Le « Qui connaît Julien Dray ? » de Martine Aubry
Ce matin, Martine Aubry était l’invitée de Marc Tronchot sur RTL. Interrogée en toute fin d’entretien sur l’impact des dernières déclarations médiatiques relatives à l’état PS, la Première secrétaire a eu des mots au mieux ambigus, au pire méprisants, à l’encontre de son camarade Julien Dray.
![aubry-rigole.jpg](http://lapolitiqueetmoi.hautetfort.com/media/00/02/2142573444.jpg)
Elle aura finalement à nouveau attendu six jours avant de réagir : ce n’est que ce matin, au 23 juillet, que Martine Aubry a pris le temps de réagir aux attaques de Julien Dray et BHL, qui elles dataient du 17. C’était sur RTL, en compagnie du remplaçant estival de Jean-Michel Aphatie, Marc Tronchot. Bien entendu, il fallut auparavant écouter les incontournables diatribes anti-gouvernementales et les pseudo-propositions, puis applaudir mollement aux rengorgements relatifs au travail si puissant, si constructif, si évident mené au sein du PS depuis son entrée en fonction. Enfin, une fois ces formalités d’usage liquidées (il ne restait alors plus que 30 secondes d’entretien) les deux protagonistes daignèrent aborder l’essentiel :
" - Vous avez parfois envisagé de démissioner, Martine Aubry ?
- Ah non, vous savez, moi je ne suis pas comme ça, et puis très franchement, euh... Julien Dray et BHL... que j’aime beaucoup, que j’entends, qui annonce(nt) la fin du Parti Socialiste chaque année depuis vingt ans (rires)... moi je suis là pour lui montrer que le Parti Socialiste n’est pas terminé, et pour dire aux français "vous pouvez compter sur nous."
C’est donc par le mépris que Martine Aubry a choisi de traiter les attaques de ses "amis" socialistes. Sa phrase, si sa tournure reste approximative, comporte cependant quelques zones d’ombre méritant une attention particulière :
- "et puis très franchement" : cette expression, dans le français courant, sert dans presque tous les cas à exprimer une relativisation du propos qui précédait. Ici, il est évident que Martine Aubry veut mettre une distance hiérarchique entre la démission évoquée par Marc Tronchot et les noms des deux principaux intéressés qu’elle citera ensuite, Julien Dray et BHL : son "très franchement" vise ici à rejeter tout lien de cause à effet susceptible d’exister entre elle, tout là-haut, et eux, prophètes de malheur prêtant à rire.
- "Julien Dray et BHL" : il est intéressant dans un premier temps de noter que Martine Aubry met Julien Dray dans le même panier que BHL. Or l’un fut un responsable socialiste reconnu pendant 25 ans, qui garde la stature d’un homme d’état, quand l’autre se veut un philosophe médiatique touche-à-tout - même au pire : le fait de traiter leurs déclarations sur le même plan en dit déjà long sur la capacité de Martine Aubry à restituer leur juste portée aux événements politiques et médiatiques.
- "qui annonce(nt) la fin du Parti Socialiste chaque année depuis vingt ans" : le fait de réunir Julien Dray et BHL dans une même tournure comme vu à l’instant introduit un doute important dans la suite de la phrase. Est-ce Julien Dray, BHL ou chacun des deux qui annonce(nt) depuis vingt ans cet événement, hilarant pour Martine Aubry, à savoir la fin du PS ? Le citoyen moyen ne s’y trompe pas : c’est bien de BHL dont il est question ici, lui qui a ceci de commun avec Ségolène Royal - et tant d’autres, finalement - de ne concevoir un PS qu’à son image, et ce depuis vingt ans effectivement. Mais voilà : l’évocation de son nom associé à celui de Julien Dray les réunit au sein de cette phrase sous un même statut, celui de gesticulateurs grotesques comme inutiles (que Martine Aubry - surtout, ne l’oublions pas - "aime beaucoup").
Cet épisode en rappelle bien sûr un autre, celui qui durant la campagne présidentielle de 2007 vit Ségolène Royal marquer un mépris finalement similaire envers Eric Besson, suite au recul que celui-ci prenait vis-à-vis de sa stratégie de campagne. Face à un parterre de journalistes l’interrogeant sur la démission de son lieutenant, Ségolène Royal avait pris à parti les personnes présentes autour d’elle, et avait lancé à la cantonnade un "qui connaît Monsieur Besson ?" resté célèbre.
Ici, la phrase de Martine Aubry est certainement plus subtile. Mais derrière la dépersonnalisation de Julien Dray recherchée par ses mots se cache un mépris peut être plus important, parce qu’il vise à nier et à ridiculiser l’engagement politique d’une vie. Eric Besson, puis Julien Dray : l’humiliation publique ferait-elle désormais partie des valeurs du PS ?
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