Le PS : honneurs et dommages collatéraux de la démocratie
Le PS est un parti qui sort divisé de son Congrès de Reims, 75ème cru de ce parti de 37 ans, 103 ans si on l’identifie à la SFIO. Mais à bien y regarder, il y a dans cette culture politique la garantie d’un mode de gouvernement parfaitement démocratique. D’aucuns passeront leur temps à pointer les divisions, frappant populistement sur "le malheureux spectacle des rivalités internes". Mais d’autres pensent qu’en dépit des "dommages collatéraux de la démocratie", un tel fonctionnement est unique en France, et même dans le monde, et fait l’honneur de ce parti.
Tout système démocratique adopte comme principe de fonctionnement un mode de sélection d’une part et de résolution des conflits d’autre part fondés sur la contradiction ouverte et assumée par ses acteurs. Toute démocratie implique concurrence politique ouverte, égalitaire, compétition d’offre devant un ensemble de "décideurs", les électeurs. Evidemment, tout système démocratique implique une part de conflit. LA démocratie est à la fois intégration du conflit dans l’espace public, et résolution de ce conflit accepté.
Le Parti Socialiste est un parti démocratique. En son sein, la sélection s’opère par le vote, par une redistribution des cartes internes sur une base égalitaire tous les 3 ans, à chaque Congrès. Les deux modes de scrutins y sont présents : un scrutin proportionnel qui détermine la répartition des sièges des Instances entre les motions (le premier vote), fondées sur des idées et des sensibilités. Une semaine plus tard, le Congrès se réunit selon cette première répartition.
D’habitude, le Congrès national valide après une synthèse une candidature unique pour le Secrétariat national. C’est ainsi que François Hollande a pu être deux fois reconduit comme premier secrétaire, suite aux synthèses de Dijon et du Mans.
Le second scrutin, le "vote sur les personnes", permet de donner aux militants le dernier mot, et arrime finalement le PS à la Vème République, tout en gardant le système de désignation interne l’un des plus démocratiques des partis de France et d’Europe. Il suffit de se souvenir du vote à 95% de M. Sarkozy au sein de l’UMP, debout derrière le chef, ou les votes à main levée des "congrès" du modem, ou encore le "centralisme démocratique du Parti Communiste, ou la personnalisation de l’extrême gauche derrière Besancenot, sorte de canaliseur tribunicien, clairement lié au système. La comparaison ne laisse aucun doute sur le fait que le Parti Socialiste est en avance sur les autres formations en terme de procédure démocratique. Le PS est un parti où l’on vote. Beaucoup. Créant de ce fait une brêche où peuvent s’engoufrer des compétiteurs peu respectueux du collectif.
Cette fois-ci à Reims, la deuxième phase du scrutin sur le secrétaire national a eu lieu. Uninominal à deux tour cette fois-ci, crée par Lionel Jospin en 1995, ce mode "présidentialiste" d’élection a inscrit la Vème République dans les structures du PS.
Nous en avons vu les effets collatéraux au fil d’un pénible psychodrame démocratique de ces 5 derniers jours, comme les système politiques en connaissent lorsque les clivages sont forts. Ce système a polarisé la compétition interne. Deux camps se sont fait face. Le débat d’idées et de personne a petit à petit mené à une situation dramatique d’accusations croisées, une division étalée sur la place publique, à faire pâlir d’envie tout concurrent politique du plus grand parti de la gauche française. C’est un moment difficile pour les militants, mais tous savent que c’était une étape nécessaire. On n’accouche pas sans douleur.
Les clivages sont forts : il y a ceux qui refusent le système d’aristocratie médiatique satellisée autour du pouvoir politique, système qui tient les rênes de l’information de masse, des sondages aussi, et oriente l’opinion dans son sens. Et il y a les ségolistes, embrigadés dans le culte de la cheffe, organisés autour d’un matraquage médiatique tournant autour du symbole de la mère qu’elle incarnerait, le tout sous le regard bienveillant d’une partie de la nomenklatura audiovisuelle people, ralliée par certains d’entre eux qui ont trouvé un bon filon pour venir en politique. « Mais ouais, la politique c’est people aujourd’hui, Ségo elle est cool » pourrait être leur mot d’ordre.
Et bien au-delà de l’image véhiculée par le système marketing de désir d’avenir, Ségolène Royal a montré, dans la dernière ligne droite, être prête à tout pour "prendre le parti". Prête à avancer publiquement toutes les accusations, les dénonciations, les diffamations contre l’ensemble du PS, qui aurait, selon, elle, dans son intégralité, perdu le sens du code de l’honneur. On est avec elle, ou contre elle. Soit l’on accepte ses envolées lyriques, ou l’on est un vieil apparatchik tricheur. Soit on est avec elle, soit on est responsable de sa défaite...
Elle a attisé, sans mesure, toutes les foudres sur son parti, sans distinction des uns et des autres. Elle, et nombre de ses partisans, se sont victimisés, alors qu’il apparaît clairement que ce sont eux qui ont porté les attaques les plus lourdes, les plus ad hominem, les plus diffamatoires, et les moins appuyées sur le terrain politique. Elle a envoyé ses troupes menacer le Conseil National, qui n’a fort heureusement pas plié.
Les médias étaient majoritairement avec elle, ont abondemment relayé ses messages, et filtré ceux de ses compétiteurs. Il faut assurer au patron, notre bien-aimé Président, un adversaire plus facile qu’une vraie pointure politique. Le ministre Eric Besson, qui a quitté le PS du fait de Ségolène Royal, est réapparu subitement pour nous dire que finalement elle n’était peut être pas si mauvaise que cela. Raphaëlle Bacqué, qui a écrit sur elle un livre assassin, l’a également soutenue subliminalement. Laurent Ruquier a fait campagne ostensiblement pour elle. Cette stratégie de victimisation et d’influence médiatique a payé. Beaucoup d’adhérents venus en 2006, sans renouveler leur adhésion depuis sont réapparus le 20 novembre, apportant dans de nombreuses sections un apport non négligeable, d’où la montée de 13% entre le 6 novembre et le 20 novembre. C’est pourquoi Ségolène Royal mise sur son "idéal des adhésions à 20 euros". S’assurer, croit-elle, des réservoirs d’électeurs internes potentiels, liés à elle par ce contrat implicite de la mère protectrice.
Je pense aussi qu’il faut ouvrir le parti. Et je dis à tous les hommes de gauche, de la vraie gauche, pas une simili-gauche marketing people et inconséquente, la vrai gauche du travail et des valeurs, à venir au Parti Socialiste, résister avec les autres militants à cette infiltration d’une droite nationale et catholique, du marketing systèmique et de l’aristocratie neo-conservatrice. Car l’internationale neo-conservatisme étend ses réseaux et ses affinités électives dans toutes les organisations de droite ou de gauche. Et les sympathisants de gauche doivent comprendre qu’avec le système démocratique du PS, ils ont les moyens de faire front, à l’intérieur, pour choisir leur candidat, en faisant front contre les méthodes d’infiltration par des mouvements externes et droitistes.
Suite à sa défaite, elle a lancé sa candidature à la candidature, comme si le vote des militants n’avait plus de valeur, et comme si les socialistes n’auront pas leur motà dire pour désigner leur candidat. Et il y a de forte chance que la blessure qu’elle a infligée au Parti Socialiste conduise les militants à ne plus lui renouveler sa confiance. Et à vrai dire je l’espère. Je l’ai soutenu comme tant d’autres militants. Mais depuis janvier 2007, nous allons de charybde en scylla et c’est la responsabilité des militants d’arrêter cela. Ils ont majoritairement assumé leur responsabilité.
Au total, elle perd non plus avec 42 voix de retard, mais 102, c’est donc que ses propres acolytes auraient "triché" - pour reprendre le langage que ses lieutenants ont utilisé sur la place publique, avant que ne se prononce les instances légitimes. Et il faut bien rappeler que les ségoliens étaient présents à la commission de récolement. Au total, on aura semé le doute, lancé des diffamations, mais il ne reste rien, rien d’autre que le spectacle d’une ambition dévorante prête à toutes les divisions pour s’imposer.
Le Parti Socialiste est un parti démocratique. Ce faisant, il vient d’empêcher, par le vote de ses militants, que la gauche bascule dans le télévangélisme, dans les shows pathétiques, dans le culte de la personnalité, dans la stratégie d’une prétendue gauche, contre la gauche elle-même. Les militants socialistes ont donc résisté contre le rouleau compresseur médiatique et gouvernemental qui a plus d’une fois démontré sa volonté de soutenir Ségolène Royal et maintenir la gauche en retrait. Ce faisant, ils ont résisté devant la fatalité du pouvoir médiatique et politique. Et de cela, en dépit du dommage collatéral de la division temporaire, ce parti démocratique peut être fier.
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