-semblants de ce conte de fée ridicule. Je parle ici, des responsables politiques du PS qui ont accompagné cette dérive, mais je parle aussi, et peut-être plus encore, des autres protagonistes essentiels de cette pantalonnade, les " tireurs de ficelles ", les " faiseurs d’opinion ", les rois du nouveau monde ou les nouveaux rois du monde…bref, les médias.
Ce sont les sondages qui ont " fait " " Ségolène ". De part leur omniprésence, les sondages sont devenus au cours des 20 dernières années les outils de régulation de la vie démocratique. Cela s’est fait sans que ce soit le résultat d’un quelconque processus politique, on ne nous a même pas… sondé pour nous demander notre avis ! C’est un révélateur de l’état de notre démocratie, c’est en tout cas, de manière claire, un dévoiement de notre système politique. Les sondages ne servent pas qu’à mesurer l’opinion, ils la reflètent. Ils la reflètent… à grands coups de gros titres… " The winner is…"… dit autrement, ils la construisent, dit plus crûment encore, les sondages d’opinion, à l’échelle où on nous les assène quotidiennement dorénavant, ne sont plus rien d’autre que des outils de manipulation de masse. En Iran, il y a eu 14 débats télévisés opposant directement les divers protagonistes au moment des dernières élections présidentielles… avec le résultat que l’on sait. En France, il n’y en a eu que deux, débats qui ont d’ailleurs été forts ennuyeux. Normal, les jeux étaient faits depuis longtemps lorsqu’ils ont eu lieu. Sommes-nous des morts-vivants ? Vivons-nous dans un pays qui serait moins démocratique que l’Iran d’Ahmadinejad ? En tout cas, la question de savoir ce qu’est la démocratie se pose avec la même acuité en France qu’en Iran. La problématique de la société démocratique contemporaine, ce n’est plus seulement le combat pour la liberté d’expression de chacun, c’est aussi le problème posé à tous, par la capacité de…certains à s’approprier des micros de plus en plus assourdissants ! Aux temps modernes, la machine à propagande tourne 24 heures sur 24 ! Quel progrès !
Homme de gauche, simple électeur non militant, j’ai voté pour la candidate investie par le PS en 2007, Ségolène Royal. Je considère que je n’ai pas fait ce choix à travers un quelconque processus politique, j’ai simplement cédé à une injonction dont je savais en conscience qu’elle était extérieure à ma famille de pensée. Les médias avaient choisi pour moi. Beaucoup de militants ont fait le choix de " Ségolène " de la même manière. Le TSS - le Tout-Sauf-Ségolène - ce n’est rien d’autre que l’affirmation politique de cette… contrariété ! C’est une tentative… brouillonne, désespérée même, de résister à la marchandisation et à la privatisation forcée de l’espace politique, privatisation qui sert avant tout les intérêts des puissants du monde, en général, de la droite en particulier. Pour autant, les médias ne sont pas à mettre en cause en tant que tels, ils sont partie prenante de la complexité des sociétés contemporaines. Leur hyperpuissance est le reflet de l’affaiblissement des autres pouvoirs. Raison de plus pour en parler en terme politique. La gauche doit s’emparer vigoureusement de ce débat fondamental, plutôt que de… papoter avec la droite de l’identité française.
Royal, combien de divisions ? Voyons voir… TF1, Canal+… bigre ! Mais il n’y a pas là de quoi rire. Débarrassée des nécessités du combat idéologique, la capacité de nuisance de la reine des victimes sera décuplée. Sa probable candidature continuera de trouver un écho au sein d’une société autiste, nombrilique, poujadiste, qui n’a plus d’autre ambition politique que de choisir la couleur d’un drapeau, comme l’on choisit celle d’une paire de chaussure : l’on n’élit plus que " son " représentant : la représentante des femmes, celui ou celle des noirs, des petits et des grands, des moches et des beaux… des beaux, surtout ! Bref une société de " moi-je ", de victimes, qui ne savent plus ce que les mots " responsabilité ", " solidarité ", " collectivité " signifient. Crise économique, crise écologique, crise de gouvernance… rien n’y fait, les " moi-je ", dit autrement les cons, continuent de penser que tout est normal, que l’avenir leur appartient et que les " autres " sont à jamais leurs ennemis… surtout les Turcs… ça va de soi ! Ces cons sont légions, la présence à la tête de l’état français du roi des " M’as-tu-vu " en est l’illustration. Inutile de s’appesantir sur le sujet, c’est à peu près le seul thème que les médias traitent… avec sérieux !
Noire vision, caricature facile ? C’est vrai qu’il y a un autre versant à ce conte, il y a l’Amérique d’Obama : En Amérique un homme beau, noir, télé-compatible, apparemment intelligent, raisonnable et même… de gauche a été élu. Bravo l’artiste ! Mais cet homme n’a pas été élu parce qu’il est intelligent, raisonnable et de gauche, ni même parce qu’il est beau et noir, au contraire, il l’a été parce qu’il n’avait pas d’identité politique perceptible, il l’a été parce qu’il était un inconnu. Il a été élu parce que l’Amérique qui a porté au pouvoir et soutenue Georges Bush pendant 8 longues années était dans une impasse politique. De fait le héros Obama, à peine installé et pourtant déjà prix Nobel de la paix, n’est pas un président en exercice, il est un symbole. Il est le véhicule du désarroi et du sentiment de culpabilité des américains. Il n’est fort que parce que l’Amérique est faible. Souhaitons qu’il puisse tout de même réparer une partie des immenses dégâts de l’administration précédente, mais ne nous berçons pas d’illusion. Il est à la merci du premier vent mauvais venu, du premier tourbillon… médiatique venu, tourbillon qui ne manquera de s’abattre sur un homme… certes… unique, mais avant tout sur un homme…seul, seul face à la meute des sceptiques et des avides. Il est lui aussi un otage, tout comme l’est Ségolène Royal.
TSS…ou pas, " effet Obama "… ou pas, mort du PS même… ou pas, peu importe, Ségolène Royal sera candidate en 2012, quoi qu’il arrive ! Quant à la droite, personne dans ce camp n’ose non plus imaginer échapper à la candidature de Nicolas Sarkozy. Mieux, et ça c’est nouveau dans cette famille politique, il n’y aura probablement pas de dissident dans le cru 2012 ! Voyons voir… Euh ! Villepin sera en prison…Euh ! Bref, un candidat unique, tendance… bloc soviétique ! Si l’on ajoute à ce tableau, le troisième des pieds nickelés, l’homme de l’extrême-centre, François Bayrou, qui certes vacille…mais arrêtons là ! Cette répétition du mauvais scénario de l’élection précédente, cette crispation, cette hystérisation du débat public, est à l’image d’une société politique qui ne fonctionne plus. Alors ? Quelle solution ? Ne cesser de donner des coups de pieds dans la fourmilière à la manière de Peillon ? Ou faire l’autruche comme le fait Martine Aubry et le reste du PS en niant qu’il s’est passé quelque chose à Dijon et que cela a des conséquences ? Ni l’un, ni l’autre, l’hystérie et l’immobilisme sont les deux faces d’un même Janus. Ils ne mènent nulle part.
Le PS, citadelle assiégée, est en voie d’éclatement. Le temps des partis uniques est terminé. Celui des leaders maximo aussi : le clown de l’Élysée ne prête plus qu’à sourire et ses coups de menton n’impressionnent que la cour étroite des cyniques, des benêts et des traîtres qui l’entourent. Qu’il soit réélu ou pas, il disparaîtra à la manière de son alter ego américain, Georges Bush, dans l’indifférence et l’opprobre généralisée. Même la pensée unique ne fait plus recette : les médias, qui ont cru, au lendemain des élections présidentielles de 2002, que leur temps était venu, et qui ont voulu transformer la scène politique française en un immense barnum à l’américaine, ont fini à leur tour par casser leur jouet à force de faux-semblants et de surenchères. La cacophonie est totale. La crédibilité des médias est tout autant atteinte que celle des politiques. De fait, le réel finit toujours par s’imposer. Ce n’est pas parce que l’on répète des âneries des milliards et des milliards de fois qu’elles deviennent des réalités. Il n’existe nul sauveur suprême. La réalité est multiple… la gauche aussi. Il faudra faire avec !
Les journalistes ne sont pas tous de droite, ni tous de gauche mais ils sont tous de…parti prix. A leurs yeux, il n’est qu’une seule vérité politique : les perdants ont toujours tort ! C’est normal, la machine à propagande est avant tout une machine à fabriquer des consensus. Cela fait plus de clients ! Si l’on ajoute à cela, le fait que pour collecter et trier l’information, il est toujours plus facile de fouiller les poubelles des antichambres du pouvoir, plutôt que de s’intéresser à ce qui se passe sur les champs de bataille, force est de constater qu’il ne reste plus dès lors beaucoup de place pour l’opposition, la vraie, celle des champs de bataille. Elle devient inaudible… inaudible… sauf ! Des noms ? Si le gouvernement prend telle où telle mesure, il est d’usage que les médias sollicitent les commentaires de l’opposition : immédiatement des dizaines, voire des centaines de micros se tendent vers… Manuel Valls. Qu’en pense Manuel Valls ? Pourquoi le choix de Manuel Valls ? Parce qu’il est le plus représentatif, le plus crédible, le plus à même d’être compris par l’ensemble des français ? Il est vrai, qu’au sein de la gauche, il est un de ceux qui est le plus intellectuellement proche des conceptions… de la droite. Il est aussi et surtout extrêmement agressif vis-à-vis de son propre camp, ce qui lui permet d’exister alors qu’il n’y réussirait pas sans l’appui des médias. Il est donc une voix, dont on peut considérer qu’elle a une légitimité… relative… très relative ! Mais alors une question se pose. Qui décide du poids de cette relativité ? Les médias sont-ils par nature la voix médiane. Sont-ils le parti du centre et le Parti du centre a-t-il toujours raison ? Quelle est la légitimité des médias à choisir, filtrer, censurer la parole des autres ? Difficile question, car il faudrait alors relativiser aussi le poids de la parole de chaque journaliste. Un journaliste a le droit de dire ce qu’il veut, bien évidemment ! Mais qu’en est-il lorsque tous les journalistes reprennent tous en coeur la chanson du prêt à penser unique des marchands de soupe tiède ! Les journalistes ne sont peut-être ni de droite, ni de gauche, ils n’ont peut-être pas non plus, d’opinion préétablie sur les évènements, mais ils sont en tout cas extrêmement attentifs, avant de s’exprimer, à vérifier l’opinion de leurs… concurrents ! Dit autrement, les journalistes ne chassent qu’en meute ! Le plus puissant des lobbies du monde, la plus grosse des multinationales, s’appelle la " World Média § Co ! " Curieux paradoxe pour une profession qui fait commerce de la libre pensée !
A part Manuel Valls, l’opposition c’est qui ? Voyons voir ! Euh ! Villepin, Bayrou ? Non, non, je parle de l’autre opposition, la vieille, celle du… XIXème siècle, la gauche de la troisième internationale ! Ah oui ! Euh ! Bernard Tapie, Roger Hanin, Bernard Henry Levy, Claude Allègre, Jack Lang ? Euh…non, eux non plus, ils font partie de cette gauche intelligente qui a su évoluer avec les… opportunités ! Alors je ne vois pas… à part Manuel Valls, bien sûr ! Mais si ! Si tu lisais les journaux, tu verrais que l’opposition se compose … Euh ! des terroristes… Euh ! des traîtres, les traîtres à la gauche sont très prisés ces derniers temps… Qui encore ? On peut s’interroger sur le cas des pédophiles… Oui, non ! C’est quand même excessif, là ! Ah ! J’oubliais : il y a Ségolène Royal : un vrai rayon de soleil, dans ce paysage si…sombre de l’opposition !
Humour facile, méchanceté gratuite ? C’est vrai, Ségolène Royal ne peut porter à elle seule le poids des défaites de la gauche. Les journalistes non plus ! Arrêtons là ! Assez de polémique ! Mais il fallait en passer par là, Il fallait tous ses préalables, toutes ses précautions oratoires pour réussir à donner du sens à de simples évidences que les médias, à l’unisson de la droite, brocardent depuis si longtemps qu’ils sont devenus incompréhensibles au commun des mortels. Si Obama est du coté de la paix et Georges Bush, de celui de la guerre, cela n’a rien à voir avec la couleur de la peau de l’un et la religion de l’autre, comme on nous l’a seriné pourtant à longueur de colonnes, mais c’est la résultante des idéaux et des choix politiques de chacun des deux. Contrairement à ce qu’on tente de nous faire croire, les idéologies continuent d’imprégner nos comportements politiques… et c’est tant mieux ! CQFD !
Alors oui, avant que de parler de politique… politicienne, comme " ils " disent, il était absolument nécessaire de démonter la mécanique du pouvoir pour comprendre comment un personnage aussi anachronique, incompétent et dangereux que l’actuel locataire de l’Élysée, se trouve en situation de diriger la France (et a toutes les armes qu’il faut pour s’y maintenir). " Casse-toi, pauvre con ". C’est probablement le discours le plus commenté de cet homme, celui qui restera, une fois que nous lui aurons signifié son congé. Personnellement j’aurais préféré que nos journalistes commentent la réponse de son interlocuteur. " …Tu nous salis ". Car nous sommes collectivement sale de ce discours présidentiel là ! Cet abaissement de la fonction politique n’aurait pas été possible sans la complicité d’élites politiques indifférentes à leurs responsabilités. Je ne parle pas là des marionnettes sur lesquelles les caméras sont braquées en permanence, je parle de ceux qui sont derrière la caméra et qui restent dans l’ombre, pour mieux profiter du système, et qui pensent, à l’image des banquiers, que toute cette agitation ne les concerne pas. " Ma petite entreprise ne connaît pas la crise… ", comme le chantait Alain Baschung. Il n’y a pas que dans les multinationales que l’idéologie libérale a fait des ravages. Nous sommes tous contaminés. Il est temps de bousculer les interdits de l’époque. Il est temps de s’emparer des micros et de chasser les marchands du temple. Il est temps de mettre des limites au 4ème pouvoir. Il est temps de changer les règles du jeu de la vie politique.